F.A.Q sur l'utilisation grammaticale du féminin sur Khaganat
Assumer le féminin comme genre dominant, c'est une façon comme une autre de gratter là où ça dérange, de montrer que certaines choses de notre culture sont bonnes à remettre en question. Même si on peut faire ça en rigolant et sans se prendre trop au sérieux. Même si nous savons bien que cela, seul, ne va pas changer grand-chose à l'égalité des genres. Cependant, c'est une petite piqûre de rappel, pour se souvenir que ce que nous croyons comme allant de soi doit être surveillé. L'attention portée à quelque chose d'aussi mineur que le genre dominant d'une langue amène à ouvrir l'œil sur toutes les autres inégalités qui peuvent nous entourer ; le renversement des rôles permet de repenser sa propre place et d'ajuster ses propres comportements, de susciter des discussions qui peuvent mener à des remises en question.
Dorénavant, nos communications officielles tenteront de suivre cette règle autant que possible. Sans se prendre trop au sérieux, mais avec conviction.
Source : Khaganat assume le féminin
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Comment cela s'applique
La règle du féminin qui l'emporte s'applique dans la communication officielle de Khaganat : présentations ici et là, nos articles de blog, certains articles sur le wikhan. En gros, si c'est signé “Khaganat”, ça devrait être au féminin.
Vous avez bien sûr le droit de l'appliquer aussi en votre nom propre dans les échanges (XMPP, forum, vos articles et histoires, etc.), mais ce n'est pas une obligation : c'est comme ça vous amuse et comme vous pouvez.
Il s'agit de français, les mots genrés au féminin ou au masculin restent avec ce genre. Exemple : un tabouret, une Excellence, la lune, le soleil… Le seul changement intervient lors des accords pluriels : s'il y a au moins un sujet féminin dans le groupe, alors on accordera au féminin :
- le tabouret est noir.
- le tabouret et le placard sont noirs.
- le tabouret et la nuit sont noires.
- la table et la nuit sont noires.
Tout simple !
Cela se complique dans le cas des groupes où on ne sais pas trop s'il y a des mâles/femelles et où un genre doit être appliqué… Dans l'ensemble, passez au féminin, sauf si vous savez qu'il n'y a que des mâles.
- ces humaines sont sympas ; les entraîneuses arrivent ; les ra sont sorties ; les chattes s'amusent.
À noter qu'un certain nombre de mots en français désignent des groupes de gens en ayant un genre bien précis : personnes, gens, individus…
- ces personnes sont gentilles ; ces gens sont mignons ; ces individus sont verts.
Dit-on “un chat” par défaut ? La pratique au fil des ans montre que si on ne connaît pas le genre de l'individu ET qu'il s'agit de quelque chose qui se genre (il existe une version masculine et une version féminine du mot), nous avons tendance à utiliser le féminin par défaut, jusqu'à avoir plus d'information. Donc, si on ne sait pas si l'individu félin est mâle ou femelle, la plupart des membres de Khaganat diront “la chatte”, jusqu'à ce qu'une vérification des roustons permettent de confirmer ou infirmer l'usage. C'est pourquoi vous serez probablement genré par défaut au féminin en arrivant chez nous : dans le doute, on utilise le genre par défaut.
Par contre, une table reste au féminin (il n'y a pas de masculin pour ce mot en français), de même qu'un tabouret reste un mot masculin.
Pour résumer, si c'est
- indéfini et “genrable”, nous avons tendance à utiliser le féminin,
- indéfini et non genrable, on laisse le français par défaut.
Cela reste un jeu plus que des règles strictes, c'est donc à l'appréciation de qui écrit.
Certaines formulations s'appuient sur du masculin et qu'il n'est pas nécessaire de les féminiser : ça n'a pas de sens. “Il pleut” ou “Il fait beau” sont plus compréhensibles que “Elle pleut” ou “Elle fait beau”, et ces dernières formulations feront de toute façon hurler les correcteurs orthographiques automatiques.
Est-ce que je dois me genrer au féminin, même si je suis du genre masculin ?
Vous faites comme vous voulez… Mais si vous êtes un mâle1) et que vous voulez être reconnu comme tel, il vaut mieux vous genrer personnellement au masculin.
L'accord au féminin fonctionne uniquement lors des pluriels, s'il y a au moins une femelle dans le groupe.
Exemple :
- Moi, Georges, je suis heureux.
- Alice et moi (Georges) sommes heureuses.
Faut-il se contenter d'écrire "comme d'habitude", puis reprendre les accords ?
C'est une possibilité, lors de la rédaction des textes officiels, mais nous vous alertons sur le fait que ça va probablement être très bizarre sur certains points et qu'il peut être intéressant de reprendre les points en question au niveau de la formulation.
Avec la pratique, nous préférons réécrire certains passages afin de favoriser des formules plus neutres ou non genrées, afin que l'arrivée du genre féminin comme genre dominant ne fasse pas perdre du sens au texte. L'exercice nous permet avant tout de travailler sur notre propre représentation du monde et de prendre conscience des inégalités véhiculées dans le langage. Cependant, il s'agit de communication officielle, il faut aussi que les gens arrivent à comprendre notre message. Nous bousculons un peu lecteurs et lectrices dans leur rapport au genre mais il faut que ça reste accessible.
Les retours sont globalement positifs (même si ça fait beaucoup causer), donc la méthode semble bonne.
Vous pouvez évidement écrire des textes plus expérimentaux en votre nom propre.
À propos de la langue, du "bon" français
Ce n'est pas du français, l'Académie française ne l'a pas approuvé
La langue française est une langue vivante et donc en perpétuelle évolution. Les locuteurs et locutrices font évoluer leur langue, consciemment ou non : d'ailleurs le français se parle différemment suivant les pays et les régions.
Le rôle de l'Académie française est d'acter ces évolutions, pas de les imposer.
Enfin, notre parti pris est du français. L'accord au féminin obéit aux règles françaises. La seule règle avec laquelle nous jouons est de ne pas accepter que le masculin l'emporte. Pour autant, nos textes passent sans problème le test d'une analyse grammaticale2), si on se place dans un contexte où toutes les intervenantes sont du genre féminin.
C'est compliqué à lire, je n'ai pas l'habitude
C'est un très bon argument et c'est absolument entendable. Nous espérons que vous pourrez vous y habituer… Mais si ce n'est pas le cas, tant pis, il y a pleins d'autres belles choses à découvrir dans le monde :)
La plupart de nos lecteurs et lectrices se font rapidement à l'exercice, tout en ayant régulièrement des passages “prise de conscience” sur le fait que le sens des mots peut changer suivant l'accord de genre.
C'est moche, c'est pas lisible, c'est...
Hop hop hop, on se calme. Ce n'est pas de l'écriture inclusive, ça reste du français quasiment canonique. Si vous préférez lire en anglais, en lojban ou dans une autre langue, aidez-nous à traduire. Si c'est l'esthétique qui vous intéresse, nous acceptons aussi l'ithkuil et l'aUI.
Au passage, le traducteur automatique ne se bloque pas sur les accords au féminin.
Le but d'une langue est de se comprendre et là, on ne se comprends plus
Une langue n'a généralement pas de “but” (ce qui supposerait une volonté et ce n'est pas le cas dans les langues naturelles). Elle peut avoir des fonctions. L'une de ses fonctions est la communication (concept différent de la compréhension). Cette communication passe par la manipulation de symboles et de concepts.
Un certain nombre de disciplines (philosophie avant tout, mais aussi marketing, militantisme, religion, etc.) utilisent justement le langage pour manipuler les concepts et faire évoluer notre représentation du monde. Khaganat est fortement imprégnée de culture philosophique et amène régulièrement à se questionner sur la nature de notre “réalité”. Le jeu de langue autour du féminin n'est que la partie la plus visible, attendez-vous à rencontrer bien plus déroutant dans vos explorations de notre projet.
Le masculin est déjà le genre neutre dans la langue française
Cet argument se défend, même si l'évolution de la langue française donne lieu à des lectures variées suivant les commentatrices. Au XVIIe siècle, les arguments avancés en faveur du masculin étaient réellement teinté de sexisme3). Il faut attendre 1984 pour que l'Académie Française acte que le masculin est un genre neutre générique. L'article de Wikipédia sur Féminisation en français donne quelques bases sur le sujet.
Mais ce n'est tout simplement pas ce que nous voulons expérimenter. Vous êtes libres de voir le masculin comme un neutre ; nous préférons partir sur l'hypothèse que le neutre n'existe pas vraiment dans le français (en tout cas pas dans les accords), et surtout qu'à travers notre usage de la langue, nous véhiculons d'innombrables biais culturels. Utiliser le féminin est une façon d'en prendre conscience, justement parce que cet accord en tant que “neutre” ne nous est pas habituel.
À propos des inégalités, du sexisme, etc
Il y a des combats plus importants à mener
Est-ce que jouer avec les représentations mentales véhiculées par la langue empêche de mener, par ailleurs, d'autres combats ?
Ce qui va prendre de l'énergie de façon inutile, c'est de passer un temps infini à pinailler sur le fait qu'il est pertinent ou non de mener un combat. Cette F.A.Q est là pour économiser cette énergie.
Vous pouvez être d'accord avec nous, ou contre, ou même n'en avoir rien à faire. Mais ce qui compte est ce qui est fait jour après jour. Il y a des choses concrètes à faire pour combattre les inégalités, mais ce n'est pas antinomique avec la mise en pratique d'autres concepts dans le langage.
Enfin, le fait de mener des “combats importants” ne doit pas faire oublier qu'il nous faut aussi du futile et du léger dans nos vies. Khaganat a pour vocation de “soutenir et d'assurer le développement artistique et technique d'univers ludiques libres” (source), ce qui est très futile pour certaines ! Cependant, nous pensons qu'à travers la capacité à rêver et expérimenter, nous construisons notre capacité à agir dans le monde.
Cela ne va pas changer la réalité du sexisme
Notre croyance est que changer la règle d'accord nous permet de prendre conscience de ce sexisme. C'est aussi une réalité concrète lorsque nous nous livrons à cet exercice, nous découvrons comment “ça ne sonne pas pareil” lorsque les actes, les choses, les groupes, sont genrées au féminin plutôt qu'au masculin.
Une fois cette prise de conscience faite, cela permet d'agir plus concrètement contre le sexisme.
Je suis un homme, je me sens exclu quand tout est au féminin !
Nous comprenons ce sentiment. C'est ce que les petites filles intériorisent lorsqu'elles apprennent le français canonique. Puis avec le temps, elles prennent l'habitude d'être invisibilisées dans les discours.
C'est désagréable, mais on s'y habitue avec le temps.
Encore un discours complotiste contre les mâles blancs cisgenres !
Mais non… Nous aimons les mâles aussi ! Et certaines d'entre nous aiment même beaucoup les cisgenres. Nous évitons aussi toute discrimination basée sur la couleur de peau, de poil, ou d'écaille.
Il y a plusieurs façons de voir les choses :
- soit il n'y a pas de privilèges pour une certaine caste (et donc rien à déconstruire), et dans ce cas, favoriser un genre ou un autre n'a aucune conséquence… donc pourquoi s'offusquer de ces jeux ?
- soit il y a effectivement des privilèges à déconstruire, et dans ce cas, ces jeux peuvent être utiles ;
- soit il y a effectivement des privilèges et ils vous bénéficient suffisamment pour que vous vous battiez afin de les conserver et dans ce cas, nous jouerons sans vous.
Notez que pour nous, il s'agit toujours de jeu. Nous n'avons aucune envie de blesser et encore moins d'être blessées. Amusons-nous de tout ça… mais si ça ne vous amuse pas, ne restez pas ici, ce serait vous faire du mal alors que nous ne souhaitons que votre bien.
C'est remplacer un sexisme par un autre
Oui.
C'est un fait : si tout le monde genrait au féminin plutôt qu'au masculin, nous aurions remplacé une oppression par une autre.
Cependant, ce n'est pas encore le cas. Tant que le choix de genrer les accords au féminin n'est pas la norme sociétale, et tant que nous le faisons en conscience et avec recul4), il s'agit moins de remplacer une oppression par une autre, que de “hacker” notre représentation du monde et se donner une chance de remettre un peu d'équilibre.
L'écriture inclusive est plus appropriée à l'égalité des genres5), mais soulève des réactions épidermiques. Passer au féminin est une façon de préparer le terrain, de remettre en question des acquis.
Enfin, même au sein de Khaganat, vous avez le droit de ne pas appliquer cette règle si vous n'en avez pas envie : ce n'est pas une obligation pour les individus, c'est avant tout le choix que nous faisons pour notre communication publique.
Divers
Cela détourne les conversations du sujet principal
C'est vrai, les commentaires dans certaines sphères vont plus tourner autour du choix de mettre le féminin comme genre dominant, plutôt que de ce dont les articles peuvent parler (par exemple, un MMORPG).
Cela fait pourtant partie de notre identité et nous acceptons ces discussions. Elles nous semblent même importantes pour faire comprendre qu'on peut bousculer quelques règles. Nous allons probablement beaucoup renvoyer vers cette FAQ pour les arguments les plus communs, mais il reste intéressant de discuter de ce que cela réveille chez chacune d'entre nous.
Ensuite, nous espérons qu'il y aura toujours quelques personnes pour discuter aussi au delà du genre. Yaka ! Si vous êtes arrivées ici suite à ce genre de constatation, montrez l'exemple et causez de ce qui vous semble important ;)
Pour compléter cette FAQ, vous pouvez aussi alimenter le sujet dédié sur le forum.
Qu'est-ce qui vous a menées à ce choix ?
La réponse est un peu longue et traitée sur cet article de blog : Khaganat assume le féminin.
Est-ce que cela veut dire que vous êtes contre l'écriture inclusive ?
Au sein de Khaganat, il n'y a pas eu de consensus sur l'écriture inclusive, nous avons donc choisi une autre voie. Cela veut dire que certaines de nos membres sont pour, contre, neutre, etc. par rapport aux diverses formes de l'écriture inclusive. Un des arguments récurrents contre certaines formes d'écriture inclusive est l'usage d'une typographie rendant la lecture complexe voir impossible dans le cas de certains handicaps (points qui sont lus comme des fins de phrase par les lecteurs d'écrans, tirets mal interprétés, et même le point median a ses détracteurs, entre autre parmi les dyslexiques : son abus rend certains textes très complexes à lire pour ces personnes). Le problème de la typographie et de la lecture ne se pose pas avec le féminin.
Si vous-même préférez utiliser une écriture inclusive (sur le forum, XMPP, vos textes…), vous avez parfaitement le droit de l'utiliser, comme vous pouvez aussi utiliser le français masculinisé. Peut-être que certaines vous poseront des questions à ce sujet ou souhaiterons engager le débat ; tant que tout se passe dans le respect des unes et des autres, il n'y a pas de problème.
Pourquoi certaines formules sont plus épicènes que féminisées ?
Pour éviter d'être trop excluantes. Nous n'utilisons pas les accords épicènes avec les points milieux/tirets/autre signe de ponctuation (souvent source de critiques), mais nous utilisons par moment des formules incluant masculins et féminins, comme “bonjour à toutes et tous”. Ce n'est pas une règle, c'est comme chacune le sent sur le moment, et nous évitons ces formules lorsque cela rend le texte trop lourd, mais cela permet aussi de rappeler que les mâles ne sont pas exclus… C'est d'ailleurs globalement le parti pris de cette FAQ, dont le but est d'être accessible autant que possible, y compris par les gens qui ont du mal avec notre choix.
Vous êtes sérieuses ?
Non.
Nous jouons. Nous faisons cela sérieusement, mais sans se prendre au sérieux. Il nous semble essentiel de nous amuser sur ces questions.