Resni
Resni signifie le “signe du serpent” dans la langue sacrée. C'est avant tout le nom d'un courant du chamanisme onirique Sevo'a, mais par extension cela a fini par décrire une pratique fort utile : la capacité de se déplacer quasiment instantanément d'un point à l'autre du Khanat.
Origine du resni
Dans un éon lointain, les Sibylles ophidra constatèrent que parfois, après leur exploration du Monde des Rêves, elles se réveillaient loin de là où elles s'étaient endormies. Ces déplacements ne s'expliquaient pas par du somnambulisme, aussi des expériences furent-elles menées, jusqu'à trouver des méthodes permettant de reproduire l'effet de façon volontaire. La méthode primitive (encore utilisée de nos jours par les chamanes exploratrices) souffre cependant d'une certaine complexité : il faut se plonger dans une transe spécifique, généralement provoquée grâce à un mélange de drogues précises, puis trouver son chemin dans le Monde des Rêves. La méthode connut cependant du succès, et en a encore car c'est (entre autres) un des rares moyens d'atteindre des points du Khanat inaccessibles par d'autres biais, par exemple des zones entourées de Brumes. Ce genre de voyage n'est cependant pas exempt de danger, et de terribles histoires racontent comment des chamanes se sont perdues dans les Brumes en empruntant cette voie.
Cependant ces expériences permirent de mettre un autre aspect en évidence : les voyageuses réapparaissaient souvent dans les mêmes zones. Lieux où les revifs spontanées étaient aussi plus fréquents. La conclusion était évidente : quelque chose, “là”, favorisait la réapparition des ra. On suppose que c'est de cette période que date les bornes de revif, dont la forme d'œuf est caractéristique, utilisées pour faciliter leur repérage dans le Monde du Rêve et indiquer une zone de revif/resni dans le Khanat. Mais certaines prétendent que les œufs étaient là avant, et que c'est justement leur présence qui créent ces points de passage1).
Quoi qu'il en soit, les Sibylles trouvèrent comment améliorer la technique, tout d'abord en créant des zones de resni, par des rituels complexes, et ensuite en créant des objets servant de catalyseur pour que les ra puissent se téléporter sur ces resnis avec une complexité bien moindre et une garantie plus grande d'arriver à destination.
Pratiques du resni
Resni primitif
Cette pratique demande une formation et un accompagnement chamanique sérieux. Une fois maitrisée, la voyageuse peut se plonger dans la transe idoine, explorer le Monde des Rêves, et ressortir à peu près sur n'importe quel point de resni du Khanat. Ce qui a l'air simple, dit de cette façon.
Mais les drogues pour plonger dans la transe ont un effet sur plusieurs heures, ce qui n'est pas toujours compatible avec ce qu'on trouve au resni. De plus, le Monde des Rêves étant ce qu'il est, certains chemins sont dangereux, d'autres cachés, et certaines portes de sortie sont complexes à ouvrir.
Pour ces raisons, il est fortement déconseillé de prendre une décoction de farespa sans savoir ce qu'on fait.
Resni guidé
Des groupes de chamanes s'organisent parfois pour créer des sortes de “routes balisées”. Pour qui est instruit des bonnes formules, il suffit alors d'une transe légère, dans un demi-sommeil proche du dépho, pour se téléporter à la zone correspondant à l'incantation.
Cette pratique est bien moins risquée. Les oniristes prétendent d'ailleurs que Revinc ne fait qu'utiliser une variante de ce resni. Mais elle demande un entretien régulier, sous peine de voir les “routes” disparaitre. Par ailleurs, retenir de nombreuses incantations n'est pas toujours évident, chaque point de resni demandant son propre chant. Cela puise aussi dans l'énergie des personnes utilisant le resni, ce qui fait qu'une bonne sieste est appréciée après un voyage.
Il est aussi possible d'appeler l'esprit d'une Rêveuse endormie, et de l'amener par ce biais au resni où le convent de chamanes l'a appelé. La technique est assez complexe à mettre en œuvre quand tout le monde est d'accord, et malgré quelques histoires d'horreurs de Rêveuses attirées dans des coins reculés par des chamanes mal intentionnées, les risques d'être convoquée contre son gré tiennent plus du fantasme que de la réalité2).
Resni avec catalyseur
Cette méthode est considérée comme trop artificielle par les chamanes les plus extrêmistes, mais la plupart des ra apprécient sa simplicité.
Le catalyseur est un simple objet de la taille d'un œuf, d'une composition complexe, contenant entre autres divers krili. C'est un objet assez cher vu le niveau d'artisanat requis, mais de nombreuses ra s'en procurent un au cours de leur vie, tant il est pratique.
Il est assez simple à manipuler. Chaque ra trouve la façon dont elle “sent” son œuf, l'objectif étant de se placer dans un état mental adéquat ; le krili mémoriel contenu dans l'œuf transmettant alors le détail de l'incantation à effectuer suivant le lieu où la ra souhaite se rendre. L'énergie nécessaire est fourni par un autre krili, ce qui évite la sieste de fin de resni guidé.
Il y a évidement quelques limites.
Chaque œuf se lie à sa propriétaire au fil des usages ; il devient impossible, après une dizaine d'utilisations, de le transmettre ou de l'utiliser à la place d'autrui.
Il faut aussi s'assurer que l'œuf est chargé avant de l'utiliser. Cela se fait assez simplement avec une bonne nuit de sommeil, l'œuf près de soi. Le nombre de resni disponibles dans un œuf dépend de la qualité de ce dernier et du “coût” des points de resni utilisés, mais est généralement de trois ou quatre resni par jour. Les plus puissants en permettent une quarantaine, mais les recharger entièrement demande plus d'une nuit.
Enfin, il est impossible d'aller à un point de resni que l'on n'a pas préalablement activé avec son œuf auparavant. Il faut donc se rendre sur la zone de resni, trouver la “clé”3) pour y accéder et imprimer cela dans son œuf. C'est assez facile lorsqu'il y a une borne, les deux œufs se synchronisant généralement assez bien, mais les points de resni non marqués demandent souvent des connaissances chamaniques.
Points de resni
De façon (sans doute) naturelle, certaines zones sont des points de resni. Il y en a un peu partout dans le Khanat. Les points de resni demandent de l'entretien pour être stables, sinon leur présence peut devenir aléatoire, au gré des fluctuations de lakne. Cependant, le simple fait de les emprunter dans le cadre du resni participe à leur stabilité.
Il est aussi possible de créer une zone de resni, plus ou moins grande, via des rituels complexes. Une fois créé, le point obéit aux mêmes règles que les autres, bien que plus ou moins stable suivant là où il est placé.
Les œufs de pierre peuvent marquer l'emplacement d'un resni. Cependant :
- Certains points ne sont pas marqués. Il faut être initié pour les trouver.
- Les œufs n'ont pas tous le même “design”, ce qui les rends parfois complexes à identifier, surtout si la zone a été chamboulée (naturellement ou par une décoratrice trop inspirée).
- Parfois un œuf n'est qu'un œuf, enfin une statue d'œuf. Cela reste un symbole assez commun dans le Khanat, qui évoque bien plus que le resni et le revif.
Certains points de resni ne sont pas facilement accessibles. Certains sont même des pièges mortels pour qui n'en connait pas la clé. Les chamans qui entretiennent un resni peuvent y associer divers sorts et malédictions. Pour cette raison, il est fortement déconseillé d'utiliser un resni sans l'avis des autochtones. On trouve aussi un peu partout le “guide des resni par œufs”, qui recense les points fiables et sans risques, et quelques uns de ceux dont l'emplacement semble évident mais dont la véritable clé est perdue depuis longtemps et qui sont dangereux.
D'autres points peuvent simplement être contrôlés de façon temporaire par un groupe ou un autre, interdisant à qui n'est pas du bon kagnivo de les emprunter. Maintenir une interdiction d'accès ciblée est cependant complexe et demande une intervention régulière, ce qui rend la pratique assez coûteuse pour les kagnivo. Et la méthode souffre de deux défauts majeurs : les voyageuses par resni n'aiment pas se faire interdire un accès (le “renvoi” est physiquement douloureux), et une chamane expérimentée arrivera à passer si elle le veut vraiment. Pas avec un œuf de resni mais avec des techniques avancées, cependant : cela ne bloquera pas des “espionnes” motivées.
Enfin, il existe aussi des rituels pour désactiver des points de resni. Ce n'est pas simple, mais cela peut se faire, entre autres quand le point de resni donne dans votre logement et que vous êtes lasse de voir des étrangers arriver sans passer par la porte.
Limites du resni
Au delà du coût physique du voyage et des éventuels risques oniriques, le resni a une contrainte majeure : il ne permet pas de transporter plus que lors d'un revif. Pour simplifier : “ce qu'une ra a sur elle”. Mais si cela s'applique aux habits et au contenu des poches, trop de poids surnuméraire reste simplement au point de départ : sac à dos trop chargé, armure trop lourde… Des techniques permettent de transporter un peu plus, souvent pour un coût plus élevé pour le corps (plus de drogues, plus de fatigue…), mais les limites restent là, et il n'est pas possible de faire passer un chariot de marchandise ou sa monture via un resni.