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Héros et Méchants dans un jeu de rôle

Dans la construction d’une histoire, nous retrouvons souvent les archétypes du Héros et du Méchant. C’est un peu binaire, mais ça marche et ça nous fait du bien. Vous pouvez parfaitement raconter et jouer des histoires sans ce manichéisme de base ! Mais quand vous le faites, il y a quelques informations à connaître pour éviter des écueils basiques, et surtout pour éviter d’ennuyer les autres. L’ennui et l’héroïsme, ce n’est pas compatible.

Si vous êtes seul devant votre feuille blanche à écrire l’histoire, il est fort probable que vous arriviez à avoir un équilibre dans votre histoire entre les méchants et les gentils. Dans le cadre d’un MMORPG ou d’un jeu de rôle, vous construisez l’histoire à plusieurs, chacun étant responsable d’un acteur, parfois deux ou trois, mais aucun ne maîtrisant toute la trame.

Trouvez votre compagnon de jeu

Un héros sans méchant est tout aussi inutile qu’un méchant sans héros. Vous pouvez créer le personnage le plus passionnant qui soit, si son opposé n’est pas présent, tout le monde se désintéressera de son histoire et il n’aura aucun charisme.

Hélas, c’est une erreur courante, en particulier dans les MMORPG.

Ne créez pas votre personnage en imaginant qu’en face, un héros/méchant se révélera pour le combattre. Ça ne marche pas. Définissez le personnage que vous souhaitez faire vivre, puis trouvez quelqu’un qui va savoir lui répondre, qui a envie d’en jouer la némésis. Ou bien interprétez ces deux personnages rivaux (attention à votre schizophrénie, n’oubliez pas d’inviter les autres à participer à votre combat).

Si, dans l’histoire, le héros et le méchant sont des ennemis, il faut qu’en coulisse il y ait une énorme complicité pour que ça soit palpitant. En fait, dans beaucoup d’histoires, le fait que chaque personnage ait besoin de l’autre est aussi ce qui va donner des ressorts dramatiques, comme lorsque l’un des personnages laisse échapper à la dernière seconde son ennemi, ce qui lui donne une occasion de se venger, mais aussi parfois dans l’étrange relation de haine et d’attirance qui se noue entre les personnages.

Dans le cadre du MMORPG, prenez en compte que la plupart des joueurs ne souhaitent pas être des leaders et qu’ils ont plus une mentalité de témoins ou de sbires. Ces gens-là ne veulent pas gagner ou perdre. Bien sûr, suivant leur camp, ils espèrent que le méchant va s’arrêter ou que le gentil va manger ses dents ; ils suivront leur leader dans ce sens. Mais ils ne s’acharneront pas, et si l’action n’avance pas, ou tourne toujours à leur désavantage, ils finiront par s’en désintéresser. Certains peuvent avoir d’excellentes idées sur de petites séquences (le coup de génie du comparse), aider à un retournement de situation, mais ils sont avant tout dans une démarche d’amis qui vont soutenir la personne qu’ils apprécient (oui, même les méchants ont des sortes d’amis ! ).

Un mot aussi sur les “victimes”. Ce sont des faire-valoir nécessaires au méchant comme au héros : le premier les enlevant, torturant, mettant leur vie en danger ; le second allant les sauver, les protéger, les venger. Les victimes ne sont pas très dures à trouver. Une bonne proportion de joueurs s’amuse de voir les autres tenter de les sauver, sans pour autant qu’ils aient l’obligation de se sauver eux-mêmes. En fait, dans la fiction, les victimes sont souvent du genre à aller se dandiner devant les méchants, en espérant que tout se passe mal. Mais, bien que la victime serve à révéler le côté “méchant” de l’ennemi, elles n’ont rien d’un héros. Elles ne gagneront pas. Et s’il n’y a pas de héros pour les sauver, si on trouve juste des histoires de méchants et de victimes, attendez-vous à voir les gens déprimer, sans compter la frustration d’une histoire sans enjeux. Un indice simple pour savoir si vous avez en face de vous une victime ou un héros : le héros ne se fait jamais enlever. Et s’il se fait capturer, il se libère seul, dans la journée.

Si vous souhaitez jouer un méchant, un gros vilain machiavélique, trouvez des personnalités qui vont vous donner du fil à retordre et assurez vous qu’en effet, elles ont l’envie d’estourbir votre personnage. Si vous voulez jouer un héros vaillant, trouvez un ennemi qui a une conception du déshonneur qui vous permettra de mettre en relief votre propre sens de l’honneur.

Choisissez bien vos ennemis et n’espérez pas qu’ils apparaissent d’eux-mêmes si vous faites les bonnes choses. C’est un coup à voir un méchant réussir tous ses mauvais coups. Ou un héros se mettre à boire à la taverne, en se vantant d’histoires qu’il n’a jamais pu faire.

Laissez la place aux autres pour intervenir

Ça y est, vous avez trouvé l’ami avec qui vous déchirer, ou bien vous allez vous lancer dans l’option schizophrène qui consiste à se taper soi-même. Vous avez un héros et vous avez un méchant. Vous avez même sans doute une idée de ce qui les oppose et sur quoi ils vont se battre et faire trembler le monde.

Laissez les autres en profiter.

C’est d’abord pour les autres qu’on raconte des bonnes histoires, non ? Sinon, c’est un peu de l’onanisme cérébral et c’est vilain de le faire en public. Donc, laissez des gens que vous ne connaissez pas venir mettre leur grain de sel, laissez-les vous surprendre, prenez en compte leurs interventions et leurs idées pour changer le cours de l’histoire ou au moins l’influencer.

Cela montre aussi la qualité de votre histoire : les gens ont envie d’y participer. Soyez ouvert, acceptez de torturer les amis de vos amis, de traîner des boulets dans le sauvetage de la princesse, parce que cela se révèle souvent intéressant et permet des rebondissements inattendus. Vous écrivez une histoire à plusieurs, non ? Sinon, revenez à la feuille de papier, mais… ça sera toujours moins riche en surprise !

Le méchant doit perdre, et le héros ne pas toujours avoir le dessus

Ne haussez pas les sourcils en soupirant. Le méchant doit perdre. À un moment ou un autre. Ça ne veut pas dire qu’il perd tout le temps. Au contraire, il y a forcément des moments où il a l’avantage, mais cet avantage, il l’a justement pour que la victoire du héros n’en soit que plus éblouissante ensuite. Si on fait le bilan, il doit perdre un tout petit peu plus qu’il ne gagne, au fil des échanges.

Pourquoi cette obligation ? Parce qu’on écrit de la fiction, et qu’un des gros intérêts de la fiction est de se venger un peu du quotidien. Au quotidien, trop souvent, ce sont les “méchants” qui gagnent. Vous allez payer vos taxes, vous allez mourir un jour, vous avez peu de chance de sortir d’une fusillade de rue en un seul morceau. Quand quelque chose va mal, ça va vraiment mal, et il y a rarement des chevaliers blancs et des deus ex machina qui viennent vous sortir du pétrin. Tout n’est pas noir, bien sûr, mais parce que c’est la réalité, ce qui va mal fait vraiment mal. La plupart des gens profitent de la fiction pour vivre autre chose, et une de ces autres choses, qui fait un bien fou, c’est de savoir qu’un méchant ne peut pas complètement gagner et finira par être défait. Laissez les gens savourer le fait que l’univers a une “justice”, même si c’est un univers de fiction. Ça fait du bien à tous ceux qui suivent les aventures de vos personnages.

Bien sûr, il y a aussi un côté cathartique intéressant quand le méchant réussit. C’est une façon d’apprivoiser une situation stressante, de l’expulser, même si c’est très symbolique et que ça suit des associations d’idées assez étranges (si on souhaite en faire l’analyse psychologique). Et pour l’intensité dramatique, il faut que le méchant ait le dessus par moment, pour qu’il y ait un enjeu et que le héros ait vraiment du mérite à le défaire.

Mais à la fin, la victoire sera surtout du côté des “bons”.

Ce qui veut dire, pour celui qui joue le méchant, qu’il doit être prêt à voir son personnage disparaître, que ce soit en mourant, ou bien en acceptant la rédemption, ou encore en finissant en prison, ou faible et diminué. Et ceux qui soutiennent le méchant (les “sbires”) doivent accepter aussi de subir des défaites. Ce qui veut dire aussi que le héros doit parfois être prêt à aller jusqu’au bout…

Ah, et avant qu’on oublie : amis du gentil, soyez aussi prêt à perdre par moment. Sinon, où trouver la motivation à aller se venger ? :-P

D’une puissance équivalente

Une bonne histoire avec héros et méchant doit avoir un équilibre. Le héros et le méchant doivent être de puissances quasiment équivalentes, avec un léger avantage au méchant (parce que c’est plus glorieux de vaincre quand on a un handicap). Bon, en général, l’avantage du méchant est qu’il ne s’encombre pas autant de principes moraux, et qu’il tire à pile ou face s’il tue d’abord la petite copine ou le meilleur ami, tandis que le héros va vainement essayer de sauver les deux en laissant son ennemi se faire la malle.

Il doit aussi y avoir un certain équilibre dans leurs affrontements. Parfois l’un va gagner, l’autre vaincre, mais en général ça se joue à peu de choses. Et si l’un a clairement le dessus une fois, la fois suivante ce sera l’autre.

Si c’est sans cesse déséquilibré et toujours dans le même sens, vous allez vous retrouver dans la configuration victime/bourreau, ou idiot/encore plus idiot. Ce ne sont pas les mêmes histoires…

C’est particulièrement important dans les affrontements de groupe. La rencontre doit être équilibré, afin que les perdants puissent fièrement dire “ils nous ont vaincus, mais de peu !” et que les gagnants puissent fièrement dire “on les a vaincus, mais ça n’a pas été facile !”. Ainsi tout le monde est content. Lorsque l’affrontement est déséquilibré, les perdants ne sont pas motivés pour un deuxième round (et les vainqueurs sont souvent encore plus imbuvables), donc l’histoire risque de s’enliser et de perdre de son intérêt.

Travaillez la montée en puissance et le dénouement

Si l'on devait résumer la plupart des histoires avec gentils et méchants, ce serait :

  • L’un a un plan
  • L’autre veut le faire échouer
  • Le gentil gagne à la fin, mais de justesse.

Parfois, le plan ne vient pas du gentil ou du méchant, mais parce que l’un d’eux veut le faire échouer, l’autre se manifeste.

La difficulté n’est pas cette trame, mais comment la rendre intéressante. Et pour la rendre intéressante, il faut trouver des enjeux, des intrigues secondaires qui vont l’étoffer, et surtout une “montée en puissance”. Au début, les protagonistes ont une idée simple, qui est sensée se dérouler “sans accroc”. Mais plus ils avancent, plus les difficultés doivent surgir, plus leurs ennemis doivent leur mettre des bâtons dans les roues, et plus ils vont devoir batailler pour y arriver. Si dès le départ c'est énorme, alors c'est tout aussi vite fini : que pourrait-on ajouter de mieux ? Prenez le temps de progresser, pour que le dénouement soit vraiment bon. S’il y a des affrontements directs, alors chaque bataille est un peu plus épique, jusqu’à l’affrontement final qui décide du résultat de la guerre. On peut aussi se passer de combat dans ces histoires-là : il peut aussi s’agir de chasse au trésor, de course à l’anoblissement, de la découverte d’un savoir ancestral…

L’histoire dont il s’agit a une trame principale, mais au fur et à mesure de son avancement, chacun des protagonistes (y compris les victimes et les sous-fifres) va ajouter des trames secondaires, voire de la matière pour une autre grande histoire à l’avenir.

Les règles sont faites pour être dépassées

Bien, maintenant que vous avez compris l’intérêt de ces règles, sachez parfois les mettre de côté. Comme toutes les règles, ça les rend encore meilleures quand elles sont appliquées par la suite. Mais respectez-les, la plupart du temps, et apprenez surtout à les maîtriser afin de mieux en jouer.

Les meilleures histoires sont celles qui ont compris les règles, mais qui savent habilement jouer avec ces codes, les complexifier, leur donner une autre profondeur. Vous ne vous tromperez jamais en les appliquant, vous trouverez toujours des gens qui se feront plaisir à suivre ce genre d’aventures, mais elles deviendront exceptionnelles quand vous saurez jouez avec, quand les appliquer et quand faire croire qu’elles sont obsolètes.

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fr/heros_et_mechants.1410021717.txt.gz · Dernière modification : 2021/12/03 19:18 (modification externe)

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