Organiser des réunions efficaces (sur XMPP)
Les réunions, sur XMPP ou ailleurs, sont de deux types : constructives, ou contre-productives. Les premières sont la clé permettant d’avancer sur un projet, les secondes sont une perte de temps.
Faire une réunion sur un chat (XMPP ou autre), en vocal, en vidéoconférence ou en direct, c’est très différent sur certains points, mais l’animation de la réunion obéit à des principes similaires.
Avantage et inconvénients des chats
On ne voit pas les autres intervenants. Et de là découle le reste :
- Personne n’est là pour voir si on s’intéresse à la réunion ou pas (et on ne sait pas plus si les autres suivent tant qu’ils ne disent rien).
- On peut se tromper sur ce que veut dire quelqu’un, car il nous manque les intonations et mimiques. En même temps, on interprète moins de travers à cause d’un langage corporel qui interfère.
- On prend plus de temps pour formuler et comprendre.
- On a un log à relire si on a l’attention qui a lâché.
- On peut faire plusieurs choses en même temps.
C’est ce dernier point qui est à mon avis l’énorme avantage des chats. Avec les gens ayant une attention faible, le log leur permet toujours de rattraper épisodiquement et d’être donc pertinent dans leurs interventions. Avec les gens qui arrivent sans avoir rien préparé avant (et ça, c’est un poncif de chaque réunion, il y a toujours quelqu’un qui arrive comme une fleur), ça leur permet de lire en parallèle ce qu’ils auraient dû voir avant la réunion et de suivre quand même, sans que ça gêne le groupe ni même n’handicape cette personne. Il n’y a pas toutes les distractions propres aux interactions plus directes : suivre quelqu’un qui articule mal, qui parle trop lentement, trop vite. Ici, on suit à son rythme de lecture.
On peut avoir l’impression que le rythme sur un chat oblige à être plus lent (écrire est toujours moins rapide que parler, sauf cas spéciaux). C’est en partie vrai, mais le temps peut être bien mieux maîtrisé. Pendant que quelqu’un expose ses arguments, on peut formaliser les siens et les balancer ensuite avec un copier-coller ; on a le temps aussi de formuler plus clairement ; le temps aussi de réfléchir posément à ce qui est écrit, voir de lancer une recherche en parallèle pour vérifier certains points, ajouter des précisions. Chaque intervention en deviens plus pertinente et plus condensée.
Le fait qu’une réunion sur chat ne demande pas toute notre concentration durant toute sa durée, mais qu’elle est compatible avec une attention “en pointillés” permet de faire plus de choses durant cette réunion.
Enfin, pour les comptes-rendus, c’est bien pratique d’avoir le log. Suivant son degré de fainéantise, on peut le mettre tel quel pour les absents, ou copier les morceaux les plus pertinents, ou les paraphraser dans une synthèse, ou s’appuyer sur ce log pour faire un vrai résumé.
A contrario, à partir du moment où il y a le son, l’attention demande à être soutenue tout du long ; si on perd le fil, on ne peut pas revenir en arrière, il faut faire répéter les intervenants, ou faire semblant d’avoir entendu alors que du coup, on est complètement hors jeu. Lancer une recherche sur le net, ou dans ses papiers, ou relire ses notes, fait baisser cette attention et augmente les risques de perdre le fil. Et pour les comptes-rendus, tout dépend de la mémoire et des partis-pris du ou des secrétaires.
Pour autant, des réunions “de visu” ont aussi des avantages. Les réunions de type vidéoconférence sont à mon avis à réserver pour quand un petit nombre de participants ne peut pas être physiquement présents ; si chacun est à un bout du monde, un chat est bien plus efficace. Une réunion “en direct” est intéressante pour le lien social qu’elle génère et a intérêt à être avant tout ludique : prévoir à boire et à manger, de quoi dessiner et des fauteuils confortables. Aucun chat ne peut imiter la cohésion qu’une équipe peut obtenir en se rencontrant en direct et qui est correctement dirigée, mais il s’agit de charisme et de socialisation ; le fait que ça puisse aussi être productif au niveau boulot est plus un effet secondaire.
Une réunion, pour quoi faire ?
Faire des réunions “parce qu’il le faut”, ça ne sert à rien. À RIEN. Ne pensez pas que faire des réunions tous les soirs va comme par magie résoudre des problèmes et faire avancer les choses. Un groupe peut fonctionner très bien sans réunion ; il peut perdre toute sa motivation dans des réunions improductives. La réunion est un piège administratif à manier avec la plus grande précaution.
Maintenant que les avertissements d’usage ont été dits, découvrons les merveilles de la réunion.
L’intérêt d’une réunion tient en trois choses :
- Résoudre un ou des problèmes urgents demandant une prise de décision commune,
- Souder une équipe,
- Faire le point.
Si aucun de ces trois objectifs n’est à l’origine de la réunion, rentrez chez vous, tout le monde gagnera du temps.
Prendre une décision commune
C’est rarement durant la réunion qu’on résout le problème, sauf si la seule chose qui bloque sa résolution est la prise de décision. Souvent, on a surtout besoin/envie de l’avis des autres avant de lancer une action.
Puisque le but est de se décider, ne perdez pas de temps durant la réunion à faire un exposé en cinq heures sur pourquoi, comment, quelle conséquence. Tout ce travail préparatoire doit être fait avant avec les membres de votre équipe. Lors de la réunion, la question doit être posée tout de suite, pour que le débat se mette en place.
Souder une équipe
Tout dépend aussi d’où il faut mettre de la rustine. Affronter ensemble les problèmes, échanger sur leur résolution, travailler ensemble à un but commun font partie des moyens pour souder une équipe. Ça tient à deux choses principalement : se motiver et communiquer. Organiser une réunion hebdomadaire suffit rarement à souder l’équipe, il est bien plus important de favoriser chaque jour les échanges au sein de la communauté, de leur montrer ce qu’ils accomplissent ensemble. Les réunions “en direct” sont, dans ce cas, souvent plus efficaces que sur chat, à condition que la réunion consiste à papoter, rigoler, être bien (et transmettre les infos utiles l’air de rien). Dans une entreprise, ce genre de réunion se déroule en général de façon informelle autour de la machine à café, et tout bon manager sait que loin d’être anodine, ce genre de réunion a ensuite un effet sur le travail de chacun. Nous n’aborderons pas plus ce genre de “réunion”, qui rentrent dans le contexte plus global d’animation d’équipe/de communauté (un prochain article peut-être ?)
Faire le point
Voilà le genre de justification casse-gueule. Les réunions pour “faire le point” doivent être aussi rares que possible ; de façon générale, c’est bien plus efficace de faire le point sur forum, ça fait gagner du temps à tout le monde. En général, “faire le point”, ça veut dire un qui cause, les autres qui n’ont rien à dire, donc autant juste donner de la lecture à lire quand on a le temps. Parfois, cependant, faire le point en réunion permet de valoriser ce qui a été fait et de s’autocongratuler. Là, c’est utile, mais ça se rapporte au point précédent : souder une équipe, et il ne faut pas en abuser sinon ça perd de sa valeur. Et pas la peine de traîner en longueur.
Organiser sa réunion
Savoir qui parle, quand, et qui donne le droit de se taire.
Il est important en démarrant la réunion que quelqu’un ait le rôle de “président de séance”. Peu importe le titre et le formalisme avec lequel on l’investit de ce pouvoir, mais il faut une personne qui dirige le débat.
Diriger le débat, ce n’est pas donner son avis à tout bout de champ, c’est veiller à ce que chacun puisse s’exprimer, que la parole de tous soit respectée. Lorsque le président de séance demande le silence, on doit lui obéir. Dans les cas les plus problématiques, c’est aussi lui qui peut prendre la décision de faire sortir un intervenant qui ne respecte pas les règles. Sur chat, c’est facile : il doit avoir le droit de kicker.
Certains individus s’imposent d’eux-mêmes en président de séance, veillant à ce que chacun intervienne et rappelant à l’ordre quand le débat s’enlise. Dans les groupes où il y a plusieurs “alphas”, ou bien où au contraire il n’y en a aucun, il vaut mieux dire en début de séance qui est chargé de ce rôle, afin d’éviter la confusion.
Ce rôle n’a cependant pas à être transmis forcément à un chef de projet ou au “big boss”, mais à un individu capable de traiter tout le monde à égalité et d’écouter chacun. C’est aussi bien que ce président ait un assistant, qui l’aide à se rappeler qui doit intervenir et qui remette le président à sa place quand c’est lui qui déborde !
Maintenant qu’on a trouvé qui avait la difficile tâche d’organiser les débats, comment va-t-il le faire ?
Savoir où sont les infos préparatoires à la réunion, et les connaitre.
Comme dit plus haut, le but d’une réunion est en principe de prendre une décision. Le président de séance doit donc avoir en tête les questions à aborder, ce qu’on appelle souvent “ordre du jour”. Si ça n’avance pas dans vos réunions, posez les points de l’ordre du jour sous forme de question.
Tous les documents utiles à cette prise de décisions doivent être facilement accessibles. Avec internet et chat, c’est génial : il suffit d’avoir les liens.
Rappeler ces liens aux gens en début de réunion est utile, ça permet d’ouvrir à ce moment tous ces documents et de s’y référer en cours de réunion, sans devoir chercher dans ses favoris ou son historique de pénibles minutes.
On espère que chaque participant les a lus avant la réunion (ou va rattraper son retard discrètement durant la réunion), mais pour le président de séance c’est nécessaire. En effet, pour faire avancer le débat, s’il voit un participant s’enliser dans un truc déjà expliqué, ou bien poser une question à laquelle une réponse a déjà été rapportée, il doit pouvoir lui indiquer immédiatement à quel document se référer et ainsi éviter à l’assemblée la perte de temps qui consiste à répéter longuement les mêmes informations.
Ne jamais trop attendre de l’auditoire
Ça ne sert à rien de croire que tous les présents à une réunion sont attentifs. Pas plus sur XMPP qu’ailleurs. Pas la peine de s’embêter à attendre les absents, à demander l’avis des gens qui n’en ont rien à faire. Ceux qui ont quelque chose à dire le disent, et finissent par acter ; les autres n’ont plus qu’à suivre. Si ça ne leur va pas, ils n’avaient qu’à être plus actifs et constructifs.
Si une décision concerne quelqu’un qui n’est pas vraiment là (qui répond à côté ou ne répond pas), alors vous avez un élément de réponse : vous saurez que vous ne pouvez pas compter sur lui et qu’il faut donc aborder la problématique sans l’intégrer dans l’équation.
Gagnez du temps, bossez avec les gens qui sont investis.
Gérer la prise de parole
Pour qu’un débat soit constructif, il faut que chacun puisse parler et s’exprimer.
La solution “celui qui gueule le plus fort décide” n’est pas une solution. Et c’est l’un des points où XMPP est supérieur aux échanges vocaux ou pire, à ceux en direct : ce n’est pas le charisme ou l’agressivité de quelqu’un qui va le mettre en position de décider.
Dans une vraie réunion, il est utile de symboliser la parole par un objet. Celui qui a l’objet peut parler, les autres se taisent et l’écoutent. Puis il transmet l’objet au suivant qui à son tour s’exprime. Suivant le débat, on peut tolérer des questions ponctuelles de personnes n’ayant pas le "bâton de parole", tant que c’est une question simple, courte (une phrase) pour demander à l’orateur de préciser un point.
Sur XMPP, ce bâton de parole existe aussi. Il suffit de préciser avec ces phrases :
- demande la parole. /lève la main pour avoir la parole.
- rend la parole.
- prend la parole.
Il y a trois grands moments dans un échange de paroles :
- L’échange est fluide, comme une conversation, les questions-réponses s’enchaînent et tout le monde s’exprime sans se marcher sur les pieds. Dans ce cas, pas besoin de formaliser la prise de parole.
- Le débat commence à nécessiter des développements de certains, d’autres ont du mal à trouver le temps d’en placer une, dans ce cas il faut sortir le bâton de parole. Tant que les demandes viennent les unes après les autres, lorsque l’un laisse la parole, le suivant peut la prendre sans attendre que le président donne son accord. Tant que le débat est tranquille, des questions ou des avis en une phrase (du type “ok, je suis d’accord”, pas plus) sont acceptables sans avoir le bâton, mais doivent être aussi limités que possible.
- Le débat est houleux, tout le monde a son mot à dire : dans ce cas, le président de séance rappelle dans quel ordre chacun a demandé la parole et veille à ce que les gens l’aient dans l’ordre. Pas de questions ou autre durant l’intervention de quelqu’un, on attend son tour.
Lorsque le bâton de parole est “invoqué”, tout débordement doit être réprimé et le président de séance doit être vigilant. Les petites phrases pour rendre la parole, la demander, et signaler qu’on commence son discours sont très importantes.
L’orateur n’a pas tous les droits, et surtout pas le droit de déborder
Avoir le bâton de parole donne le droit de parler sans être interrompu et de prendre le temps d’exposer ses arguments, mais par respect pour les autres, il n’est pas question de monopoliser la parole pour ne rien dire. Allez à l’essentiel, si possible, écrivez vos phrases à l’avance dans un document texte puis copiez-les dans le chat s’il s’agit d’une réaction à ce qu’un autre a dit un peu avant.
Le président de séance peut à tout moment demander (poliment) à un intervenant de faire plus court, d’aller au but, voire même de laisser la parole aux autres. C’est rare que ce soit le cas. Mais c’est aussi le rôle de ce président de recentrer le débat et éviter les hors-sujets et les débordements. Cela peut se faire en message direct, afin de ménager l’orateur (et ne pas perturber la lecture de son intervention).
Pour aller plus loin et réussir encore mieux ses réunions
L'organisation la plus efficace ne sert pas à grand chose si les intervenants ne savent pas s'exprimer sans heurter les autres. Il est important que chacun essaie autant que possible de communiquer sainement et pour ça, il y a quelques pistes dans cet article.