La mort est le moment où le corps du ra ne peut plus encaisser de nouveaux dommages. Il est emporté avec quelques possessions propres pour un revif.
État transitoire au passage plus ou moins violent, c'est une expérience peu appréciée pour les gens en bonne santé, mais recherchée et attendue par les plus blessés. La Mort est en effet une promesse de régénération et de soulagement des douleurs tant physiques que morales. On distingue de ce fait les morts violentes (dont la survenue peut s'accompagner de douleurs insupportables) des morts douces (où la transition se fait en douceur et avec un maximum de confort).
Suivant les régions et les cultures, la mort peut être quelque chose de rare ou au contraire de très régulier. Ainsi les paysans d'Hoslet peuvent vivre plusieurs décennies sans jamais expérimenter une mort, tandis que les pistoleros de Suzahna se retrouvent régulièrement à reprendre leur souffle près d'une borne de revif…
Si la mort en elle-même est vue comme une libération, ce qui la précède est souvent bien moins positif. Pour les ra naturels, la douleur qui peut précéder la libération est la source d'une angoisse profonde et certains n'hésitent pas à transporter des capsules de poison en voyage plutôt que de risquer un combat pénible contre des bandits de grands chemins. Certains ra ont cependant appris à apprivoiser cette peur via les combats d'Arène, un art prestigieux où la douleur est sublimée et la fuite dans la mort retardée pour prouver sa vaillance.
Les ra artificiels craignent bien moins la douleur, leur conception la rendant plus facilement supportable mais craignent que la mort occasionne des pertes de données. Les autres ra partagent aussi dans une moindre mesure cette crainte de l'amnésie. Là aussi, des disciplines mentales visant à apprivoiser la peur de l'oubli, à donner un sens à la perte de son identité, ont vu le jour. La plupart des ra reconnaissent à contrecœur que l'oubli a aussi des côtés positifs, quand les chagrins d'une vie se sont accumulés ou que l'ennui vient à trop s'installer et se perdre dans les Brumes est à ce moment vu comme une libération, une mort où le lien avec le passé est coupé, tandis que le corps perdure.
Le “revif” est l'abréviation de “revivification”. On parle parfois aussi de “résurrection”, abrégé en “rez”. Il s'agit du processus naturel de régénération des ra, s'accompagnant d'un déplacement spatial.
On suppose qu'à l'origine, lorsque les ra voyaient leur corps détruit, leur esprit allait errer dans les Brumes jusqu'à ce qu'elles se solidifient et lui donnent un nouveau corps. La situation se voit encore dans certains cas : le ra reprend conscience à proximité des Brumes, parfois avec un corps différent de l'ancien, parfois sans souvenir de sa vie auparavant.
On peut noter aussi certains rites de transmission de l'âme, où le vieillard chante son histoire à un œuf1) avant d'expirer. L'enfant naît en bénéficiant des compétences et qualités de son aïeul mais sans ses souvenirs et ses rhumatismes.
Dans un éon passé, les scientifiques ont percé les mystères de ce retour, créant alors les bornes de revivifiance. La forme ovoïde de ces bornes n'aura pas échappé aux plus attentifs. La thèse oniriste y voit un symbole permettant d'ancrer le retour à la vie ; les probabilistes soutiennent que l’œuf est tout simplement une des formes les plus pratiques, tant au niveau résistance (à l'érosion, aux coups) que pour le transport (œuf qui roule n'amasse pas mousse). Les chamanes, eux, soutiennent que les ra ne sont pour rien dans ces œufs et qu'il s'agit d'un cadeau d'un Oiseau Suprême. Quant à savoir quel oiseau, les écoles s'opposent et débattent longuement. Quoi qu'il en soit, ces œufs sont bien le point de rappel de la plupart des morts. Les Ophidra soutiennent que leur race est la première à avoir maîtrisé cette technologie.
L'entreprise RevInc2) est actuellement la seule qui maîtrise réellement le processus de revivification. Moyennant un contrat avec eux, on peut s'assurer de toujours revenir entier et rapidement d'une mort. Ils proposent deux sortes de service :
De nombreux ra dédaignent les offres de RevInc et préfèrent laisser faire la nature. On estime que parmi ces derniers, 60% reviennent à la borne la plus proche après un temps plus ou moins long (elles fonctionnent visiblement comme aimant même sans le contrat), et 30% sont retrouvés en lisière des Brumes. Il reste 10% dont on perd la trace, les Brumes ayant sans doute effacé leur esprit ou les gardant plus longtemps.
Tandis que ceux payant les services de RevInc reviennent à la vie entre 3 à 30 minutes après leur dernier souffle, ceux qui se font ramener à une borne sans avoir payé ont un temps de réapparition qui oscille entre 30 minutes et plusieurs jours. Le temps pour ceux qui réapparaissent dans les Brumes est sensiblement le même, auquel il faut ajouter le temps de retrouver la civilisation.
Les bornes sont en effet dans les capitales régionales, donc à proximité des réseaux de transport.
Parmi les ra préférant les méthodes naturelles, nombreux sont ceux qui reviennent avec des histoires étranges de “vie entre la vie”, dans des contrées oniriques.
Les expériences faites entre le moment où on exhale son “dernier souffle” et celui où on en reprend un nouveau sont expliquées par certains comme un manque d'oxygénation du cerveau et une désorientation liée au transfert de la conscience. “Oui, mais quand les gens ramènent des objets de leur voyage ?” feront remarquer les sceptiques. “C'est leur esprit qui doit le créer en se combinant au pouvoir de la borne” répondent les acharnés. Un mystère qui ne sera sans doute jamais résolu ! Là encore les théories contradictoires abondent.