Un grand fleuve, Tsari'e, traverse le Khanat et, au sortir des Plaines d'Astharie, à l'approche de la Mer des songes se divise en de nombreux bras sillonnant paresseusement le paysage, la zone devenant par endroits un immense marécage giboyeux. Les Archaïstes y vivent d'ailleurs principalement de la chasse et de la pêche.
La zone est tempérée, les hivers peu rigoureux, les étés longs et chargés en insectes.
Par endroits le fleuve a rencontré des zones de roches dures qu'il a contourné nonchalamment. Ces blocs surmontent un paysage assez plat et sont parfois d'assez grandes tailles pour abriter des campements semi-permanents. Certains sont aussi considérés comme sacrés par les populations locales : ainsi le Roc des Oiseaux, abritant une colonie importante de sumruku et où, raconte-t-on, viennent parfois se poser les légendaires Sîna-Mrû, a ses falaises décorées de nombreuses inscriptions, litanies de prières adressées aux Vents et aux Oiseaux.
Les Muderxi, eux, ne sont pas habités : leur taille varie en fonction de critères inconnus, ce qui les rendrait déjà impropre à tout usage d'habitation, s'ils n'étaient pas en plus considérés comme des augures possibles des troubles à venir.
Les habitants du delta aiment les histoires à la folie, ce qui explique les nombreuses petites religions qui parsèment la région. Expliquer un fait anodin par une explication rationnelle n'a aucun intérêt pour les gens du crû, ils trouvent bien plus amusant de peupler chaque courant d'ondines, chaque rocher de petits dieux et chaque jour d'une célébration. Un socle commun à ces mythologies souvent contradictoires est une philosophie célébrant l'instant présent, un goût pour la farce et la fête. Les étrangers pensent parfois que ces pêcheurs ne prennent rien au sérieux et c'est effectivement l'impression qu'ils donnent, mais c'est ignorer les drames qui émaillent leurs jours et les étranges cérémonies auxquelles ils se livrent dans certaines occasions. Entre les insectes porteurs de nombreuses fièvres, les crues et les traîtres courants du fleuve, Les Brumes qui remontent parfois les branches du Delta et les divers carnivores, les habitants du Delta ont développé une conscience aiguë de l'éphémère et du changement.
Chaque année au printemps, le niveau du fleuve monte et inonde les régions trop basses. Ce moment est baptisé “Temps de la Grande Crue”. Les déplacements ne se font plus qu'en bateau, ou à la nage pour les plus téméraires. Le fleuve bouscule les habitudes un temps, puis regagne son lit.
Le delta est le principal exportateur de sucre du Khanat, extrait des satga'a qui poussent naturellement dans la zone. Il exporte aussi massivement des poissons et crustacés, du papier tiré des plantes de la région1), les peaux de divers reptiles et les plumes de certain oiseaux qui sont très prisées par les élégant(e)s.
Les habitants du Delta ont pris l'habitude de se déplacer en embarcations de roseau, parfois très petites mais pouvant atteindre dans certains cas des proportions gigantesques. Il arrive que des maisons soient construites dessus.
La silhouette en boudins et les têtes de proue en forme de créatures sont devenues des caractéristiques de la batellerie, même si on rencontre plusieurs types de propulsion : rame, voile, perche, hâlage etc.