Istmir
Je marche d'un bon pas dans la journée finissante, admirant les mesas se parer peu à peu des couleurs du couchant. Les indications sont précises, j'ai espoir d'arriver à destination avant la nuit. L'orage n'a pas fini de gronder mais semble à présent s'éloigner : j'ai encore évité la pluie.
Je m'arrête lorsque mon œil est attiré par une étrange formation dans le ciel. Les nuages semblent être aspirés par le sol. Fasciné, je vois une tornade se créer, soulevant la poussière de la steppe.
Je ne peux détacher mon regard de cette apparition. Je finit par songer que je ne suis peut-être pas en sécurité, si le temps et la zone se prêtent à ce genre de phénomène. Je reprend ma route plus hâtivement, gardant un œil sur le vortex, tout autant par prudence que par fascination. Dans ce paysage aride, tons ocre et sables égayés d'un vert brunâtre, les couleurs des nuages presque violets et parfois traversés d'éclairs et les rayons du soleil rasants par en dessous, la tornade se détache dans un gris livide tout à la fois sublime et terrifiant.
L'orage n'en finit pas de rouler, sans que la pluie ne vienne jamais rafraichir l'atmosphère et faire tomber la menace. Je continue ma marche, cherchant un abri, quelque chose. Là, cette formation rocheuse…
Je me rapproche, contournant le relief du terrain, la trombe derrière moi ne semblant pas se rapprocher, mais pas s'éloigner non plus.
Et je découvre alors le lac. Ses eaux d'un turquoise extraordinaire marquent ma rétine, achevant la symphonie de couleur dont je m'abreuve depuis quelques heures. Je reste clouée sur place, enregistrant ces nuances fantastiques, les rochers, le ciel, l'eau… et les habitants des lieux, qui se prélassent sur ses abords.
Aux antiques descriptions qui en ont été faites, j'en déduit que j'admire les mythiques salamandres, certaines d'un écarlate flamboyant, d'autres tirant sur un or ardent. Parfois en contrepoint, une de leur congénère est d'un noir de charbon. Dans ce paysage fantastique, elles se détachent comme des reines, ce qu'elles sont en ce pays.
J'ai trouvé le lac d'Istmir.
Alors les nuages se crèvent enfin, et des trombes d'eau s'abattent sur le paysage, manquant presque me faire perdre l'équilibre. Je perd de vue le lac, la tornade, tout ; j'en perd aussi l'ouïe tant la pluie s'abat avec violence. Douchée dans mon émerveillement, je reste pourtant immobile encore quelques minutes, un sourire béat sur les lèvres. Avant de me remettre en marche, espérant trouver mon chemin et surtout un endroit où me sécher pour dormir…





