Définition proposée du PvP pour cette réflexion :
Possibilité pour un joueur, via des compétences de son personnage, d'influer sur les données d'un autre personnage.
Cette définition très neutre permet d'élargir le sens habituellement donné à ce terme.
Il faut différencier le Player versus Player (le terme généralement utilisé) du Personnage versus Personnage (CvC en anglais), qui est plus proche de la réalité : un animob ne fait pas du PvP, un membre de l'équipe d'animation non plus. Même s'il y a souvent tendance à l'identification du Personnage et du Joueur, c'est bien le Personnage qui détient les moyens de contrainte, les capacités du Joueur étant limitées par ce dernier, quelle que soit son habileté à les mettre en oeuvre.
Je ne vais pas parler du PvP dans des lieux dédiés, qui devient un jeu dans le jeu (combats d'arène), mais de la pratique du PvP en continu, ce que certains appellent le PvP "sauvage" (rien que le terme choisi accuse l'image qui s'y rattache).
Intérêts du PvP tel qu'habituellement pratiqué :
1) permet de se confronter à des adversaires non IA, plus intéressants ;
2) désir de prouver sa compétence face à d'autres, d'établir une hiérarchie ;
3) possibilité de rendre concrète en jeu la violence des relations entre deux personnages ;
4) permet de créer une dynamique de tension indépendamment de l'équipe d'animation pour faire vivre le jeu ;
Soucis du PvP tel qu'habituellement pratiqué :
1) source de stress pour certains joueurs car aucun abri possible ;
2) risque de harcèlement abaissant le plaisir de jeu ;
3) course à l'équipement pour être toujours en position de combat ;
4) risque d'une dérive vers un jeu type FPS ;
La dynamique d'un monde demandant une tension permanente, offrir la capacité d'agir sur les données des autres joueurs est un levier à envisager pour permettre de rompre un statu quo par la contrainte d'un personnage sur un autre. Le souci c'est qu'il s'agit d'un geste d'agression qui peut être perçu très négativement par le joueur qui se sent victimisé. Il faut donc chercher à rendre cela le moins désagréable pour tous.
Le premier point, très important, est le ressenti face à la potentialité de l'agression. C'est plus le sentiment d'insécurité que la réalité des attaques qui pose souci en ce cas. Ne pas pouvoir se poser tranquillement en jeu est considéré comme un désagrément pour certains joueurs (voire tous, selon les moments).
Il faut donc combattre ce sentiment d'insécurité et offrir en premier lieu des solutions de dégagement du processus d'interaction, au moins temporaires. La permanence de cette option et sa possibilité en tous lieux pose souci car cela entraîne des déséquilibres entre joueurs et offre la possibilité de harcèlement inversé (provocations verbales auxquelles il est n'est pas possible d'opposer une réponse en terme de GP). Des zones pacifiées doivent exister, ainsi qu'une commande permettant de poser son personnage en sécurité (par rapport aux autres joueurs du moins) lors d'afk (qui ne peut s'activer si on est flag, bien sûr).
Un autre moyen d'action pour réduire le stress est d'offrir un système de gestion de ce GP de contrainte d'un personnage sur l'autre par d'autres moyens de GP, tels que des gardes pour éviter l'agression physique, ou arrêter les voleurs pris sur le fait. Une échelle de niveau de sécurité relative permettra au joueur se sentant agressé de fuir jusqu'à un abri sans pour autant devoir se désengager totalement du système d'ineraction.
Ces deux premiers points sont des exemples de mesures actives de GP pour encadrer l'interaction, circonscrire les abus, mais il faut aussi agir sur la perception de cette contrainte.
Faire de la situation normale l'état dans lequel on est à l'abri de l'agression et faire de l'état PvP un état volontaire, de choix impliquant, fait qu'on a tendance à sur-représenter l'attitude active et agressive de ceux qui font ce choix. Certaines interprétations dans Ryzom vont jusqu'à dire qu'il s'agit d'un blason de guerre qui signifie que l'on souhaite se battre, ce qui entraîne son interdiction dans un certain nombre d'événements. De fait, ceux qui font ce choix ne le font généralement que lorsqu'ils sont dans le désir de se battre, généralement en tenue adaptée, et préparés à cela. Leur attitude est donc forcément ressentie comme agressive, puisqu'elle l'est. Cela entretient le biais de perception, qui veut que l'on soit pacifique en étant détagué et violent en tag. Passer taggué est de plus en plus ressenti comme une invitation au combat, vu qu'on est censé l'avoir choisi, s'y être préparé.
Il est également important de ne pas se focaliser sur des interactions binaires entre personnages : un large éventail d'action sur ses données peuvent être déployées, plus riches et variées que le simple malus aux points de vie (combat/sort agressif) ou bonus à certains scores (sort de soin/auras). Il peut y avoir des activités de soutien pour de l'artisanat : pourquoi ne pas envisager qu'il existe des briques qui permettent de donner un bonus de concentration à un tiers pour lui permettre de fabriquer une recette complexe demandant beaucoup de points. De la même façon, des transferts d'énergie pourraient s'opérer pour augmenter la puissance d'un sort, d'un coup... Une autre gamme d'actions seraient la possibilité d'influer sur l'aspect physique du personnage (transformation en un autre créature, en un autre état -pétrification...), sur ses déplacements (filet pour entraver, bola pour immobiliser...), sur ses perceptions (grenades aveuglantes rendant l'écran blanc, assourdissante bloquant les canaux de communication, drogue modifiant sa vision et donc les textures du jeu...). L'idée est de se dire que, dans cet état, il est possible qu'un joueur modifie des données plus ou moins fondamentales du personnage, altère l'expérience de jeu, sans que cela soit forcément une confrontation de combat. C'est une possibilité que l'on se donne que l'expérience de jeu soit modifiée non plus seulement par l'environnement et l'équipe d'animation mais aussi par d'autres joueurs. Le but est donc d'augmenter le potentiel de découvertes à faire, d'interactions à découvrir et, partant de là, d'augmenter le plaisir de jeu.
Renverser l'activation, devoir choisir de se rendre invulnérable aux autres joueurs, pourrait entraîner un changement de vision, car il indiquerait aux autres que l'on souhaite souffler un peu, se mettre à l'écart des risques d'agression. Cela peut attirer une certaine empathie et un dialogue peut en découler pour chercher les causes de ce sentiment d'insécurité. En outre, comme l'acceptation de l'influence d'un tiers sur ses données sera l'état normal, on aura tendance à moins inférer de la violence possible d'un autre personnage dans le même état, car il ne sera pas forcément en situation de recherche de combat. Le sentiment d'insécurité devrait donc, paradoxalement, baisser.
Enfin, offrir la possibilité d'interactions variées entre personnages joueurs semble un ressort important dans un jeu de type sandbox. La liberté de jeu s'applique ainsi aussi aux autres personnages joueurs et pas seulement à l'environnement géré par l'équipe d'animation. Il devrait en ressortir une plus grande richesse de jeu autonome de l'animation.