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Khanat, un monde à géométrie variable

Lors du dernier Khanathon, Lyne a mis le doigt sur une grosse incohérence au niveau du monde : des Kastrons trop petits dans les plaines. En fait, cela touchait la question plus vaste de l’échelle du monde.

D’un côté, nous avons envie d’un monde immense. Un véritable monde, où on peut se perdre, où toutes les histoires sont possibles. Marcher des jours dans la cambrousse à la recherche d’un trésor caché, suer sous le soleil de plomb du désert, parcourir les plaines qui s’étendent à perte de vue sur son branaz…

De l’autre, nous devons faire face à une réalité de game design. Un serveur immense, mais peu peuplé donne un “mauvais” vide, l’impression de se retrouver sur un jeu solo alors que nous n’envisageons pas notre MMORPG comme pouvant se jouer entièrement en solo. Au contraire, nous souhaitons favoriser et encourager les interactions. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la création d’un empire centralisé, plutôt qu’une multitude de pays et capitales : nous pouvons ainsi fournir à la population un point de rendez-vous unique où ils ont plus de chance de croiser d’autres personnes, donc de trouver des gens avec qui s’amuser.

Petit aparté game design

Sur la plupart des MMORPG, s’il y a plusieurs capitales, c’est justement pour répartir les gens. Au niveau technique, quand plus de 200 personnes sont en interaction au même endroit, cela sollicite énormément la bande passante. C’est aussi en partie pour ça que le combat est impossible dans certaines de ces capitales : pas de combat, cela fait moins d’informations à faire passer. Répartir les flux entre les capitales permet de mieux gérer les serveurs, éviter les lags, etc. De multiples astuces permettent d’éviter d’avoir trop de monde sur une même zone.

Le moteur de Ryzom est, de ce point de vue, d’un niveau exceptionnel. Malgré son âge, il rivalise avec des MMORPG récents. Sur le jeu Ryzom, certaines batailles d’avant-postes et événements ont réuni environ 200 personnes sur la même carte, sans que le serveur tombe ni que les performances ne soient trop affectées. Certains font état événements rassemblant plus de 300 personnes. De plus, on peut séparer régions et services sur plusieurs serveurs afin de répartir la charge au mieux. Bref, Ryzom est très robuste côté réseau, et très bien conçu.

Sur Khanat, si la communauté s’agrandit au point que réunir tout le monde à la capitale commence à poser problème, nous savons que nous pouvons découper cette capitale, afin que les joueurs soient répartis dans les divers quartiers et qu’en théorie la charge sur le serveur reste supportable. Pour un projet amateur, avoir plus de 200 joueurs connectés en même temps est de toute façon une énorme réussite. Mais tout est possible ! Cependant, pour se donner toutes les chances que “ça marche” nous avons pris la décision, au niveau game design et donc conception du monde, d’avoir une seule capitale, pour les rassembler tous et dans les ténèbres les lier.

Et nous en revenons à notre problème de base. Au niveau game design, nous devons envisager un serveur avec une “faible” population. Faible par rapport à d’autres MMORPG ; pour comparer à des géants, on estime qu’un serveur, ou “royaume”, de World Of Warcraft pourrait avoir 2500 personnes connectées en même temps. À côté, Landes Éternelles, petit MMORPG amateur et role-play, affiche comme record de fréquentation une centaine de personnes en même temps sur 2014 ([http://www.landes-eternelles.com/joueurs-en-ligne.html]). Il est fort probable que nous soyons plus près de Landes Eternelles que de WoW.

Si nous avons plus de monde qui arrive, nous ajouterons des zones où les gens pourront aller.

Mais le monde doit être adapté à la taille de la communauté. Un monde immense avec une très faible population donne une impression de désert. Ce n’est pas un souci si vous êtes dans une zone présentée comme désertique, ça l’est s’il n’y a que ça.

Bien sûr, on peut aussi dire que le monde est immense dans les histoires, alors qu’en jeu on en fait le tour en une journée. Mais cette dichotomie entre récit et réalité est préjudiciable à l’immersion. Comment parler de “l’armée innombrable du Grand Khan” si vous n’avez vu que dix légionnaires ? Des “mille salles du Palais” si vous n’en voyez que trois ? “Des jours de marches pour rejoindre la côte depuis Natca” si ça vous a pris deux heures ? Et deux heures de jeu, avec notre ratio, ça fait une demi-journée sur Khanat…

Quant à ajouter des zones… on envisage facilement d’ajouter des zones limitrophes, mais dans ce cas, on a des plaines minuscules par rapport aux nouvelles zones.

Comment concilier amour des grands espaces et contraintes du game design et de l’immersion ?

Avec la géométrie variable, les éons, et un peu de brumes (mais pas trop).

La solution était facile.

Au niveau Khanatien : le Khanat suit des cycles, appelés Éons. Au début d’un Éon, les Brumes recouvrent tout, en dehors d’une petite zone. Pour notre éon, ce sera le dispensaire, première zone que nous allons modéliser. Peu à peu, les Brumes refluent, découvrant de nouvelles zones.

Jusque là, rien de nouveau. Les Brumes marquent la frontière ultime du Khanat. Il sera rare que des poches de Brumes subsistent à l’intérieur de ces frontières. Pas impossible, mais à éviter autant que possible, afin d’éviter l’effet “tunnel” : ne voir qu’une zone de chaque région, et passer de l’une à l’autre par la magie d’un tunnel sans Brumes. Ça donne une impression un peu claustrophobe. Par exemple, on imagine (dans les textes) les plaines immenses. Mais niveau game design, ça va faire vide. Donc on modélise hoslet, et on met des Brumes autour, sauf pour rejoindre la zone du delta. Ça fait un couloir. On aura le Kastron d’Hoslet, le Kastron du delta ; on aura canalisé les gens, mais le monde sera étriqué parce qu’on sera forcé de laisser les cent Kastrons des plaines dans les brumes. Donc, non, les Brumes ne peuvent pas rester partout. Si nous modélisons les plaines, nous feront de belles plaines, adaptées à la population du serveur.

On arrive au second souci : les Plaines sont coincées entre le Mont d’Ambre, le Tsari'e… On ne pourra plus les étendre, une fois le reste posé.

Sauf si…

C’est là que le concept de géométrie variable est entré en jeu.

Le Khanat est vivant, à sa façon. Il grandit, et pas uniquement à ses frontières.

- Dis-moi, ce champ n’était pas plus petit hier ?
- N’importe quoi…

- Tiens je ne me souvenais pas qu’il y avait une boutique de souvenir ici…
- Ça fait des années qu’elle est là… enfin, je crois… En tout cas, je ne me souviens pas de quand elle a été construite. C’est bien qu’elle a toujours été là.

- De mon temps, on ne mettait pas si longtemps pour aller à la plage…
- C’est parce que t’es vieux Papy, tu te traines plus !

Petites conversations anodines, mettant en jeu les grandes forces du Khanat : le Rêve, l’Oubli, et l’action permanente de la Police des Rêves qui veille à ce que tout paraisse normal. Si les ras savaient que rêver de champs plus grands les agrandissaient…

Il s’agit “simplement” de reconstruire la carte en l’agrandissant de temps en temps, et cela au sein même d’endroits déjà construits.

Le Khanat c’est une sorte d’organisme vivant. On parle bien de l’œuf des origines qu’on retrouve à chaque lirr'ia. À chaque début d’éon, d’ailleurs, tout le monde le sait : le khanat est tout petit. Quand les brumes refluent et qu’il émerge enfin, le khanat est petit. On met une semaine pour aller de Natca au Salargug.

Natca est comme une grosse ville, Hoslet est un village avec 5 maisons. Mais plus l’éon avance, plus le khanat grandit. Natca grandit… mais reste avec les mêmes frontières. Elle devient grande comme Paris. Les plaines autour grandissent aussi. Et à la fin d’un éon, rejoindre le Salargug depuis Natca demande des mois.

Parallèlement, l'idée c'est aussi qu'avec la thématique de l'éon le khanat étende son influence par l'implantation progressive des minarets. L'accès aux régions périphériques de culno serait donc progressif.

Alors, quelle taille fait Natca ? Un Kastron ? Le désert ? Tout dépend à quel moment de l’Éon vous placez votre action. Si vous racontez une histoire qui se passe en fin d’Éon, les distances sont énormes, le monde immense. En début d’Éon, tout tient dans un mouchoir de poche, un mouchoir cerné de brumes inquiétantes, où tout reste à rêver. Il ne s’agit pas que des frontières externes, mais aussi de la dimension interne.

Le Khanat pousse de tous les côtés.

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