Les Spadzura (des rafsi de la langue sacrée spa (plante) et dzu (marche) ) appartiennent aux légendes de la Jungle mais on prétend qu'il en existe dans tout le Khanat. Ce sont des créatures intelligentes, de petite taille, au langage très chantant. Ils vont toujours habillés légèrement de tenues simples, réalisées avec des éléments végétaux.
Les Premiers Spadzura ont été rencontrés pendant l'Éon de l'Hégémonie et considérés comme des Primitifs attardés, eu égard à leur mépris total de la technologie et du monde de Ratmidju. De modestes campements étaient parfois découverts, sans que jamais des Spadzura femelles ou âgés ne soient signalés. On attribuait cela à leur peur des contacts avec les étrangers, qu'ils n'encourageaient effectivement pas.
Les spadzura sont très sensibles à leur environnement et ont développé un art mélodique basé sur un chant psalmodié qui rend hommage à ce qu'ils ressentent. Ils ont également tout un vocabulaire développé pour désigner les qualités de l'eau, de la terre, du vent et de la lumière. Leur poésie est d'ailleurs difficile à traduire en langage commun car elle fait référence à des distinctions très subtiles de ces éléments, combinés. La description d'une simple motte de terre peut prendre des heures et être célébrée à l'envi. Par contre, beaucoup d'entre eux désignent les objets manufacturés complexes sous un terme générique qui peut se traduire grossièrement par mrovax (“souffle mort” en langage sacré), car ils disent qu'il ne peut rien engendrer. Du coup la plupart s'en désintéressent, malgré certains curieux, intrigués pour un temps.
Durant l'Éon de la Technocratie, un savant Créateur, Beos Dirman décida de les étudier pendant un long moment, certain qu'il y avait à apprendre d'eux quant à l'usage possible des forêts avec laquelle ils semblaient en symbiose : jamais on n'en avait signalé de malade par exemple. Il s'installa donc dans un de leurs campements et finit par se faire accepter et apprit leur langue, les initiant par la même occasion à la langue sacrée et au parler commun du Khanat. Il découvrit rapidement que cette espèce de Ra avait des caractéristiques très originales :
Cette dernière caractéristique l'intrigua particulièrement car il comprit qu'en fait les Spadzura pouvaient être pris comme une seule et même entité, dont les différentes créatures n'étaient que des manifestations. Pourtant chacun semblait manifester une individualité. Ils faisaient référence néanmoins à une sorte de chose en eux, qu'ils nommaient d'un son chantant, ressemblant au vent dans les arbres. Ils traduisirent cela en langue sacrée par Sa'aru'i (esprit-chanson). Cela les unissait tous et faisait d'eux des membres à part entière du Peuple des Branches disaient-ils. Perdre ce lien représentait pour eux la pire des craintes, bien qu'ils n'aient jamais rien entendu de tel dans leurs récits mythiques.
Beos Dirman eut l'occasion d'assister à un phénomène que les Spadzura lui expliquèrent avec difficulté.
Le Spadzura bouge de moins en moins, et finit par demeurer immobile, les bras levés comme des branches. Peu à peu sa peau se transforme en écorce et il devient un arbrisseau qui se couvre de feuilles et de fleurs, sans que cela soit d'un type précis. Chaque Spadzura connait ce moment plusieurs fois dans sa vie, et le désigne d'un son qui fait penser à de l'eau qui coule sur des cailloux, que Beos traduisit par Sipsa'i en langue sacrée (dormir debout). Cet état peut durer plus ou moins longtemps, prenant une saison pour se mettre en place. Après un laps de temps parfois long, parfois court, l'arbre s'étiole, l'écorce tombe et le Spadzura se remet à bouger, comme si rien ne s'était passé entretemps. Néanmoins, cela renforce le lien au Sa'aru'i.
La reproduction chez les Spadzura est rarement observée car très discrète. Lorsque l'un d'eux pense être prêt à faire bouture, il se prépare longuement par des cérémonies rituelles sous la supervision d'un jacbes (fils de l'eau en langue sacrée). Le rite n'a pas encore été retranscrit dans son intégralité, mais il comprend des pèlerinages, ainsi que la récolte de certaines choses. Une fois tout cela fait, une cérémonie est organisée selon un calendrier précis, déterminé par le jacbes.
Le point culminant se déroule en groupe, avec le postulant au centre, les éléments en main. Il va alors se métamorphoser en arbuste peu à peu, comme dans le sipsa'i, mais de ses racines va se former peu à peu un autre buisson. De là naîtra un autre spadzura, après un cycle de gestation plus ou moins long selon les lignées.
Les spadzura partagent par le biais du Sa'aru'i un esprit communautaire très profond, qui demeure en permanence présent à leur esprit. Néanmoins, ils accordent également une grande importance à leur genja (racine en langage sacré). C'est le lien qui les rattache à leur ancêtre le plus lointain. Chaque nouvelle bouture ajoute d'ailleurs une syllabe au nom de son géniteur pour former son nom. Cette syllabe est d'ailleurs utilisée en psalmodie lorsqu'on veut honorer le spadzura. La déclamation de tout son nom peut donc être fort longue et fastidieuse, semblable à la récitation d'un arbre généalogique. Il existe néanmoins peu de sonorité dans leur langue, ou trop difficiles à différencier en langue sacrée. Les linguistes du khanat ont donc pu proposer une liste simplifiée :
Les noms propres sont des composés de ces sonorités, et on emploie couramment les deux ou trois premières syllabes d'un nom complet pour désigner un spadzura :
Exemple : Orlisam est le descendant de Lisamsak, lui-même engendré par Samsakmos. Son chant sacré est “Or”, et sa titulature complète commencerait par “Orlisamsakmos…”
À noter qu'il semblerait que tous aient comme fin de nom (et donc ancêtre commun) un certain Marfea. Les linguistes du Khanat n'ont pas manqué d'y voir un signe, vu que cela peut être écrit marfe'a en langue sacrée (référence-faille). Quelque chose d'originel aurait été brisé pour les créer. Les spéculations vont bon train pour tenter de donner une signification à tout cela.
Les Spadzura n'aiment pas trop transformer les matériaux et leurs réalisations sont toujours basées sur de l'organique. Ils n'emploient pas de métal et ne savent pas tailler la pierre. Par contre, ils maîtrisent très bien les colles, les noeuds.
Bien que la plupart d'entre eux vivent à demi-nu dans la Jungle et ne voient pas l'intérêt de s'alourdir de nombreux objets, ils ont développé un artisanat réputé, bien que paraissant fruste au premier regard. Malgré cela, c'était du dernier chic de se vêtir en Spadzura dans certaines soirées de Ratmidju.
Ils acceptent de dévoiler certains de leurs secrets artisanaux car ils s'amusent souvent de l'intérêt que cela peut avoir pour d'autres qu'eux. Généralement les recettes sont complexes et font appel à des matériaux difficiles à collecter, voire dangereux. Ils ne font généralement aucun mystère de tout cela.
Ils utilisent une graine particulière comme monnaie d'échange, l'aka'rub, mais peu d'entre eux amassent une fortune et beaucoup de ces graines finissent plantées ou lancées et piétinées lors de grandes cérémonies comme celles d'Aslahay ou d'Hutshep.