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#51
Général / Re: Poussière de rêve
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La fréquence du Bunker résonnait de voix atones.
« Procédure cryptique 097 enclenchée. Retrait du cathéter en cours »
« Procédure cryptique 027 programmée. Actualisation de la Symbiose du Sujet. »
« Application du patch correctif S6.74.20. »
« Procédure cryptique 041 amorcée. Extraction du Sujet en cours. »
Le contact de l'air aseptisé de la pièce fit ondoyer le fin duvet de la créature. La laissant s'habituer à son nouvel environnement sensoriel, plusieurs avant-bras se glissèrent sous son corps avec délicatesse et la sortirent progressivement de son caisson ovoïde avec une froide méticulosité. Des mains la manipulaient avec précaution, afin de l'installer dans une posture qui réclame le moins possible d'énergie à son fragile organisme.
« Phase 4 du protocole Veilleuse initiée. »
Les yeux de la créature s'entrouvrirent et ses pupilles se dilatèrent dans la pénombre de la salle. Ses membres ankylosés demeuraient immobiles dans une indicible mollesse mais son esprit se déployait, débarrassé de sa camisole chimique. Les sillons que les cycles avaient creusés dans sa chaire laissaient suinter le liquide nutritif dans lequel elle avait baignée. Ses yeux fouillaient à présent l'obscurité au dessus d'elle. Plusieurs êtres non symbiotiques l'observaient silencieusement. Leur physionomie lui était inconnue. Comme engourdie, sa pensée mit quelques secondes à s'élever au-dessus du flux d'information véhiculé par les symbiotiques du Khanat. Une suite logique s'imposa bientôt à la créature : « Automates de classe 1 assignés à la Crypte ». Une main finement articulée traversa son champ de vision pour venir éponger son front moite. La créature put contempler à loisir le chef d'œuvre biotechnologique que constituait cette forme de vie artificielle.
La créature forma mentalement une question, la laissant être assimilée par le flux avant d'analyser les occurrences dans les réponses générées. Le vai'a'tua était actuellement occupé. Le point de basculement du régime n'était pas encore atteint.
La luminosité ambiante s'accentua. Sur la fréquence du Bunker, une voix monocorde énonça : « Création d'un nouvel accès à la base de donnée cryptique. Identifiant : Dormeur. Veuillez entrer votre mot de passe. »
Quatre avant-bras articulés se glissèrent doucement sous le dos et la nuque de la créature, la maintenant en station assise tandis qu'un écran lui était présenté. Au prix d'un effort considérable, elle parvint à prendre le contrôle des muscles atrophiés de son bras droit, de son poignet, de sa main et de ses doigts afin de composer un code confidentiel.
« Nouvel accès généré. Statut invisible verrouillé. »
Le Dormeur sentit le flux se canaliser. Les niveaux d'autorisation se déverrouillaient les uns après les autres. L'analyse se faisait plus incisive au fil du processus d'assimilation des données. Les strates de sécurité complexes pour confiner le Bunker ne le surprirent pas. Il fit défiler les notes de service des administrations du Khanat. Confronter ses institutions gardiennes n'était pas à l'ordre du jour. Sa première mesure serait certes une mesure d'urgence mais ne précipiterait pas inutilement le point de basculement. La rédaction ne devait d'ailleurs jamais se muer en tâche précipitée. Il s'agissait d'une réalisation fondamentale. Son œil aguerri repéra aisément les récurrences signifiantes dans les myriades de données inventoriées. Il entrouvrit les lèvres et les humecta avant de prononcer ses premières paroles sur la fréquence du Bunker.
« Ordonnance de procédure d'interpellation du chaman répondant à l'identifiant de Bibliothécaire. Motif : Création non référencée d'une porte des rêves. Ordonnance de dépôt d'un recours après application de peine standardisée. Motif : Conscription du détenu par la Crypte. Invocation de l'accréditation suprême. Motif : Sécurité Impériale. Demande d'affectation du détenu au protocole Veilleuse. »
D'une légère modification de son faible tonus musculaire, le Dormeur signifia aux automates qui le soutenaient qu'il lui fallait reprendre du repos. L'étendant dans une posture plus économique pour son organisme, les avant-bras articulés se désolidarisèrent de son tronc, laissant les chaires molles s'avachir confortablement. La luminosité s'affaiblit peu à peu et la fréquence d'émission passa en subvocale. La Phase 5 du protocole Veilleuse venait d'entrer en vigueur. Plusieurs automates pénétrèrent dans des alcôves de stase, laissant leurs confrères, chargés de la maintenance, travailler en silence.
Les yeux clos, le Dormeur entama son premier cycle de sommeil. Lorsque l'activité électrique du cortex ralentit, les automates de maintenance entamèrent leur analyse des ondes delta. Chaque fluctuation était minutieusement mesurée et classifiée dans la base de donnée du Bunker. Le premier créateur renfermait un secret dont la portée était encore inconnue. Aucune étude n'avait encore permis d'appréhender la disparition des rêves dans l'évolution d'une espèce ratique. Mais bientôt, pour la première fois, un rêveur allait être intégré au protocole. Bien qu'ils ne connussent que l'indifférence, les automates de maintenance ressassaient cette nouvelle donnée en un bavardage fragmentaire dont la boucle absurde évoquait un lent processus d'assimilation.
« Procédure cryptique 097 enclenchée. Retrait du cathéter en cours »
« Procédure cryptique 027 programmée. Actualisation de la Symbiose du Sujet. »
« Application du patch correctif S6.74.20. »
« Procédure cryptique 041 amorcée. Extraction du Sujet en cours. »
Le contact de l'air aseptisé de la pièce fit ondoyer le fin duvet de la créature. La laissant s'habituer à son nouvel environnement sensoriel, plusieurs avant-bras se glissèrent sous son corps avec délicatesse et la sortirent progressivement de son caisson ovoïde avec une froide méticulosité. Des mains la manipulaient avec précaution, afin de l'installer dans une posture qui réclame le moins possible d'énergie à son fragile organisme.
« Phase 4 du protocole Veilleuse initiée. »
Les yeux de la créature s'entrouvrirent et ses pupilles se dilatèrent dans la pénombre de la salle. Ses membres ankylosés demeuraient immobiles dans une indicible mollesse mais son esprit se déployait, débarrassé de sa camisole chimique. Les sillons que les cycles avaient creusés dans sa chaire laissaient suinter le liquide nutritif dans lequel elle avait baignée. Ses yeux fouillaient à présent l'obscurité au dessus d'elle. Plusieurs êtres non symbiotiques l'observaient silencieusement. Leur physionomie lui était inconnue. Comme engourdie, sa pensée mit quelques secondes à s'élever au-dessus du flux d'information véhiculé par les symbiotiques du Khanat. Une suite logique s'imposa bientôt à la créature : « Automates de classe 1 assignés à la Crypte ». Une main finement articulée traversa son champ de vision pour venir éponger son front moite. La créature put contempler à loisir le chef d'œuvre biotechnologique que constituait cette forme de vie artificielle.
La créature forma mentalement une question, la laissant être assimilée par le flux avant d'analyser les occurrences dans les réponses générées. Le vai'a'tua était actuellement occupé. Le point de basculement du régime n'était pas encore atteint.
La luminosité ambiante s'accentua. Sur la fréquence du Bunker, une voix monocorde énonça : « Création d'un nouvel accès à la base de donnée cryptique. Identifiant : Dormeur. Veuillez entrer votre mot de passe. »
Quatre avant-bras articulés se glissèrent doucement sous le dos et la nuque de la créature, la maintenant en station assise tandis qu'un écran lui était présenté. Au prix d'un effort considérable, elle parvint à prendre le contrôle des muscles atrophiés de son bras droit, de son poignet, de sa main et de ses doigts afin de composer un code confidentiel.
« Nouvel accès généré. Statut invisible verrouillé. »
Le Dormeur sentit le flux se canaliser. Les niveaux d'autorisation se déverrouillaient les uns après les autres. L'analyse se faisait plus incisive au fil du processus d'assimilation des données. Les strates de sécurité complexes pour confiner le Bunker ne le surprirent pas. Il fit défiler les notes de service des administrations du Khanat. Confronter ses institutions gardiennes n'était pas à l'ordre du jour. Sa première mesure serait certes une mesure d'urgence mais ne précipiterait pas inutilement le point de basculement. La rédaction ne devait d'ailleurs jamais se muer en tâche précipitée. Il s'agissait d'une réalisation fondamentale. Son œil aguerri repéra aisément les récurrences signifiantes dans les myriades de données inventoriées. Il entrouvrit les lèvres et les humecta avant de prononcer ses premières paroles sur la fréquence du Bunker.
« Ordonnance de procédure d'interpellation du chaman répondant à l'identifiant de Bibliothécaire. Motif : Création non référencée d'une porte des rêves. Ordonnance de dépôt d'un recours après application de peine standardisée. Motif : Conscription du détenu par la Crypte. Invocation de l'accréditation suprême. Motif : Sécurité Impériale. Demande d'affectation du détenu au protocole Veilleuse. »
D'une légère modification de son faible tonus musculaire, le Dormeur signifia aux automates qui le soutenaient qu'il lui fallait reprendre du repos. L'étendant dans une posture plus économique pour son organisme, les avant-bras articulés se désolidarisèrent de son tronc, laissant les chaires molles s'avachir confortablement. La luminosité s'affaiblit peu à peu et la fréquence d'émission passa en subvocale. La Phase 5 du protocole Veilleuse venait d'entrer en vigueur. Plusieurs automates pénétrèrent dans des alcôves de stase, laissant leurs confrères, chargés de la maintenance, travailler en silence.
Les yeux clos, le Dormeur entama son premier cycle de sommeil. Lorsque l'activité électrique du cortex ralentit, les automates de maintenance entamèrent leur analyse des ondes delta. Chaque fluctuation était minutieusement mesurée et classifiée dans la base de donnée du Bunker. Le premier créateur renfermait un secret dont la portée était encore inconnue. Aucune étude n'avait encore permis d'appréhender la disparition des rêves dans l'évolution d'une espèce ratique. Mais bientôt, pour la première fois, un rêveur allait être intégré au protocole. Bien qu'ils ne connussent que l'indifférence, les automates de maintenance ressassaient cette nouvelle donnée en un bavardage fragmentaire dont la boucle absurde évoquait un lent processus d'assimilation.
#52
Général / Re: Poussière de rêve
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Le monde fluctuant des Rêves se déformait sous les pas de Bon-pha. Elle savait, tout au fond d'elle-même, que le temps se perdait dans sa relativité ici, mais le sentiment d'urgence qui l'étreignait la ralentissait à chaque pas. Connaître les règles ne suffisait pas à les contourner.
Elle s'exhorta au calme encore une fois, tentant d'oublier le temps qu'elle perdait. La présence des Automates était une bulle de rationalité qui lui permettait de se rattraper sans se perdre dans le Rêve. Dans cet espace où la moindre pensée pouvait prendre corps, se laisser aller à ses angoisses était la pire chose à faire. Le paysage autour changea à nouveau, le Bois de l'Éternel Attente devenant le Désert de l'Insatiable Désir. L'apparition des dunes sombres aux courbes voluptueuses déstabilisa Bon-pha, qui un instant oscilla sur l'abîme de ses Souvenirs. Mais c'était un territoire bien trop dangereux à arpenter à présent, surtout avec la compagnie qu'elle avait, et elle n'y trouverait rien d'utile... pas encore. Elle se força à faire un pas, avançant sans regarder le paysage, ignorant les créatures fantasques qui approchaient. Elles avaient joué autrefois dans ses contrées, faisant jaillir des sources par leurs éclats de rire, ou bien c'était les sources qui les faisait rire... Peu importait, elle se rapprochait. L'Arche Ultime était là.
Elle jeta un coup d'œil à sa garde, contrôlant leur position. L'hexagone qu'ils faisaient autour d'elle était une protection parfaite contre l'œil de la Crypte et les perturbations oniriques ; la perfection de la figure devait rester intacte jusqu'à ce qu'elle soit protégée par la Grotte des Réalité. Ce serait alors un moment délicat.
Ne pas penser à ça, avancer, pour ne pas susciter des cauchemars qui la retarderait encore, voir pire, vu la puissance qu'elle avait fait entrer dans le monde des Rêves... faire déborder les cauchemars en question dans le Khanat...
Ne pas penser à ça ! Ce n'était pas une tentacule sur le bord du chemin, juste un serpent endormi, ah non pardon, une sorte de liane... non, non, juste une ombre, un jeu de lumière... L'un des Automates sortit une gomme de sa poche et effaça l'ombre qui se tordait sur le sol. Il y avait des avantages à avoir les meilleurs outils de la Police des Rêves.
Des avantages, mais pas seulement, pensa Bon-pha tandis qu'ils franchissaient l'Arche Ultime. Elle sentit le regard des Automates sur elle, et garda le masque impassible, retenant son cœur de louper un battement. Encore quelques pas...
La Grotte des Réalités était là, enfin. Ses parois miroitantes reflétaient les pensées les plus intimes de Bon-pha... mais c'était là un des plus grands avantages de sa fonction, son masque et ses pensées n'avait pas besoin d'être caché de la Ville, étant leur exacte reflet. Tant que la Grotte ne reflétait que Bon-pha... Pris entre deux miroirs, les Automates commençaient à surchauffer mais pour le moment, continuaient de canaliser l'énergie.
Ce qu'elle s'apprêtait à faire était complètement fou... Mais elle ne laisserait pas la Reine Rouge gagner, détruire... Oui, il n'y avait qu'une solution possible.
Elle savait que sa présence au cœur du Rêve était des plus perturbatrice. Habituellement, lorsqu'il fallait se rendre ici pour corriger un Rêve Non Autorisé, elle était seule, et restait le minimum de temps. La présence des Automates amplifiait la Puissance qu'elle canalisait.
Elle marcha à pas lent vers le Puit des Âmes au centre de la Grotte. C'était la porte de sortie mais aussi la Source du Pouvoir. Tandis qu'elle s'approchait, elle sentait les ondes de probabilités fluctuer et transformer le Khanat. Sa peau frémissait sous l'énergie extraordinaire qui se dégageait de l'affrontement de forces opposées. C'était comme tenter de réunir zbasu et lakne. En fait, c'était un peu ça. Un coin de son esprit, relié par la Symbiose au reste de l'univers, entendait l'agitation dans la Crypte, la perturbation des lignes de destinées. Elle percevait aussi la souffrance des Automates dont les fonctions commençaient à lâcher sous l'assaut de l'énergie qui les traversaient.
Elle laissa froidement échapper une pensée qui virevolta dans l'esprit mécanique des Automates avant qu'ils ne soient dissous dans le maelström, leur destruction ajoutant un surplus de pouvoir à l'opération.
"Il ne peut y avoir aucun témoin."
Même pas la Ville. Pas pour cette fois. Elle serait seule à rentrer... ou ne rentrerait pas du tout.
À présent tout son corps et son âme n'était que douleur. Quelques secondes avant qu'elle ne se fasse effacer à son tour... Elle s'accrocha à l'écho des rires d'autrefois, à la fraîcheur d'un baiser, au trouble d'un mot. Il fallait qu'Elle se réveille, juste quelques instants, ou alors elle devrait détruire la Reine... les conséquences en seraient terribles. Mais juste quelques instants, pour une minuscule impulsion, presque rien dans le flux apocalyptique du moment, le souffle d'une aile de papillon qui passerait inaperçu dans la tornade de changement qu'elle imposait au Khanat... Un instant, elle crut l'entendre...
Il fallait en finir avant qu'il soit trop tard. Bonpha se laissa enfin basculer dans le Puit des Âmes, goûtant un instant à l'Oubli, à la Mort...
Elle se réveilla dans une position mal-commode, avachie sur un des bonsaï du Prieuré. Elle se hâta de se redresser, regardant avec attention si personne ne l'avait vu dans cette position. Après ce qu'elle venait de traverser, elle n'avait pas le cœur à effacer un témoin malencontreux. Heureusement le lieu était actuellement désert.
La Police ne mit pas longtemps à la retrouver. La présence familière la rassurait autant qu'elle l'angoissait. Avaient-ils perçus ces dernières pensées ? Gardant son masque impassible, sa stature hiératique, elle restait attentive au moindre indice. Mais, non... Rien. Ce n'était pas encore pour aujourd'hui qu'elle serait démise de ses fonctions.
Tandis qu'elle regagnait le Temple, un rapport lui parvint. Un sourire froid éclaira ses traits. Le Dormeur s'éveillait.
Et derrière le masque imperturbable de Bon-pha, Illion savourait les éléments qui venaient d'être ré-alignés. Le temps que les Puissances se concentrent et agissent sur la révolution enclenchée par leur petite danse, la phase suivante suivrait son cours sans que personne ne la voit, avant qu'il soit trop tard.
Parfois, ce boulot pouvait être tuant. Mais ça valait quand même le coup.
Elle s'exhorta au calme encore une fois, tentant d'oublier le temps qu'elle perdait. La présence des Automates était une bulle de rationalité qui lui permettait de se rattraper sans se perdre dans le Rêve. Dans cet espace où la moindre pensée pouvait prendre corps, se laisser aller à ses angoisses était la pire chose à faire. Le paysage autour changea à nouveau, le Bois de l'Éternel Attente devenant le Désert de l'Insatiable Désir. L'apparition des dunes sombres aux courbes voluptueuses déstabilisa Bon-pha, qui un instant oscilla sur l'abîme de ses Souvenirs. Mais c'était un territoire bien trop dangereux à arpenter à présent, surtout avec la compagnie qu'elle avait, et elle n'y trouverait rien d'utile... pas encore. Elle se força à faire un pas, avançant sans regarder le paysage, ignorant les créatures fantasques qui approchaient. Elles avaient joué autrefois dans ses contrées, faisant jaillir des sources par leurs éclats de rire, ou bien c'était les sources qui les faisait rire... Peu importait, elle se rapprochait. L'Arche Ultime était là.
Elle jeta un coup d'œil à sa garde, contrôlant leur position. L'hexagone qu'ils faisaient autour d'elle était une protection parfaite contre l'œil de la Crypte et les perturbations oniriques ; la perfection de la figure devait rester intacte jusqu'à ce qu'elle soit protégée par la Grotte des Réalité. Ce serait alors un moment délicat.
Ne pas penser à ça, avancer, pour ne pas susciter des cauchemars qui la retarderait encore, voir pire, vu la puissance qu'elle avait fait entrer dans le monde des Rêves... faire déborder les cauchemars en question dans le Khanat...
Ne pas penser à ça ! Ce n'était pas une tentacule sur le bord du chemin, juste un serpent endormi, ah non pardon, une sorte de liane... non, non, juste une ombre, un jeu de lumière... L'un des Automates sortit une gomme de sa poche et effaça l'ombre qui se tordait sur le sol. Il y avait des avantages à avoir les meilleurs outils de la Police des Rêves.
Des avantages, mais pas seulement, pensa Bon-pha tandis qu'ils franchissaient l'Arche Ultime. Elle sentit le regard des Automates sur elle, et garda le masque impassible, retenant son cœur de louper un battement. Encore quelques pas...
La Grotte des Réalités était là, enfin. Ses parois miroitantes reflétaient les pensées les plus intimes de Bon-pha... mais c'était là un des plus grands avantages de sa fonction, son masque et ses pensées n'avait pas besoin d'être caché de la Ville, étant leur exacte reflet. Tant que la Grotte ne reflétait que Bon-pha... Pris entre deux miroirs, les Automates commençaient à surchauffer mais pour le moment, continuaient de canaliser l'énergie.
Ce qu'elle s'apprêtait à faire était complètement fou... Mais elle ne laisserait pas la Reine Rouge gagner, détruire... Oui, il n'y avait qu'une solution possible.
Elle savait que sa présence au cœur du Rêve était des plus perturbatrice. Habituellement, lorsqu'il fallait se rendre ici pour corriger un Rêve Non Autorisé, elle était seule, et restait le minimum de temps. La présence des Automates amplifiait la Puissance qu'elle canalisait.
Elle marcha à pas lent vers le Puit des Âmes au centre de la Grotte. C'était la porte de sortie mais aussi la Source du Pouvoir. Tandis qu'elle s'approchait, elle sentait les ondes de probabilités fluctuer et transformer le Khanat. Sa peau frémissait sous l'énergie extraordinaire qui se dégageait de l'affrontement de forces opposées. C'était comme tenter de réunir zbasu et lakne. En fait, c'était un peu ça. Un coin de son esprit, relié par la Symbiose au reste de l'univers, entendait l'agitation dans la Crypte, la perturbation des lignes de destinées. Elle percevait aussi la souffrance des Automates dont les fonctions commençaient à lâcher sous l'assaut de l'énergie qui les traversaient.
Elle laissa froidement échapper une pensée qui virevolta dans l'esprit mécanique des Automates avant qu'ils ne soient dissous dans le maelström, leur destruction ajoutant un surplus de pouvoir à l'opération.
"Il ne peut y avoir aucun témoin."
Même pas la Ville. Pas pour cette fois. Elle serait seule à rentrer... ou ne rentrerait pas du tout.
À présent tout son corps et son âme n'était que douleur. Quelques secondes avant qu'elle ne se fasse effacer à son tour... Elle s'accrocha à l'écho des rires d'autrefois, à la fraîcheur d'un baiser, au trouble d'un mot. Il fallait qu'Elle se réveille, juste quelques instants, ou alors elle devrait détruire la Reine... les conséquences en seraient terribles. Mais juste quelques instants, pour une minuscule impulsion, presque rien dans le flux apocalyptique du moment, le souffle d'une aile de papillon qui passerait inaperçu dans la tornade de changement qu'elle imposait au Khanat... Un instant, elle crut l'entendre...
Il fallait en finir avant qu'il soit trop tard. Bonpha se laissa enfin basculer dans le Puit des Âmes, goûtant un instant à l'Oubli, à la Mort...
Elle se réveilla dans une position mal-commode, avachie sur un des bonsaï du Prieuré. Elle se hâta de se redresser, regardant avec attention si personne ne l'avait vu dans cette position. Après ce qu'elle venait de traverser, elle n'avait pas le cœur à effacer un témoin malencontreux. Heureusement le lieu était actuellement désert.
La Police ne mit pas longtemps à la retrouver. La présence familière la rassurait autant qu'elle l'angoissait. Avaient-ils perçus ces dernières pensées ? Gardant son masque impassible, sa stature hiératique, elle restait attentive au moindre indice. Mais, non... Rien. Ce n'était pas encore pour aujourd'hui qu'elle serait démise de ses fonctions.
Tandis qu'elle regagnait le Temple, un rapport lui parvint. Un sourire froid éclaira ses traits. Le Dormeur s'éveillait.
Et derrière le masque imperturbable de Bon-pha, Illion savourait les éléments qui venaient d'être ré-alignés. Le temps que les Puissances se concentrent et agissent sur la révolution enclenchée par leur petite danse, la phase suivante suivrait son cours sans que personne ne la voit, avant qu'il soit trop tard.
Parfois, ce boulot pouvait être tuant. Mais ça valait quand même le coup.
#53
Général / Re: Poussière de rêve
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Suite :
... La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au-dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »
Brutalement, dans un spasme de souffrance Xunno'i émerge à la conscience. En pleine confusion et sentiment d'urgence elle reprend, muscle après muscle, le contrôle de son corps. Un à un, elle traque, réinitialise, désactive les asservissements endommagés, les archétypes comportementaux pétrifiés de la reine rouge. Ses pupilles tentent d'accommoder. Son esprit embrasse alors la scène prenant la mesure de la situation. Des chaises crissent, des regards se croisent, de bustes s'inclinent légèrement, d'autres regards se dérobent à elle. Sous ses yeux les cartes du jeu sont redistribuées. Le pouvoir de la reine rouge se désagrège comme un château de cartes. Un réagencement du centre de décision s'opère par la recomposition des cartes maîtresses autours du nouveau centre de gravité : l'As Gris.
Une bouffé d'émotions menace soudain de l'emporter. Elle peine à assimiler entièrement la personnita de la reine rouge. Des boucles réflexes comportementales qu'elle n'arrive toujours pas à discriminer de ses émotions la plonge dans des états de confusions mentales. Le déclenchement du mode panic suivi de l'effondrement de la personnita est survenu dans le pire des lieux possibles. Ses rêves secrets se retrouvent exposés au cœur du dispositif le plus contrôlé de la crypte. Xunno'i concentre ses pensées sur une image anodine. Elle tente de relancer la strate externe de la personnita reine rouge. Il lui faut absolument continuer à masquer ses desseins à l'œil de zbasu. La routine provoque un tremblement incontrôlé de sa joue gauche. D'abord effrayée, Xunno'i respire à nouveau. Les autres cartes ont assimilé ce tic à une simple manifestation de la défaite de la reine rouge. Dans l'urgence elle finit par assembler une ligne élémentaire de pare-feu et reconstitue la façade émotionnelle de la personnita.
Xunno'i souffle mentalement. Elle Dispose enfin d'un court répit face aux démons de sécurité zbasu. Il lui faut croire que ses derniers instants de confusions seront mis sur le compte de la déroute de la reine rouge par les algorithmes d'audit. Au travers des filtres de pensées de la personnita élémentaire, Xunno'i tente frénétiquement de décortiquer les attitudes des membres du conseil : le contentement du roi d'heure qui croit son heure arrivée, l'agacement du valet noir au regard de la nouvelle position de l'As, l'attentisme de... Accablée, Xunno'i abandonne cette voie d'investigation sans issue. Angoissée à l'idée que son pare-feu lâche prise en ce lieu, elle essaye de raccorder dans l'urgence les boucles cognitives, de corriger les strates comportementales en déroutes de la reine rouge. En même temps elle explore fébrilement sa mémoire récente à la recherche des pièces manquantes du puzzle. Comment la situation a-t-elle ou dégénérer à ce point ? Mais ses pensées dérivent dangereusement vers le passé, vers une contré fleurie à la limite des frontières, loin de cette sombre et effrayante machinerie à broyer les âmes. Tandis qu'elle se démène avec acharnement à comprendre, des scènes affleurent à la surface de sa mémoire. Un doigt qui se tend à travers les brumes ; des yeux qui se regardent ; un sourire qui chantonne une promesse inavouée ; une pensée qui éclot, puis le doigt ramenant un papillon féerique qui s'envole, virevolte dans une poésie de couleurs. Des pans entiers de sa mémoire resurgissent, des images d'un rêve. Oh Illion, mais pourquoi as-tu traversé la porte ? A quoi rêves-tu là-bas ? Pourquoi le...
Soudain la reine rouge éclata d'un rire tonitruant. Cette hilarité provoqua une onde de confusion qui se propagea de carte en carte. L'éclat de rire chamboulait l'équilibre des forces de la salle rouge. Xonnu'i lâche un cri de souffrance muette lorsque la nouvelle boucle cognitive qu'elle vient de relancer mutile sa conscience. Une idée a resurgit du tréfonds de sa mémoire. La dernière pièce du puzzle c'est enfin assemblée. Xonnu'i libère la personnita restaurée et augmentée de cette connaissance. Rationnellement elle comprend le mécanisme d'effacement derrière la reine rouge, l'écrasement de ses affects propres par les processus cognitifs de la personnita. Mais son moi s'agrippe, sa conscience résiste farouchement aux boucles d'asservissement, à cette petite mort programmée. Elle veut être, elle veut voir... La reine rouge se cala contre le dossier du fauteuil, parcourant l'assemblée des présents. Elle observait avec délectation le doute et l'incertitude s'installer. Elle sentait la peur naître chez ceux qui avaient trop vite retourné leur carte, le soulagement des attentistes toujours en course, les questions informulées...
Le Dix de Der sentit son pouls s'accélérer. Il tourna son masque vers les membres de la fratrie, cherchant l'origine de cette sensation. Tous le fixaient, suivant en cela le regard enjoué de la reine rouge.
« Qu'en est-il du dormeur ? »
Le Dix de Der resta un moment interloqué devant l'incongruité de la question. Ses implants analytiques classifiaient déjà toutes les informations sur le légendaire premier Khan. Son département était en charge la sécurité démonique de bunker du dormeur. Pourtant Il ignorait toujours la raison de sa mise en state, du figement des processus cognitifs du dormeur par les puissances. Le Dix de Der était pourtant convaincu d'une chose : le formidable dispositif de sécurité n'était pas dirigé vers une menace extérieure. Furieusement, il se mit à compulser les quelques lignes anodines de la biographique classifiée du premier Khan. Il redoutait de devoir prendre position dans une bataille de pouvoir dont les tenants lui échappaient :
La reine rouge enchaîna immédiatement sur sa valse de déstabilisation, elle savait qu'elle ne pouvait laisser les cartes pousser plus avant leurs réflexions. Son apparente assurance lui avait redonné un semblant de pouvoir. Le moment délicat approchait, Elle retourna de nouvelles cartes du rapport sur la table, craignant que ces courbes démentent ses affirmations :
« Les lignes causales ne sont même pas encore complètement stabilisées. Qu'est ce qui vous fait croire que votre pouvoir perdurerait ? L'inaltérabilité du futur est une constante de notre univers, du pouvoir des puissances et pourtant elle...une puissance vient d'infléchir sa direction, pourquoi s'arrêterait-elle à la reine rouge ? »
La reine rouge ménagea ses effets quelques instants, laissant le doute ronger ces cartes avides de pouvoir. Elle venait de frapper au cœur de leurs peurs primales
« Chaque instant est vital, on ne peut laisser le futur se figeait dans une équilibre qui nous serait défavorable. Nous ne pouvons même plus prendre le risque de le laisser redevenir immuable. Il faut stabilité des éléments du passé, rendre son incertitude à la mesure de l'avenir. »
La reine rouge pointa le Dix de Der : « Retirez les sécurités du bunker au dormeur, qu'il revienne à la vie et reprennent son œuvre d'écriture, de fixation du passé »
Xunno'i supporte avec stoïcisme l'écrasement des derniers éléments de sa personnalité. La dernière boucle d'asservissement achève le travail d'amputation de ses émotions, mutile avec la précision d'un scalpel ses rêves. Pourtant un sourire transparaît. Il flotte encore quelque temps enveloppant un pensée hérétique, un pensée laknée en ce lieu : le futur n'est plus immuable, l'incertitude règne à nouveau, il existe enfin une chance pour que ...
D'un mouvement froid et assuré d'automate, la reine rouge se releva et se dirigea vers la sortie. En arrivant devant la porte elle se retourna et lança à l'As Gris d'une voix et sèche sans appel : je veux un rapport et en temps réel de ce que fera Bon-Pha dès qu'elle repassera la porte, mais surtout du dormeur. Une étincelle d'émotion apparut cependant derrières ses pupilles alors qu'elle se dirigeait vers la plus secrète cellule de la crypte, reprendre son jeu favori, s'adonner clandestinement à son péché mignon « traîtrise ».
... La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au-dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »
Brutalement, dans un spasme de souffrance Xunno'i émerge à la conscience. En pleine confusion et sentiment d'urgence elle reprend, muscle après muscle, le contrôle de son corps. Un à un, elle traque, réinitialise, désactive les asservissements endommagés, les archétypes comportementaux pétrifiés de la reine rouge. Ses pupilles tentent d'accommoder. Son esprit embrasse alors la scène prenant la mesure de la situation. Des chaises crissent, des regards se croisent, de bustes s'inclinent légèrement, d'autres regards se dérobent à elle. Sous ses yeux les cartes du jeu sont redistribuées. Le pouvoir de la reine rouge se désagrège comme un château de cartes. Un réagencement du centre de décision s'opère par la recomposition des cartes maîtresses autours du nouveau centre de gravité : l'As Gris.
Une bouffé d'émotions menace soudain de l'emporter. Elle peine à assimiler entièrement la personnita de la reine rouge. Des boucles réflexes comportementales qu'elle n'arrive toujours pas à discriminer de ses émotions la plonge dans des états de confusions mentales. Le déclenchement du mode panic suivi de l'effondrement de la personnita est survenu dans le pire des lieux possibles. Ses rêves secrets se retrouvent exposés au cœur du dispositif le plus contrôlé de la crypte. Xunno'i concentre ses pensées sur une image anodine. Elle tente de relancer la strate externe de la personnita reine rouge. Il lui faut absolument continuer à masquer ses desseins à l'œil de zbasu. La routine provoque un tremblement incontrôlé de sa joue gauche. D'abord effrayée, Xunno'i respire à nouveau. Les autres cartes ont assimilé ce tic à une simple manifestation de la défaite de la reine rouge. Dans l'urgence elle finit par assembler une ligne élémentaire de pare-feu et reconstitue la façade émotionnelle de la personnita.
Xunno'i souffle mentalement. Elle Dispose enfin d'un court répit face aux démons de sécurité zbasu. Il lui faut croire que ses derniers instants de confusions seront mis sur le compte de la déroute de la reine rouge par les algorithmes d'audit. Au travers des filtres de pensées de la personnita élémentaire, Xunno'i tente frénétiquement de décortiquer les attitudes des membres du conseil : le contentement du roi d'heure qui croit son heure arrivée, l'agacement du valet noir au regard de la nouvelle position de l'As, l'attentisme de... Accablée, Xunno'i abandonne cette voie d'investigation sans issue. Angoissée à l'idée que son pare-feu lâche prise en ce lieu, elle essaye de raccorder dans l'urgence les boucles cognitives, de corriger les strates comportementales en déroutes de la reine rouge. En même temps elle explore fébrilement sa mémoire récente à la recherche des pièces manquantes du puzzle. Comment la situation a-t-elle ou dégénérer à ce point ? Mais ses pensées dérivent dangereusement vers le passé, vers une contré fleurie à la limite des frontières, loin de cette sombre et effrayante machinerie à broyer les âmes. Tandis qu'elle se démène avec acharnement à comprendre, des scènes affleurent à la surface de sa mémoire. Un doigt qui se tend à travers les brumes ; des yeux qui se regardent ; un sourire qui chantonne une promesse inavouée ; une pensée qui éclot, puis le doigt ramenant un papillon féerique qui s'envole, virevolte dans une poésie de couleurs. Des pans entiers de sa mémoire resurgissent, des images d'un rêve. Oh Illion, mais pourquoi as-tu traversé la porte ? A quoi rêves-tu là-bas ? Pourquoi le...
Soudain la reine rouge éclata d'un rire tonitruant. Cette hilarité provoqua une onde de confusion qui se propagea de carte en carte. L'éclat de rire chamboulait l'équilibre des forces de la salle rouge. Xonnu'i lâche un cri de souffrance muette lorsque la nouvelle boucle cognitive qu'elle vient de relancer mutile sa conscience. Une idée a resurgit du tréfonds de sa mémoire. La dernière pièce du puzzle c'est enfin assemblée. Xonnu'i libère la personnita restaurée et augmentée de cette connaissance. Rationnellement elle comprend le mécanisme d'effacement derrière la reine rouge, l'écrasement de ses affects propres par les processus cognitifs de la personnita. Mais son moi s'agrippe, sa conscience résiste farouchement aux boucles d'asservissement, à cette petite mort programmée. Elle veut être, elle veut voir... La reine rouge se cala contre le dossier du fauteuil, parcourant l'assemblée des présents. Elle observait avec délectation le doute et l'incertitude s'installer. Elle sentait la peur naître chez ceux qui avaient trop vite retourné leur carte, le soulagement des attentistes toujours en course, les questions informulées...
Le Dix de Der sentit son pouls s'accélérer. Il tourna son masque vers les membres de la fratrie, cherchant l'origine de cette sensation. Tous le fixaient, suivant en cela le regard enjoué de la reine rouge.
« Qu'en est-il du dormeur ? »
Le Dix de Der resta un moment interloqué devant l'incongruité de la question. Ses implants analytiques classifiaient déjà toutes les informations sur le légendaire premier Khan. Son département était en charge la sécurité démonique de bunker du dormeur. Pourtant Il ignorait toujours la raison de sa mise en state, du figement des processus cognitifs du dormeur par les puissances. Le Dix de Der était pourtant convaincu d'une chose : le formidable dispositif de sécurité n'était pas dirigé vers une menace extérieure. Furieusement, il se mit à compulser les quelques lignes anodines de la biographique classifiée du premier Khan. Il redoutait de devoir prendre position dans une bataille de pouvoir dont les tenants lui échappaient :
Citation« Issu d'une contré à la limite des frontières, Le premier khan au nom poétique de ****** se distingua très tôt par sa formidable capacité à raconter l'histoire. Au sein même du palais de Vai'A'Tua sa verve fixait les mythes, insufflait la vie aux ******. Sa volonté de conter projetait l'imaginaire collectif vers un futur... »
La reine rouge enchaîna immédiatement sur sa valse de déstabilisation, elle savait qu'elle ne pouvait laisser les cartes pousser plus avant leurs réflexions. Son apparente assurance lui avait redonné un semblant de pouvoir. Le moment délicat approchait, Elle retourna de nouvelles cartes du rapport sur la table, craignant que ces courbes démentent ses affirmations :
« Les lignes causales ne sont même pas encore complètement stabilisées. Qu'est ce qui vous fait croire que votre pouvoir perdurerait ? L'inaltérabilité du futur est une constante de notre univers, du pouvoir des puissances et pourtant elle...une puissance vient d'infléchir sa direction, pourquoi s'arrêterait-elle à la reine rouge ? »
La reine rouge ménagea ses effets quelques instants, laissant le doute ronger ces cartes avides de pouvoir. Elle venait de frapper au cœur de leurs peurs primales
« Chaque instant est vital, on ne peut laisser le futur se figeait dans une équilibre qui nous serait défavorable. Nous ne pouvons même plus prendre le risque de le laisser redevenir immuable. Il faut stabilité des éléments du passé, rendre son incertitude à la mesure de l'avenir. »
La reine rouge pointa le Dix de Der : « Retirez les sécurités du bunker au dormeur, qu'il revienne à la vie et reprennent son œuvre d'écriture, de fixation du passé »
Xunno'i supporte avec stoïcisme l'écrasement des derniers éléments de sa personnalité. La dernière boucle d'asservissement achève le travail d'amputation de ses émotions, mutile avec la précision d'un scalpel ses rêves. Pourtant un sourire transparaît. Il flotte encore quelque temps enveloppant un pensée hérétique, un pensée laknée en ce lieu : le futur n'est plus immuable, l'incertitude règne à nouveau, il existe enfin une chance pour que ...
D'un mouvement froid et assuré d'automate, la reine rouge se releva et se dirigea vers la sortie. En arrivant devant la porte elle se retourna et lança à l'As Gris d'une voix et sèche sans appel : je veux un rapport et en temps réel de ce que fera Bon-Pha dès qu'elle repassera la porte, mais surtout du dormeur. Une étincelle d'émotion apparut cependant derrières ses pupilles alors qu'elle se dirigeait vers la plus secrète cellule de la crypte, reprendre son jeu favori, s'adonner clandestinement à son péché mignon « traîtrise ».
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De nombreuses années avant les événements actuels.
Je m'approchais de la grande prêtresse allongée sur son sofa. Les Automates de la Police des Rêves se tenaient là, hiératiques et inquiétants dans leur immobilité, lui faisant une garde rapprochée, aujourd'hui bien visible alors qu'ils restaient d'habitude dans les ombres. Je sentais l'inquiétude de ceux qui m'avaient introduit. C'était d'ailleurs à ça qu'on différenciait les Automates des Rats dans la Police : les premiers n'exprimaient jamais aucun sentiment quand les seconds, parfois, se rappellaient qu'ils avaient une conscience, des peurs et des doutes.
Bonpha fit un signe de la main et tout le monde sortit. Seuls restèrent quatre automates à ses côtés. Je commençais vraiment à me demander ce qu'elle pouvait me vouloir. Mais je ne voyais aucune faute que j'aurais pu commettre, ni aucune action extraordinaire qui aurait pu me valoir un éloge. J'étais rentrée dans la Police des Rêves depuis quelques années maintenant, et j'avais accompli mon devoir avec sérieux mais sans chercher à attirer l'attention pour autant. Depuis quelques temps, j'avais été affecté au service de Bonpha, ce qui était un honneur, mais l'essentiel de mon travail était purement administratif. Ce n'était pas la première fois que je me retrouvait seule avec la prêtresse de la Propagande, bien sûr, mais il y avait aujourd'hui une tension oppressante dans l'air.
Elle m'invita à m'approcher d'un autre signe. Je vins m'asseoir à ses côtés.
-Illion, me demanda-t-elle, est-ce vrai que tu as des amis qui travaillent à la Crypte ?
Je poussais un soupir de soulagement. C'était donc ça, qui finissait enfin par arriver sur le tapis. Ces ridicules luttes de services. Nous étions tous au service des Rats et de la Ville, mais la Police et la Crypte passaient une bonne partie de leur temps en chicanerie administratives sur les attributions et domaines d'interventions de chacun.
-Oui, en effet. J'ai une amie d'enfance qui est entrée chez eux à peu prêt au moment où je commençais à travailler ici. On ne parle pas vraiment boulot quand on se voit. Quelques blagues de service de temps en temps, vu qu'on est dans des boulots un peu similaire, mais rien de vital. Et lors des missions de surveillance, que je connaisse ou non les gens que je surveille ne change rien à mes rapports. Mais pourquoi ne vous intéresser à ça que maintenant ? Ça n'a rien de neuf et je n'en ai jamais fait de mystère.
Bonpha eu un sourire amusé :
-Tu ne t'en vante pas non plus. En fait, si nous n'avions pas le meilleur service de renseignement du monde, nous aurions pu ne jamais l'apprendre.
Je haussais les épaules :
-Il y a pleins de choses dont je ne me vante pas. Je suis ici pour travailler, pas pour raconter ma vie et mes sorties.
J'ajoutais pour moi-même : pas comme certains de mes collègues. Il y avait un côté délicatement absurde à voir des Policiers dans leur uniforme de travail, la cape les enveloppant d'ombre et le masque rendant leurs expressions plus ténébreuses, en train de discuter des progrès de leurs enfants, de leurs histoires d'amour et des derniers combats de l'Arène. Absurde, et dangereux : notre travail reposait sur les apparences, nous ne devions pas paraître Rat. Tous les Policiers ressemblaient aux Automates avec leur uniforme ; ce genre de comportement cassait l'illusion et risquait d'amener les gens à rêver des choses étranges, qu'il nous faudrait corriger par la suite.
Je voyais que ma remarque amusait Bonpha ; sans doute avait-elle suivi le même cheminement de pensée. Je me rendais compte aussi qu'elle avait l'air plus fatiguée que d'habitude. Pourtant la période m'avait paru plutôt calme.
-Est-ce que ce que je fais en dehors du travail pose un souci, Grande Prêtresse ?
-Si je te disais oui, que ferait-tu ? Arrêterais-tu de travailler ou bien changerais-tu de vie ?
Je cogitais furieusement à la question. Je me doutais qu'elle n'était pas que rhétorique. Arrêter de travailler ne signifiait qu'une chose : on m'extirperait tout souvenir de la Police, et on m'enverrait au Dispensaire le temps que l'Oubli me laisse en paix. Je reprendrais une vie "normale" mais je ne pourrais plus accéder aux secrets du Khanat comme je le faisais ici. Il fallait bien l'avouer, ce boulot était génial.
Quand à changer de vie... Renoncer à voir Xuno'i, surtout, puisqu'il semblait que ce soit sa fréquentation le problème ? Ce serait un déchirement. Notre relation était particulière et c'était le grain de folie parfait pour égayer des journées sinon un peu monotones. Et si je ne devais plus la voir, alors il faudrait aussi que je change le reste de ma vie, car elle était à mes côtés dans tant de choses ! Trouver un nouvel appartement ne serais pas trop difficile, mais ne plus voir nos amis, et entre autre certains rats charmeurs...
Je regardais Bonpha avec inquiétude. Elle attendait ma réponse, immobile, attentive. J'aurais aimé avoir plus de détail, mais je la connaissais depuis assez longtemps maintenant pour savoir qu'il s'agissait là d'un jeu pour tester... je ne sais quoi, mais il fallait que je me débrouille de ça sans chercher d'aide ou je retournerais à trier des papiers dans les bas-fond de la Ville.
Je pesais le pour et le contre. J'espérais que la réponse n'aurait pas de conséquence, mais j'en doutais. Enfin je pris une grande inspiration :
-J'imagine que je pourrais changer de vie. Tout dépend ce que ça implique exactement.
-Et si je te proposais une vie au service de la Cité et du Khanat ? À chaque heure du jour et de la nuit, entendre les Rêves et les influencer ? Mais pour ça, renoncer aux sorties de fin de semaine... Tes amis ne devant jamais apprendre ce que tu fais, et tu ne pourrais confier à personne ce que tu vois, en dehors des Automates chargées de la gestion des informations ?
-C'est pour ça que j'ai signé, répondis-je en faisant la moue. C'est le boulot qui veut ça. Je pensais ne pas trop mal m'en sortir.
-Tu ne t'en sort pas mal du tout, dit Bonpha avec un petit sourire las. En fait, cela fait un certain temps que nous analysons ton profil.
La révélation ne me bouleversa pas outre mesure. La Police surveillait, épiait et intervenait sur les déviances ; des services entiers étaient consacrés à la surveillance des Policiers, et d'autres services surveillaient les surveillants. Un cercle sans fin, incroyablement redondant et franchement paranoïaque. La confiance était un mot sans valeur, seule les preuves comptaient. C'était le seul moyen de garantir l'intégrité du système. Nous avions tellement de pouvoir entre nos mains !
Bonpha continuait :
-Les tests ont montrés que tu étais loyale et dévolue à ta tâche, et que tu la prenais au sérieux. Plus quelques autres qualités utiles pour le poste que tu vas occuper. L'avenir montrera si mon analyse s'est révélée bonne ou non... Mais je suis si fatiguée... Il est temps de faire avancer les choses.
Mes oreilles bourdonnèrent :
-Un nouveau poste ?
Je ne m'attendais pas à avoir de l'avancement en arrivant ici. Et puis quel avancement ? J'étais déjà dans un des services les plus prestigieux et je ne voyais aucun de mes supérieurs laisser sa place.
Bonpha eu un sourire mystérieux et me prit la main. Cela me fit un drôle d'effet. Il n'y avait aucun contact physique parmi les Policiers, d'habitude.
-Peut-tu me redonner ton nom complet ? J'aime sa poésie.
Un peu perturbée, je déclamais mon patronyme. Je venais d'une région où on baptisait les nouveaux-nés d'une description sensée donner du sens à leur vie. J'avais été nommée "Papillon virevoltant dans la rosée d'un matin de printemps". Illion, pour tout le monde. Elle répéta mon nom, un air étrangement rêveur sur le masque, tenant toujours ma main. Il se passait quelque chose d'étrange que je n'arrivais pas à interpréter.
-Ton amie de la Crypte progresse vite, déclara Bonpha comme si de rien n'était. Elle ne va pas tarder à devenir la Reine Rouge, à mon avis.
Je la regardais, sonnée. Xunno'i, la Reine ? Cela me paraissait dément. Ainsi c'était ça ces histoires de "changer de vie", non pas moi, mais elle ? Si mon amie arrivait en haut de l'échelle, elle n'aurait sans doute plus l'occasion de me parler. Traîner avec une gratte-papier du service d'en face, c'était déjà mal vu à notre niveau, mais si elle avait encore plus de responsabilité... Mais un truc me turlupinais :
-Comment ça, devenir la Reine Rouge ? Il y a un coup d'état en préparation ? La Reine est la même depuis... en fait je n'ai jamais entendu dire que la Reine ait été autre. Ce serait aussi absurde que si vous me disiez que vous partez en retraite.
Elle éclata d'un petit rire toussif.
-La retraite... c'est une façon de voir les choses ! Les magiciens de la Crypte peuvent prendre l'apparence qu'ils veulent, tu le sais. La Reine Rouge va bientôt évoluer, pour le bien du Khanat, et nous allons les aider un peu. Papillon-virevoltant-dans-la-rosée-d'un-matin-de-printemps, il est temps que tu apprenne les secrets les mieux gardés de l'Empire... Approche-toi...
Je me penchais vers elle, le cœur battant la chamade. Sa main m'enserrait avec force. De l'autre, elle attira ma tête contre la sienne et nos masques entrèrent en contact. Un instant, je cru qu'elle allait m'embrasser. C'est alors que le transfert commença. Des flots d'informations se déversaient de son masque au mien, trop vite pour que je puisse saisir plus que quelques flux de donnée ; j'étais submergée par la masse de connaissance qu'elle me transmettait, j'en oubliais où nous étions, notre étrange accolade, tandis que peu à peu le sens du rendez-vous m'était révélé. Je tentais de crier, mais l'expérience me figeait et me rendait incapable de rien faire.
Enfin la pression se relâcha tandis que les derniers parsecs d'informations m'étaient donnés. Je tombais à la renverse, le regard hébété. Cela n'avait dû prendre que quelques minutes mais j'avais l'impression d'avoir vécu...
Des vies. Des vies entières dans mon esprit. La symbiose était un pâle reflet de ce dont je faisais l'expérience à présent. J'avais le souvenirs d'éons entiers juste à portée de pensée. Je portais la main à mon masque, sentant que ses sculptures avaient changées. Je savais déjà ce que je verrais en me regardant dans un miroir, j'avais le souvenir... Non, ce n'était pas mes souvenirs, mais ceux que Bonpha m'avait donné en héritage. Je hoquetais, n'osant croire ce que ma "mémoire" me disait pourtant être vrai. Je me rapprochais à nouveau de Bonpha. Elle gisait, inerte, sur le sofa. Son masque avait perdu toute couleur et toute fioriture, il ressemblait... à celui que je portais d'habitude. Je cherchais son pouls et ne le trouvais pas. Je barricadais la porte aux souvenirs qui affluaient de milles situations semblables dans le passée. J'avais l'impression de perdre mon identité.
Celle qui avait été Bonpha gisait sur le sofa de la petite pièce, avec toutes les apparences de la mort. Mais les automates ne bougeaient pas, comme si rien ne clochait. Je défis son masque, révélant le visage d'une vieille Créatrice à la peau blanche. Aucun souffle ne passait ses lèvres. Elle était morte, me transmettant les charges de sa fonction, pour se réfugier dans l'Oubli et la Renaissance, réintégrant le Cycle qu'elle avait quitté des années auparavant. Un sourire paisible éclairait ses traits. Je savais, sans même faire appel aux souvenirs, qu'elle était partie sereine, certaine d'avoir accompli son devoir jusqu'au bout.
J'explorais doucement l'Unité Mémorielle qui était dans mon âme à présent. Une heure plus tôt, je n'aurais pas cru la manipulation possible, mais à présent c'était comme si j'avais toujours su, la technique de transfert m'apparaissait clairement, ainsi que ses implications. Je gémissait d'effroi devant certaines conséquences et décidait de garder ça pour plus tard.
Je voyais, je me «souvenais» des raisons qui l'avait poussé à me choisir, et ce que ce choix impliquait. Je me sentais triste et euphorique en même temps. Elle me manquerait, par certains côtés ; et en même temps elle était toujours là... Ou plutôt, à présent, j'étais elle. Pas seulement son masque, mais aussi sa mémoire, sa personnalité, et celle de toutes les autres Bonpha auparavant. Et pourtant je restais moi-même aussi, je ferais des choix que mes prédécesseuses avaient résolus autrement, je servirais la Police et le Khanat à ma façon.
Je tentais de remettre le masque sur son visage, mais maintenant que la vie s'en était allée, il ne fusionnait plus. Je fis un signe aux Automates. Ils savaient ce qu'il y avait à faire. Il y avait eu dans cette pièce Bonpha et une policière ; une policière en sortirait, visiblement foudroyée, tandis que Bonpha était toujours là, égale à elle-même. Les apparences... La plus grosse part du pouvoir de la Police des Rêves reposait sur les apparences, et ce n'était pas pour rien que le titre de Bonpha (mon titre, en fait, à présent) était Prêtresse de la Propagande. Il suffisait de donner aux gens ce qu'ils voulaient voir pour qu'ils le fassent devenir réel. Ce soir, on ferait une Cérémonie de la Fin en l'honneur d'Illion, née Papillon virevoltant dans la rosée d'un matin de printemps, et avec un sourire on évoquerait le moment où les Brumes la rendraient à la vie... qui sait, dans une semaine ou un éon ! Et on frissonnerait en racontant comment la terrible Bonpha l'avait exécuté, pour une raison inconnue.
Xunno'i saurait la vérité, je le savais. La crypte découvrirait bien vite que Bonpha avait changé d'incarnation et pour contrer les plans qu'ils nous prêtaient, ils choisiraient une Rate de la nouvelle génération pour les représenter, maîtrisant mieux les dernières nouveautés en matière d'évocation mais surtout capable d'exploiter les points faibles de notre "nouvelle" administration. Et ceux qui sauraient la vérité, sur le choix des deux nouvelles cheffes de chaque service, étaient ceux qui allaient enfin accéder au repos de l'Oubli et recommencer une nouvelle vie... rassuré sur le nouvel élan qu'ils allaient donner à l'Empire.
Je m'approchais de la grande prêtresse allongée sur son sofa. Les Automates de la Police des Rêves se tenaient là, hiératiques et inquiétants dans leur immobilité, lui faisant une garde rapprochée, aujourd'hui bien visible alors qu'ils restaient d'habitude dans les ombres. Je sentais l'inquiétude de ceux qui m'avaient introduit. C'était d'ailleurs à ça qu'on différenciait les Automates des Rats dans la Police : les premiers n'exprimaient jamais aucun sentiment quand les seconds, parfois, se rappellaient qu'ils avaient une conscience, des peurs et des doutes.
Bonpha fit un signe de la main et tout le monde sortit. Seuls restèrent quatre automates à ses côtés. Je commençais vraiment à me demander ce qu'elle pouvait me vouloir. Mais je ne voyais aucune faute que j'aurais pu commettre, ni aucune action extraordinaire qui aurait pu me valoir un éloge. J'étais rentrée dans la Police des Rêves depuis quelques années maintenant, et j'avais accompli mon devoir avec sérieux mais sans chercher à attirer l'attention pour autant. Depuis quelques temps, j'avais été affecté au service de Bonpha, ce qui était un honneur, mais l'essentiel de mon travail était purement administratif. Ce n'était pas la première fois que je me retrouvait seule avec la prêtresse de la Propagande, bien sûr, mais il y avait aujourd'hui une tension oppressante dans l'air.
Elle m'invita à m'approcher d'un autre signe. Je vins m'asseoir à ses côtés.
-Illion, me demanda-t-elle, est-ce vrai que tu as des amis qui travaillent à la Crypte ?
Je poussais un soupir de soulagement. C'était donc ça, qui finissait enfin par arriver sur le tapis. Ces ridicules luttes de services. Nous étions tous au service des Rats et de la Ville, mais la Police et la Crypte passaient une bonne partie de leur temps en chicanerie administratives sur les attributions et domaines d'interventions de chacun.
-Oui, en effet. J'ai une amie d'enfance qui est entrée chez eux à peu prêt au moment où je commençais à travailler ici. On ne parle pas vraiment boulot quand on se voit. Quelques blagues de service de temps en temps, vu qu'on est dans des boulots un peu similaire, mais rien de vital. Et lors des missions de surveillance, que je connaisse ou non les gens que je surveille ne change rien à mes rapports. Mais pourquoi ne vous intéresser à ça que maintenant ? Ça n'a rien de neuf et je n'en ai jamais fait de mystère.
Bonpha eu un sourire amusé :
-Tu ne t'en vante pas non plus. En fait, si nous n'avions pas le meilleur service de renseignement du monde, nous aurions pu ne jamais l'apprendre.
Je haussais les épaules :
-Il y a pleins de choses dont je ne me vante pas. Je suis ici pour travailler, pas pour raconter ma vie et mes sorties.
J'ajoutais pour moi-même : pas comme certains de mes collègues. Il y avait un côté délicatement absurde à voir des Policiers dans leur uniforme de travail, la cape les enveloppant d'ombre et le masque rendant leurs expressions plus ténébreuses, en train de discuter des progrès de leurs enfants, de leurs histoires d'amour et des derniers combats de l'Arène. Absurde, et dangereux : notre travail reposait sur les apparences, nous ne devions pas paraître Rat. Tous les Policiers ressemblaient aux Automates avec leur uniforme ; ce genre de comportement cassait l'illusion et risquait d'amener les gens à rêver des choses étranges, qu'il nous faudrait corriger par la suite.
Je voyais que ma remarque amusait Bonpha ; sans doute avait-elle suivi le même cheminement de pensée. Je me rendais compte aussi qu'elle avait l'air plus fatiguée que d'habitude. Pourtant la période m'avait paru plutôt calme.
-Est-ce que ce que je fais en dehors du travail pose un souci, Grande Prêtresse ?
-Si je te disais oui, que ferait-tu ? Arrêterais-tu de travailler ou bien changerais-tu de vie ?
Je cogitais furieusement à la question. Je me doutais qu'elle n'était pas que rhétorique. Arrêter de travailler ne signifiait qu'une chose : on m'extirperait tout souvenir de la Police, et on m'enverrait au Dispensaire le temps que l'Oubli me laisse en paix. Je reprendrais une vie "normale" mais je ne pourrais plus accéder aux secrets du Khanat comme je le faisais ici. Il fallait bien l'avouer, ce boulot était génial.
Quand à changer de vie... Renoncer à voir Xuno'i, surtout, puisqu'il semblait que ce soit sa fréquentation le problème ? Ce serait un déchirement. Notre relation était particulière et c'était le grain de folie parfait pour égayer des journées sinon un peu monotones. Et si je ne devais plus la voir, alors il faudrait aussi que je change le reste de ma vie, car elle était à mes côtés dans tant de choses ! Trouver un nouvel appartement ne serais pas trop difficile, mais ne plus voir nos amis, et entre autre certains rats charmeurs...
Je regardais Bonpha avec inquiétude. Elle attendait ma réponse, immobile, attentive. J'aurais aimé avoir plus de détail, mais je la connaissais depuis assez longtemps maintenant pour savoir qu'il s'agissait là d'un jeu pour tester... je ne sais quoi, mais il fallait que je me débrouille de ça sans chercher d'aide ou je retournerais à trier des papiers dans les bas-fond de la Ville.
Je pesais le pour et le contre. J'espérais que la réponse n'aurait pas de conséquence, mais j'en doutais. Enfin je pris une grande inspiration :
-J'imagine que je pourrais changer de vie. Tout dépend ce que ça implique exactement.
-Et si je te proposais une vie au service de la Cité et du Khanat ? À chaque heure du jour et de la nuit, entendre les Rêves et les influencer ? Mais pour ça, renoncer aux sorties de fin de semaine... Tes amis ne devant jamais apprendre ce que tu fais, et tu ne pourrais confier à personne ce que tu vois, en dehors des Automates chargées de la gestion des informations ?
-C'est pour ça que j'ai signé, répondis-je en faisant la moue. C'est le boulot qui veut ça. Je pensais ne pas trop mal m'en sortir.
-Tu ne t'en sort pas mal du tout, dit Bonpha avec un petit sourire las. En fait, cela fait un certain temps que nous analysons ton profil.
La révélation ne me bouleversa pas outre mesure. La Police surveillait, épiait et intervenait sur les déviances ; des services entiers étaient consacrés à la surveillance des Policiers, et d'autres services surveillaient les surveillants. Un cercle sans fin, incroyablement redondant et franchement paranoïaque. La confiance était un mot sans valeur, seule les preuves comptaient. C'était le seul moyen de garantir l'intégrité du système. Nous avions tellement de pouvoir entre nos mains !
Bonpha continuait :
-Les tests ont montrés que tu étais loyale et dévolue à ta tâche, et que tu la prenais au sérieux. Plus quelques autres qualités utiles pour le poste que tu vas occuper. L'avenir montrera si mon analyse s'est révélée bonne ou non... Mais je suis si fatiguée... Il est temps de faire avancer les choses.
Mes oreilles bourdonnèrent :
-Un nouveau poste ?
Je ne m'attendais pas à avoir de l'avancement en arrivant ici. Et puis quel avancement ? J'étais déjà dans un des services les plus prestigieux et je ne voyais aucun de mes supérieurs laisser sa place.
Bonpha eu un sourire mystérieux et me prit la main. Cela me fit un drôle d'effet. Il n'y avait aucun contact physique parmi les Policiers, d'habitude.
-Peut-tu me redonner ton nom complet ? J'aime sa poésie.
Un peu perturbée, je déclamais mon patronyme. Je venais d'une région où on baptisait les nouveaux-nés d'une description sensée donner du sens à leur vie. J'avais été nommée "Papillon virevoltant dans la rosée d'un matin de printemps". Illion, pour tout le monde. Elle répéta mon nom, un air étrangement rêveur sur le masque, tenant toujours ma main. Il se passait quelque chose d'étrange que je n'arrivais pas à interpréter.
-Ton amie de la Crypte progresse vite, déclara Bonpha comme si de rien n'était. Elle ne va pas tarder à devenir la Reine Rouge, à mon avis.
Je la regardais, sonnée. Xunno'i, la Reine ? Cela me paraissait dément. Ainsi c'était ça ces histoires de "changer de vie", non pas moi, mais elle ? Si mon amie arrivait en haut de l'échelle, elle n'aurait sans doute plus l'occasion de me parler. Traîner avec une gratte-papier du service d'en face, c'était déjà mal vu à notre niveau, mais si elle avait encore plus de responsabilité... Mais un truc me turlupinais :
-Comment ça, devenir la Reine Rouge ? Il y a un coup d'état en préparation ? La Reine est la même depuis... en fait je n'ai jamais entendu dire que la Reine ait été autre. Ce serait aussi absurde que si vous me disiez que vous partez en retraite.
Elle éclata d'un petit rire toussif.
-La retraite... c'est une façon de voir les choses ! Les magiciens de la Crypte peuvent prendre l'apparence qu'ils veulent, tu le sais. La Reine Rouge va bientôt évoluer, pour le bien du Khanat, et nous allons les aider un peu. Papillon-virevoltant-dans-la-rosée-d'un-matin-de-printemps, il est temps que tu apprenne les secrets les mieux gardés de l'Empire... Approche-toi...
Je me penchais vers elle, le cœur battant la chamade. Sa main m'enserrait avec force. De l'autre, elle attira ma tête contre la sienne et nos masques entrèrent en contact. Un instant, je cru qu'elle allait m'embrasser. C'est alors que le transfert commença. Des flots d'informations se déversaient de son masque au mien, trop vite pour que je puisse saisir plus que quelques flux de donnée ; j'étais submergée par la masse de connaissance qu'elle me transmettait, j'en oubliais où nous étions, notre étrange accolade, tandis que peu à peu le sens du rendez-vous m'était révélé. Je tentais de crier, mais l'expérience me figeait et me rendait incapable de rien faire.
Enfin la pression se relâcha tandis que les derniers parsecs d'informations m'étaient donnés. Je tombais à la renverse, le regard hébété. Cela n'avait dû prendre que quelques minutes mais j'avais l'impression d'avoir vécu...
Des vies. Des vies entières dans mon esprit. La symbiose était un pâle reflet de ce dont je faisais l'expérience à présent. J'avais le souvenirs d'éons entiers juste à portée de pensée. Je portais la main à mon masque, sentant que ses sculptures avaient changées. Je savais déjà ce que je verrais en me regardant dans un miroir, j'avais le souvenir... Non, ce n'était pas mes souvenirs, mais ceux que Bonpha m'avait donné en héritage. Je hoquetais, n'osant croire ce que ma "mémoire" me disait pourtant être vrai. Je me rapprochais à nouveau de Bonpha. Elle gisait, inerte, sur le sofa. Son masque avait perdu toute couleur et toute fioriture, il ressemblait... à celui que je portais d'habitude. Je cherchais son pouls et ne le trouvais pas. Je barricadais la porte aux souvenirs qui affluaient de milles situations semblables dans le passée. J'avais l'impression de perdre mon identité.
Celle qui avait été Bonpha gisait sur le sofa de la petite pièce, avec toutes les apparences de la mort. Mais les automates ne bougeaient pas, comme si rien ne clochait. Je défis son masque, révélant le visage d'une vieille Créatrice à la peau blanche. Aucun souffle ne passait ses lèvres. Elle était morte, me transmettant les charges de sa fonction, pour se réfugier dans l'Oubli et la Renaissance, réintégrant le Cycle qu'elle avait quitté des années auparavant. Un sourire paisible éclairait ses traits. Je savais, sans même faire appel aux souvenirs, qu'elle était partie sereine, certaine d'avoir accompli son devoir jusqu'au bout.
J'explorais doucement l'Unité Mémorielle qui était dans mon âme à présent. Une heure plus tôt, je n'aurais pas cru la manipulation possible, mais à présent c'était comme si j'avais toujours su, la technique de transfert m'apparaissait clairement, ainsi que ses implications. Je gémissait d'effroi devant certaines conséquences et décidait de garder ça pour plus tard.
Je voyais, je me «souvenais» des raisons qui l'avait poussé à me choisir, et ce que ce choix impliquait. Je me sentais triste et euphorique en même temps. Elle me manquerait, par certains côtés ; et en même temps elle était toujours là... Ou plutôt, à présent, j'étais elle. Pas seulement son masque, mais aussi sa mémoire, sa personnalité, et celle de toutes les autres Bonpha auparavant. Et pourtant je restais moi-même aussi, je ferais des choix que mes prédécesseuses avaient résolus autrement, je servirais la Police et le Khanat à ma façon.
Je tentais de remettre le masque sur son visage, mais maintenant que la vie s'en était allée, il ne fusionnait plus. Je fis un signe aux Automates. Ils savaient ce qu'il y avait à faire. Il y avait eu dans cette pièce Bonpha et une policière ; une policière en sortirait, visiblement foudroyée, tandis que Bonpha était toujours là, égale à elle-même. Les apparences... La plus grosse part du pouvoir de la Police des Rêves reposait sur les apparences, et ce n'était pas pour rien que le titre de Bonpha (mon titre, en fait, à présent) était Prêtresse de la Propagande. Il suffisait de donner aux gens ce qu'ils voulaient voir pour qu'ils le fassent devenir réel. Ce soir, on ferait une Cérémonie de la Fin en l'honneur d'Illion, née Papillon virevoltant dans la rosée d'un matin de printemps, et avec un sourire on évoquerait le moment où les Brumes la rendraient à la vie... qui sait, dans une semaine ou un éon ! Et on frissonnerait en racontant comment la terrible Bonpha l'avait exécuté, pour une raison inconnue.
Xunno'i saurait la vérité, je le savais. La crypte découvrirait bien vite que Bonpha avait changé d'incarnation et pour contrer les plans qu'ils nous prêtaient, ils choisiraient une Rate de la nouvelle génération pour les représenter, maîtrisant mieux les dernières nouveautés en matière d'évocation mais surtout capable d'exploiter les points faibles de notre "nouvelle" administration. Et ceux qui sauraient la vérité, sur le choix des deux nouvelles cheffes de chaque service, étaient ceux qui allaient enfin accéder au repos de l'Oubli et recommencer une nouvelle vie... rassuré sur le nouvel élan qu'ils allaient donner à l'Empire.
#55
Général / Re: Poussière de rêve
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La peur lui tiraillait le ventre. l'As gris qui s'était emparé des cartes du rapport les retournait une par une, les étalant au centre de la table. Le jeu qui se dévoilait ainsi était sans appel. La précision mécanique et froide des gestes de l'As gris faisait un contre-point à l'effroi qu'elle sentait s'insinuer sous tous les pores de sa peau. Des entrelacs de droites arrondies, des courbes aux lignes brisées se jumelaient sous leurs yeux. Les lignes révélaient peu à peu un avenir causal nouveau, dévoilait...
La reine rouge frappa du point sur la table la table, brisant le délicat agencement de cartes : « Il a changé ! Comment cela se peut-il ? ». Le Roi d'heure repris de sa voix d'infatuée corrigeant une élève dissipée :
« L'effet quantique zbasu est déterministe. la précision de la mesure d'un paramètre entraîne une incertitude sur les autres paramètres. C'est la raison du flou du passé, de son indétermination. Cela est intrinsèquement lié à notre mesure du futur. L'incertitude du passé garantit l'invariabilité de notre avenir. Celui-ci ne peut changer. »
La reine rouge fixa le roi d'heure des yeux forçant le silence. Qui pouvait imaginer le maelström d'émotions antagonistes qui menaçaient d'exploser sous ses traits impassibles. Laisser transparaître une infime parcelle en ce lieu lui serait fatal. Pourtant sa peur refluait peu à peu. Une horreur sereine la remplaçait, celle de la condamnée devant l'inévitable. Elle avait brouillé les cartes, réussi à focaliser leur attention sur cette impossibilité. Une impossibilité qui pourtant scellait son destin.
La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »
A suivre ....
Note de lecture :
La reine rouge frappa du point sur la table la table, brisant le délicat agencement de cartes : « Il a changé ! Comment cela se peut-il ? ». Le Roi d'heure repris de sa voix d'infatuée corrigeant une élève dissipée :
« L'effet quantique zbasu est déterministe. la précision de la mesure d'un paramètre entraîne une incertitude sur les autres paramètres. C'est la raison du flou du passé, de son indétermination. Cela est intrinsèquement lié à notre mesure du futur. L'incertitude du passé garantit l'invariabilité de notre avenir. Celui-ci ne peut changer. »
La reine rouge fixa le roi d'heure des yeux forçant le silence. Qui pouvait imaginer le maelström d'émotions antagonistes qui menaçaient d'exploser sous ses traits impassibles. Laisser transparaître une infime parcelle en ce lieu lui serait fatal. Pourtant sa peur refluait peu à peu. Une horreur sereine la remplaçait, celle de la condamnée devant l'inévitable. Elle avait brouillé les cartes, réussi à focaliser leur attention sur cette impossibilité. Une impossibilité qui pourtant scellait son destin.
La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »
A suivre ....
Note de lecture :
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#56
Général / Re: Poussière de rêve
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Concentrée devant le miroir magique du coffret Taki'Nux, la reine rouge s'adonnait en secret à son péché mignon dans l'une des plus secrètes cellules de la crypte. Elle jouait avec "Traitrise", un ghost qui satisfaisait son obsession du rangement ritualisé. Des formes dénommées affectueusement "rats", qu'elle attifait de noms des membres de la police des rêves, étaient amoureusement attirées vers le bas. Elle les retournait, les manipulait puis les emboitait d'un mouvement jubilatoire, jusqu'à atteindre le point culminant, former une trame, une ligne parfaite, dont elle observait distraitement l'inéluctable annihilation en poursuivant son œuvre. Parfois son œil avide s'attardait sur un vide, espace indicible appelant silencieusement à être comblé par ces soins pour finalement disparaître en ineffable extase.
Le bruit de l'artefact zbasu la ramena soudain à la réalité, provoquant chez elle une tension inhabituelle. Son sang se glaça alors qu'elle observa l'invraisemblable : l'imprimante prédictive zbasu se mettre en fonction et cracher son improbable rapport sur les causalités. D'une main tremblante elle ramassa les cartes perforées à peine éjectées par l'imprimante puis s'élança dans le dédale de couloirs menant à la salle rouge.
En y entrant, elle évita soigneusement de croiser leurs regards et demanda immédiatement au technicien implanté :
« Où est-elle ? ».
Le visage déjà livide de ce dernier pâlit alors qu'il bégayait une réponse :
« elle a disparu, plus aucun capteurs mémoriels n'enregistrent sa présence, je tente d'invoquer.. ».
Elle lui coupa immédiatement la parole :
« Elle l'a donc fait, elle l'a osé, elle a traversé la porte ... ».
Elle ne put s'empêcher de frissonner lorsque la voix androgyne du valet noir cisela l'air de mots aux formes anguleuses, puis laissa le silence s'insinuer dans chaque recoin de la salle du conseil :
« Nous vous avions prévenu, il y a des limites que mêmes les puissances ne peuvent franchir ».
Un éclair de rage traversa la reine rouge, une farouche envie de balayer cette fratrie figée dans leurs modèles de pensées binaires, incapables de rêveries créatrices. Un fugace instant la tentation fut grande de basculer chez ..., mais elle se reprit déposant au vu de tous le rapport sur les causalités holistiques sachant pourtant que le pire était à venir.
A suivre...
Le bruit de l'artefact zbasu la ramena soudain à la réalité, provoquant chez elle une tension inhabituelle. Son sang se glaça alors qu'elle observa l'invraisemblable : l'imprimante prédictive zbasu se mettre en fonction et cracher son improbable rapport sur les causalités. D'une main tremblante elle ramassa les cartes perforées à peine éjectées par l'imprimante puis s'élança dans le dédale de couloirs menant à la salle rouge.
En y entrant, elle évita soigneusement de croiser leurs regards et demanda immédiatement au technicien implanté :
« Où est-elle ? ».
Le visage déjà livide de ce dernier pâlit alors qu'il bégayait une réponse :
« elle a disparu, plus aucun capteurs mémoriels n'enregistrent sa présence, je tente d'invoquer.. ».
Elle lui coupa immédiatement la parole :
« Elle l'a donc fait, elle l'a osé, elle a traversé la porte ... ».
Elle ne put s'empêcher de frissonner lorsque la voix androgyne du valet noir cisela l'air de mots aux formes anguleuses, puis laissa le silence s'insinuer dans chaque recoin de la salle du conseil :
« Nous vous avions prévenu, il y a des limites que mêmes les puissances ne peuvent franchir ».
Un éclair de rage traversa la reine rouge, une farouche envie de balayer cette fratrie figée dans leurs modèles de pensées binaires, incapables de rêveries créatrices. Un fugace instant la tentation fut grande de basculer chez ..., mais elle se reprit déposant au vu de tous le rapport sur les causalités holistiques sachant pourtant que le pire était à venir.
A suivre...
#57
Général / Poussière de rêve
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Bon-pha marchait à vive allure vers le repère du Bibliothécaire. Cette fois la Crypte avait dépassé les bornes. Qu'est-ce qu'ils s'imaginaient ? Qu'ils étaient les seuls à écouter et influencer zbasu ? Qu'ils pouvaient décider seuls de l'évolution du Khanat ?
La colère enflammait la Prêtresse. Elle avait jusqu'à présent toléré les petits jeux et l'impertinence de la Reine Rouge ; après tout, ça mettait un peu de piment dans la partie. Mais il était temps de lui rappeler que certaines limites ne devaient pas être franchies.
Elle traversa les rayonnages de la Bibliothèque au pas de course, indifférente aux ombres qui s'agitaient dans ses pas et aux regards effrayés des Rats dont elle croisait la route. Trouver le Gardien n'était pas toujours évident. Il avait un don pour sentir venir les ennuis et se rendre alors introuvable. Elle finit par s'arrêter, hors d'haleine, se retourner, tendre la main dans une poche d'ombre et en sortir un automate au masque sombre et terrifiant.
"Trouve-moi où il est !" cracha Bon-pha, la panique lui faisant perdre son légendaire contrôle.
L'automate repartit dans les ombres comme s'il n'avait jamais existé, puis réapparut quelques instants plus tard, murmurant quelques mots à l'oreille de la prêtresse de la propagande. Un sourire ironique éclaira le visage de cette dernière.
"Petite maligne, murmura-t-elle. Mais tu n'as pas pu tout prévoir."
Elle repartit dans l'autre sens jusqu'à arriver à une petite cour éclairée par les soleils. Un rat était là, semblant s'endormir sur son balai. Bon-pha scruta la scène, se passant nerveusement la langue sur les lèvres. Sans ombre, elle allait être à découvert quelques temps... Mais la Crypte ne pouvait pas avoir déjà autant de pouvoir.
Elle s'approcha du rat, laissant sa garde invisible prendre possession des ombres autour du patio. Il se retourna en l'entendant approcher, souriant calmement, comme indifférent à son rang :
"C'est une belle journée, n'est-ce pas ?
-Hum. Gardien, comment vont les Rêves ?"
Il la regarda d'un air surpris. Délicatement elle lui enleva le balai qu'il tenait toujours entre ses mains, puis reprit :
"L'Art du Balai est une noble discipline, mais, comment dire... Vous pourriez l'envisager de façon plus métaphorique.
-C'est un cadeau de Xunno'i. Un excellent balai, bien équilibré.
-Ça ne m'étonne pas d'elle."
Bonp-Pha soupira. Il fallait jouer selon les Règles, car c'était les Règles qui maintenaient le Khanat en un seul morceau. Mais parfois elle avait une folle envie de les contourner à son tour pour Effacer ces blagues d'adolescents et rendre à zbasu sa pureté originale. Hélas elle avait aussi besoin de la Crypte... Et pour l'heure, réveiller le Gardien, encore à mi-chemin entre deux mondes.
Elle reprit d'un ton pressant :
"Gardien, les rêves... Il faut que vous me guidiez.
-Tu peux prendre le lit dans mon bureau si tu as sommeil. J'ai encore la moitié de la cour à nettoyer, cela te laisse le temps de te reposer."
Bon-Pha s'exhorta au calme. La Reine Rouge avait embrouillé et joué avec les fils de la Réalité et la violence ne résoudrait rien. Elle avait besoin de la collaboration du Bibliothécaire, Gardien des Rêves, Maître des Clés et des Mots, qui pour l'heure ne pensait qu'à balayer sans se presser en prenant le soleil.
Mais puisqu'elle n'avait plus le choix... Elle glissa quelques mots à l'oreille du Gardien dans la langue sacrée, des mots qui ne devait jamais être prononcé. Le vent se leva, les nuages cachèrent les soleils, et les chaman des alentours ressentirent la longue plainte du Khanat. Le Gardien cligna des yeux, et son attention se fixa soudain avec acuité sur la prêtresse, qui ne put retenir un frisson. Il lui sourit avec bonhomie, mais elle sentait le pouvoir qu'elle venait de réveiller et espérais qu'il serait bien de son côté cette fois-ci.
"Si ce que tu dit est vrai... commença-t-il. Mais tu ne m'a encore jamais menti. Combien de personnes et que te faut-il ?
-Sept, dont moi. Nous devrions nous suffire, du moment que nous arrivons au même endroit. Et, heu... ça n'a pas une très grande importance, mais si je pouvais garder mes vêtements ce coup-ci... C'est que j'ai quand même un statut à représenter.
-Tu ne trouve sur place que ce que tu amène et ce que tu t'attend à trouver. Je ne suis pour rien dans cette histoire d'habits.
-Hum. Allons-y."
Bon-Pha s'écarta tandis que le Gardien traçait avec son balai cercles et arabesques, soulevant la poussière selon des motifs complexes qui scintillaient dans l'air. Elle admira sa maîtrise de la Danse Sacrée, qui plus est exécutée au pied levé avec les moyens du bord. C'était réellement un maître.
La poussière scintilla, retomba, faisant miroiter l'air.
"Maintenant" souffla le Gardien.
Bon-Pha fit un signe à ses troupes. Six Automates de la Police des Rêves sortirent des ombres autour du patio et la rejoignirent. Puis ils passèrent ensemble la Porte des Rêves qui s'était temporairement ouverte sous l'injonction du Gardien.
La poussière finit de retomber. En sifflotant, le Gardien reprit son balayage, l'étalant consciencieusement sur toute la surface de la cour.
La colère enflammait la Prêtresse. Elle avait jusqu'à présent toléré les petits jeux et l'impertinence de la Reine Rouge ; après tout, ça mettait un peu de piment dans la partie. Mais il était temps de lui rappeler que certaines limites ne devaient pas être franchies.
Elle traversa les rayonnages de la Bibliothèque au pas de course, indifférente aux ombres qui s'agitaient dans ses pas et aux regards effrayés des Rats dont elle croisait la route. Trouver le Gardien n'était pas toujours évident. Il avait un don pour sentir venir les ennuis et se rendre alors introuvable. Elle finit par s'arrêter, hors d'haleine, se retourner, tendre la main dans une poche d'ombre et en sortir un automate au masque sombre et terrifiant.
"Trouve-moi où il est !" cracha Bon-pha, la panique lui faisant perdre son légendaire contrôle.
L'automate repartit dans les ombres comme s'il n'avait jamais existé, puis réapparut quelques instants plus tard, murmurant quelques mots à l'oreille de la prêtresse de la propagande. Un sourire ironique éclaira le visage de cette dernière.
"Petite maligne, murmura-t-elle. Mais tu n'as pas pu tout prévoir."
Elle repartit dans l'autre sens jusqu'à arriver à une petite cour éclairée par les soleils. Un rat était là, semblant s'endormir sur son balai. Bon-pha scruta la scène, se passant nerveusement la langue sur les lèvres. Sans ombre, elle allait être à découvert quelques temps... Mais la Crypte ne pouvait pas avoir déjà autant de pouvoir.
Elle s'approcha du rat, laissant sa garde invisible prendre possession des ombres autour du patio. Il se retourna en l'entendant approcher, souriant calmement, comme indifférent à son rang :
"C'est une belle journée, n'est-ce pas ?
-Hum. Gardien, comment vont les Rêves ?"
Il la regarda d'un air surpris. Délicatement elle lui enleva le balai qu'il tenait toujours entre ses mains, puis reprit :
"L'Art du Balai est une noble discipline, mais, comment dire... Vous pourriez l'envisager de façon plus métaphorique.
-C'est un cadeau de Xunno'i. Un excellent balai, bien équilibré.
-Ça ne m'étonne pas d'elle."
Bonp-Pha soupira. Il fallait jouer selon les Règles, car c'était les Règles qui maintenaient le Khanat en un seul morceau. Mais parfois elle avait une folle envie de les contourner à son tour pour Effacer ces blagues d'adolescents et rendre à zbasu sa pureté originale. Hélas elle avait aussi besoin de la Crypte... Et pour l'heure, réveiller le Gardien, encore à mi-chemin entre deux mondes.
Elle reprit d'un ton pressant :
"Gardien, les rêves... Il faut que vous me guidiez.
-Tu peux prendre le lit dans mon bureau si tu as sommeil. J'ai encore la moitié de la cour à nettoyer, cela te laisse le temps de te reposer."
Bon-Pha s'exhorta au calme. La Reine Rouge avait embrouillé et joué avec les fils de la Réalité et la violence ne résoudrait rien. Elle avait besoin de la collaboration du Bibliothécaire, Gardien des Rêves, Maître des Clés et des Mots, qui pour l'heure ne pensait qu'à balayer sans se presser en prenant le soleil.
Mais puisqu'elle n'avait plus le choix... Elle glissa quelques mots à l'oreille du Gardien dans la langue sacrée, des mots qui ne devait jamais être prononcé. Le vent se leva, les nuages cachèrent les soleils, et les chaman des alentours ressentirent la longue plainte du Khanat. Le Gardien cligna des yeux, et son attention se fixa soudain avec acuité sur la prêtresse, qui ne put retenir un frisson. Il lui sourit avec bonhomie, mais elle sentait le pouvoir qu'elle venait de réveiller et espérais qu'il serait bien de son côté cette fois-ci.
"Si ce que tu dit est vrai... commença-t-il. Mais tu ne m'a encore jamais menti. Combien de personnes et que te faut-il ?
-Sept, dont moi. Nous devrions nous suffire, du moment que nous arrivons au même endroit. Et, heu... ça n'a pas une très grande importance, mais si je pouvais garder mes vêtements ce coup-ci... C'est que j'ai quand même un statut à représenter.
-Tu ne trouve sur place que ce que tu amène et ce que tu t'attend à trouver. Je ne suis pour rien dans cette histoire d'habits.
-Hum. Allons-y."
Bon-Pha s'écarta tandis que le Gardien traçait avec son balai cercles et arabesques, soulevant la poussière selon des motifs complexes qui scintillaient dans l'air. Elle admira sa maîtrise de la Danse Sacrée, qui plus est exécutée au pied levé avec les moyens du bord. C'était réellement un maître.
La poussière scintilla, retomba, faisant miroiter l'air.
"Maintenant" souffla le Gardien.
Bon-Pha fit un signe à ses troupes. Six Automates de la Police des Rêves sortirent des ombres autour du patio et la rejoignirent. Puis ils passèrent ensemble la Porte des Rêves qui s'était temporairement ouverte sous l'injonction du Gardien.
La poussière finit de retomber. En sifflotant, le Gardien reprit son balayage, l'étalant consciencieusement sur toute la surface de la cour.
Dernier message par Liria - 11 Février 2013 à 14:58:54
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Troisième texte apocryphe attribué à zbasu et toujours secret ...
Extrait des minutes d'une réunion secrète du conseil de la cryte
Class. Doc. LvL #ffffff - Armageddon Security level [Effacement sans sommation de toute personne soupçonnée de croire qu'une telle transcription puisse exister]
SPOIL :
CitationRéf ZZR03ANRT41, Catégorie Ratcu, Classification Loibru.
Eon cycle 0xA0F. activ@tion de l'@udit de sécurité cyclique.
...
*p@rsing "Loibru" project : 100% checksum ok.
*p@rsing "Lojb@n v0.97" project : 0% [sleeping st@te,], dropped p@rsing.
*p@rsing "Rêve" project : 7% cheksum error, retry, checksum error, retry
KERNEL PANIC
[ reboot, KERNEL PANIC, reboot, mode fails@fe ]
*activ@tion du "Aine'Esse'A" security démon.
* instanci@tion d'un sandbox dans une machine virtuelle
Citation* l@ncement de l'agent cognitif d'an@lyse du projet "rêve"
...
* agent cognitif : an@lyse en cours 7% ..
* [p@nic mode] alerte Arm@geddon : prolifér@tion de métast@ses oniriques, propag@tion de rêves ant@gonistes menaç@nt la ré@lité du monde... 8% [ division by zero ][ mode p@nic, reprise sur erreur ] découverte d'un rêve ni@nt la ré@lité de zbasu ..
* Kill -9 sandbox
* Kill -9 machine virtuelle
* format@ge bas niveau, déconnection des impl@nts mémoriels utilisés par la m@chine virtuelle et ordre immédi@t d'incinér@tion priorit@ire.
* instanci@tion d'un second démon "Aine'Esse'A" de sécurité.
Recherches mémorielles : 303 références trouvées sur "métastases" : prolifér@tion de cellules c@ncéreuses suite à une déficience du système immunit@ire... [arrêt sur concept]. Recherches mémorielles sur "système immunit@ire" ... Inférence positive.
Instanci@tion du projet immunit@ire "Police des rêves", priorité @bsolue. Ordre de m@intient du démon "Aine'Esse'A" jusqu'au proch@in checksum du projet "police des rêves".
Extrait des minutes d'une réunion secrète du conseil de la cryte
Class. Doc. LvL #ffffff - Armageddon Security level [Effacement sans sommation de toute personne soupçonnée de croire qu'une telle transcription puisse exister]
Citation*voix masculine hystérique* ...mais ce n'est pas possible, il se fout de nous ... c'est quoi l'étape suivante ? Insinuer que la crypte est issue de son rêve dément ?
*voix neutre colérique* On ne peut plus laisser cela se reproduire, il faut absolument déconnecter les imprimantes mémorielles !
... [ long silence ]...
*voix féminine froide* Il y a un savoureux coté à ce document. *sourire* Gardons cette impression sous le coude, nous disposons à présent d'un formidable moyen de chantage contre la police des rêves *éclate de rite*...
SPOIL :
Spoiler for Hiden:
Dernier message par Liria - 11 Février 2013 à 11:58:54
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Extrait des minutes d'une réunion secrète du conseil de la cryte !
Class. Doc. LvL #ffffff - Highest Security
Class. Doc. LvL #ffffff - Highest Security
Citation... *voix hystérique* Ou alors zbasu est en train de retourner le monde onirique contre nous. Il cherche à nous imposer sa propre version de l'histoire, s'il réussi il viendra de facto le créateur de ce monde, alors alors...zbasu rêve ? Cela ne se peut, cela impliquerait trop de...
Non il vient de passer à l'étape suivante de sa phase post traumatique, il découvre l'humour, oui c'est cela, il nous monte un canular géant...
*long silence*
Quelque soit la vérité, Il est top tard pour colmater les fuites, trop de techno-invoqueurs ont eu ce document entre leurs mains. Le plus simple pour étouffer l'affaire et encore de publier le document en laissant croire à une farce. Personne n'osera croire que nous risquerions de rendre public un tel document s'il était si explosif ! le plus facile pour cacher un secret est de l'afficher au vu de tous
Dernier message par Liria - 11 Février 2013 à 11:53:04
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Second texte apocryphe attribué à zbasu qui aurait été retrouvé sur la même imprimante réformée des implants mémoriels de la crypte.
CitationRéf ZYB25AGRN35, Catégorie Ratcu, Classification Loibru.
Eon cycle 0xFE. Activ@tion du trigger di@lectologique. Dévi@nce anorm@le du p@tch lojban 0.97 par r@pport au méta-pl@n initi@l. Inst@nciation du démon cognitif et mise en corrél@tion des données.
F@ctum : Cont@mination sémiotique du lojb@n. Env@hissement du champ lexic@l du lang@ge par des morphèmes corrompus issus du ch@mp culturel r@tcus. Combin@isons de lexèmes lojb@n pervertis produisant des modific@tions physiologiques singulières [ Réf XYRZT46 pour la liste exhaustive : modific@tion de la pression s@nguine, accélér@tion de la respir@tion , ré@justement des muscles faci@ux, Actions belliqueuses.. ]. Progression exponentielle de la perversion corrod@nt le signifié systémique du lojb@n
Identific@tion de la ch@îne « c@use-effet » : détection de m@rqueurs émotionnels l@kne issus d'unions cognitives et de stimuli forts proven@nt d'associ@tions mnésiques ayant pour origine un p@ssé collectif à la r@ce.
Tr@itement : Recompil@tion des antécédents culturels r@tcus. Applic@tion de contre-références et reformul@tion des mythiques : tr@iter l'histoire r@tcus par suppression des manifest@tions indésir@bles, rationn@liser les processus ment@ux affectés.
Mise en œuvre : Echec des recherches mémorielles : statut "kat sans kat", aucun pack@ge "histoire neutre" applic@ble.
* Extension de la recherche : cré@tion d'un pack@ge "histoire neutre"
De@dlock sur r@cine "cré@tivité", coredump, rel@nce du processus cognitif
* Sous-processus : recherches mémorielles sur "cré@tivité" : cap@cité à donner corps aux rêves par le lang@ge, spécificité r@tcus.
* Mise en œuvre nouve@u sous-projet : cré@tion d'une zone dédiée pour inst@ncier les rêves r@tcus. Mise en œuvre d'expériment@tions des mythes r@ctus à gr@nde échelle. Condition d'arrêt : p@ssé optimal comp@tible avec le p@tch lojban 0.97.