Concept de la lore
Partant avec l'optique de laisser le monde libre, il ne peut y avoir de canon au sens habituel comme c'est le cas lorsqu'il existe une personne ou une équipe qui sert de référence. Cela briderait la possibilité de forks, une notion essentielle du monde du libre, et risquerait de restreindre la créativité et l'inventivité des créatifs, qui pourraient se sentir frustrés de devoir passer à l'étalon d'une groupe référent. Cela desservirait le dynamisme du projet, qui doit pouvoir prospérer selon un modèle libre.
La conception d'un univers sans contrôle est d'ailleurs à la fois extrêmement ancienne et gage de postérité. Les grandes sagas, les mythes antiques, n'ont jamais été sous le contrôle d'aucun groupe et chaque conteur, chaque auteur, était libre de tordre le monde selon ses propres visées. Un exemple évident : Arthur et les chevaliers de la Table ronde. À peine créé, le récit d'origine a connu de nombreux ajouts, fioritures, dérives, et continue de servir de cadre à des projets artistiques plus de 800 ans après sa naissance.
Il est néanmoins nécessaire de prévoir un cadre dans lequel tous ces univers pourraient s'emboîter, s'interpénétrer sans que cela ne remette en cause la possibilité de jouer de façon simple, d'y avoir un avatar qui évolue comme dans d'autres MMORPG commerciaux. Le joueur doit pouvoir se repérer dans un espace de références cohérent, de façon à pouvoir interagir avec le milieu et les autres joueurs de façon réfléchie.
Réfléchir à un méta-univers, qui dépasse le concept du multivers, où de simples plans se juxtaposent sans forcément réfléchir à leur architecture, devrait permettre de résoudre les difficultés et conserver la possibilité de perméabilité constante, d'évolution plutôt que fondation nouvelle. Les réalités offertes par les créations artistiques de tous ceux qui auraient envie d'apporter leur pierre devraient pouvoir être hébergées et avoir une influence, mais sans que cela ne mette en péril l'expérience de jeu, car il s'agit bien de cela aussi au final. Si le niveau de jeu n'est pas une réalité objective, mais une perception subjective, des glissements sont possibles, des évolutions envisageables.
Mais pour cela il faut réfléchir à la façon dont peut se contruire cet univers global, qui n'aurait donc peut-être pas une définition exhaustive à sa création. Jouer sur l'existence d'un canon, à la fois très simple, en devenir et pouvant embrasser un grand nombre de projets futurs, qu'il pourrait accueillir sans être pour autant totalement effacé, seulement enrichi. Repenser et jouer sur la réalité du joueur qui se connecte sur un monde virtuel par le biais d'une interface informatique, en y adjoignant des passerelles de perception (comme des poupées russes qui s'emboîtent) nous semble une piste prometteuse.
Enfin, un aspect important de la viabilité et de la richesse d'un concept libre, c'est qu'il doit, au final, être simple à appréhender, pouvoir être défini aisément, rapidement. Si les zombis de Romero (qui n'ont pas été protégés, pour des raisons techniques, par un dépôt de copyright) ont pu prendre d'assaut tant de médias, c'est parce qu'ils offraient à la fois de larges possibilités en termes narratifs, mais aussi parce qu'ils offraient un concept simple à appréhender.