Dure journée, semblable à des centaines d'autres, à suer dans la chaleur et la poussière. Les exercices, si répétitifs qu'ils en deviennent aliénants, le corps entier n'étant plus que douleur, l'esprit vidé, concentré sur sa seule tâche...
Posé contre les sacs de sable, savourant le peu d'ombre dispensé par une toile, je me suis endormie soudainement. J'entends encore mes compagnons qui s'entrainent et le cri des officiers. Tout ça, au moment présent, ne me touche plus. C'est un brouhaha lointain, qui s'éloigne de plus en plus tandis que le sommeil me prend.
Je rêve que je suis la course du soleil qui descend, allant vers l'ouest. Sous mes pieds le paysage défile, je vois les mirages scintillants se muer en massifs montagneux. Mon esprit file là où ma volonté m'entraine, à toute allure. Un instant, d'étranges bâtiments s'élevant hors du sol attirent mon attention, puis tandis que je m'approche, c'est la vue d'un amas de rochers déchiquetés qui m'arrête, qui m'entraine... J'admire les détails étonnamment précis qui se présentent à ma vue tandis que ce que je prenais pour un rocher se révèle une montagne. Que le monde est beau, dans cette fin d'après-midi. Sous moi, le sable continue d'exhaler sa chaleur, mais déjà on sent les odeurs d'une végétation inconnue d'où je vient : plus d'eau, plus de vie, plus de vert. Les plantes s'accrochent, encore sèches mais portant déjà en gestation la promesse d'une exubérance bien différente du désert.
Une ombre me survole et je contemple un étrange véhicule. Silencieux, ses deux ailes fixes glissant dans les thermiques de fin de journée, il doit voir le monde comme moi dans mon rêve, à la fois lointain et accessible.
J'ai envie de le suivre, de voir s'il me mènera à la mer, que je n'ai jamais vu. J'ai envie de voir les paysages que me réserve le reste du voyage...
Une voix me tire brutalement du sommeil, je me sens tirée en arrière avec violence, et je réintègre mon corps avec l'impression qu'on m'a brisé les ailes. Mon sergent-chef me hurle dessus. Quel idée de s'endormir alors que la journée n'est pas terminé !
"Tire-au-flanc, feignasse !"
Les insultes pleuvent tandis que je tente de faire l'appoint. Avant d'avoir vraiment réussi à revenir au moment présent, je me retrouve au mitard. Pas d'indiscipline ici.
Ce n'est qu'un trou creusé à même le sol, nauséabond et trop petit. J'ai du prendre un coup de chaud à dormir à même le sable dans la chaleur de l'après-midi. Je me sens mal, fiévreuse et bien vite complètement malade. Les deux jours dans ce trou minable passent sans que je les voient, pourtant chaque minute semble s'étirer interminablement.
On finit par me tirer de là. Vacillante, je cligne des yeux dans la lumière du matin. Les dalles de l'acropole sont déjà brulantes. Il n'y a que mon sergent-chef ; je suis bien trop groggy pour bien comprendre ce qui se passe. Mais on m'a formé à obéir, obéir sans rien dire, sans chercher à se dérober, et j'obéis.
Au pas sur les dalles brûlantes, pieds nus. J'ai envie de sautiller jusqu'à l'ombre pour me soustraire à la chaleur. Je sais pourtant qu'il faut subir la brimade jusqu'au bout, sous peine de retourner dans le trou. Un pas, deux pas. Jamais ce chemin ne m'a paru plus long. Et ce n'est que le matin, les dalles ont tout juste commencé à chauffer. Enfin la Domus, la fraîcheur bientôt, enfin du moins un peu moins de chaleur...
Je vois alors ce que me tend mon sergent-chef. La cape du Rite. Ce n'est pas le jour ? Je ne suis pas prête. Trop malade et puis j'ai peur. Même si je ne sais pas exactement en quoi ce rite consiste en dehors du fait qu'il me consacrera comme adulte, citoyenne et guerrière, je sais qu'il sera dur, car tous ces mois d'entrainements n'ont été là que pour nous préparer à y faire face.
Je regarde mon sergent-chef, me demandant comme souvent quelles sont ses intentions à mon égard. Me faire marcher sur les dalles brulantes après le mitard était cruel, mais pas autant que s'il avait attendu la fin de la journée ; a-t-il voulu m'épargner ou m'humilier ? Me faire passer le rite maintenant est tout aussi ambigu. C'est autant un honneur qu'une farce cruelle. Je pense aux saveurs iodés de la mer que j'ai senti dans mon rêve. Soudain cela m'apparait comme une évidence. Je ne veux plus être ici.
-Je veux partir, je murmure.
-Comment ? gueule le sergent.
Impossible encore une fois de savoir s'il pose la question parce qu'il ne m'a réellement pas entendu, ou parce que ma déclaration n'est pas acceptable.
Je pense à ceux qui sont liés à une croix sous le soleil du désert, ceux qui ont échoué. Je ne suis pas sûre que je puisse renoncer, du moins pas sans en payer un prix terrible. Je tend la main et prend la cape, puis le suit à l'intérieur de la Domus. Je partirai, je le sais à présent... mais avant ça, je dois survivre au Rite.
Spoiler for Hiden:
Franchement, je ne sais pas trop ce que ce texte veut dire, où il se place et je ne suis même pas sûre de qui est le narrateur. D'ailleurs c'est écrit au féminin, mais c'est juste parce que j'avais envie ; l'histoire originelle était très floue sur le sujet. Elle l'était beaucoup moins sur la description du paysage, lors du rêve, ou de ce à quoi ressemblait les dalles, et la tête du sergent, mais je n'ai pas trouvé les mots pour rendre ça. J'ai fait comme j'ai pu
C'est juste un rêve de la nuit, et je lui ai trouvé une saveur khanatienne dans ses montagnes et son sable... alors, pourquoi pas le partager ici et voir ce qu'il pourra faire naître !