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Poussière de rêve

Zatalyz

Bon-pha marchait à vive allure vers le repère du Bibliothécaire. Cette fois la Crypte avait dépassé les bornes. Qu'est-ce qu'ils s'imaginaient ? Qu'ils étaient les seuls à écouter et influencer zbasu ? Qu'ils pouvaient décider seuls de l'évolution du Khanat ?

La colère enflammait la Prêtresse. Elle avait jusqu'à présent toléré les petits jeux et l'impertinence de la Reine Rouge ; après tout, ça mettait un peu de piment dans la partie. Mais il était temps de lui rappeler que certaines limites ne devaient pas être franchies.

Elle traversa les rayonnages de la Bibliothèque au pas de course, indifférente aux ombres qui s'agitaient dans ses pas et aux regards effrayés des Rats dont elle croisait la route. Trouver le Gardien n'était pas toujours évident. Il avait un don pour sentir venir les ennuis et se rendre alors introuvable. Elle finit par s'arrêter, hors d'haleine, se retourner, tendre la main dans une poche d'ombre et en sortir un automate au masque sombre et terrifiant.
"Trouve-moi où il est !" cracha Bon-pha, la panique lui faisant perdre son légendaire contrôle.

L'automate repartit dans les ombres comme s'il n'avait jamais existé, puis réapparut quelques instants plus tard, murmurant quelques mots à l'oreille de la prêtresse de la propagande. Un sourire ironique éclaira le visage de cette dernière.

"Petite maligne, murmura-t-elle. Mais tu n'as pas pu tout prévoir."

Elle repartit dans l'autre sens jusqu'à arriver à une petite cour éclairée par les soleils. Un rat était là, semblant s'endormir sur son balai. Bon-pha scruta la scène, se passant nerveusement la langue sur les lèvres. Sans ombre, elle allait être à découvert quelques temps... Mais la Crypte ne pouvait pas avoir déjà autant de pouvoir.

Elle s'approcha du rat, laissant sa garde invisible prendre possession des ombres autour du patio. Il se retourna en l'entendant approcher, souriant calmement, comme indifférent à son rang :
"C'est une belle journée, n'est-ce pas ?
-Hum. Gardien, comment vont les Rêves ?"
Il la regarda d'un air surpris. Délicatement elle lui enleva le balai qu'il tenait toujours entre ses mains, puis reprit :
"L'Art du Balai est une noble discipline, mais, comment dire... Vous pourriez l'envisager de façon plus métaphorique.
-C'est un cadeau de Xunno'i. Un excellent balai, bien équilibré.
-Ça ne m'étonne pas d'elle."

Bonp-Pha soupira. Il fallait jouer selon les Règles, car c'était les Règles qui maintenaient le Khanat en un seul morceau. Mais parfois elle avait une folle envie de les contourner à son tour pour Effacer ces blagues d'adolescents et rendre à zbasu sa pureté originale. Hélas elle avait aussi besoin de la Crypte... Et pour l'heure, réveiller le Gardien, encore à mi-chemin entre deux mondes.

Elle reprit d'un ton pressant :
"Gardien, les rêves... Il faut que vous me guidiez.
-Tu peux prendre le lit dans mon bureau si tu as sommeil. J'ai encore la moitié de la cour à nettoyer, cela te laisse le temps de te reposer."

Bon-Pha s'exhorta au calme. La Reine Rouge avait embrouillé et joué avec les fils de la Réalité et la violence ne résoudrait rien. Elle avait besoin de la collaboration du Bibliothécaire, Gardien des Rêves, Maître des Clés et des Mots, qui pour l'heure ne pensait qu'à balayer sans se presser en prenant le soleil.

Mais puisqu'elle n'avait plus le choix... Elle glissa quelques mots à l'oreille du Gardien dans la langue sacrée, des mots qui ne devait jamais être prononcé. Le vent se leva, les nuages cachèrent les soleils, et les chaman des alentours ressentirent la longue plainte du Khanat. Le Gardien cligna des yeux, et son attention se fixa soudain avec acuité sur la prêtresse, qui ne put retenir un frisson. Il lui sourit avec bonhomie, mais elle sentait le pouvoir qu'elle venait de réveiller et espérais qu'il serait bien de son côté cette fois-ci.

"Si ce que tu dit est vrai... commença-t-il. Mais tu ne m'a encore jamais menti. Combien de personnes et que te faut-il ?
-Sept, dont moi. Nous devrions nous suffire, du moment que nous arrivons au même endroit. Et, heu... ça n'a pas une très grande importance, mais si je pouvais garder mes vêtements ce coup-ci... C'est que j'ai quand même un statut à représenter.
-Tu ne trouve sur place que ce que tu amène et ce que tu t'attend à trouver. Je ne suis pour rien dans cette histoire d'habits.
-Hum. Allons-y."

Bon-Pha s'écarta tandis que le Gardien traçait avec son balai cercles et arabesques, soulevant la poussière selon des motifs complexes qui scintillaient dans l'air. Elle admira sa maîtrise de la Danse Sacrée, qui plus est exécutée au pied levé avec les moyens du bord. C'était réellement un maître.

La poussière scintilla, retomba, faisant miroiter l'air.
"Maintenant" souffla le Gardien.
Bon-Pha fit un signe à ses troupes. Six Automates de la Police des Rêves sortirent des ombres autour du patio et la rejoignirent. Puis ils passèrent ensemble la Porte des Rêves qui s'était temporairement ouverte sous l'injonction du Gardien.

La poussière finit de retomber. En sifflotant, le Gardien reprit son balayage, l'étalant consciencieusement sur toute la surface de la cour.
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Liria

Concentrée devant le miroir magique du coffret Taki'Nux, la reine rouge s'adonnait en secret à son péché mignon dans l'une des plus secrètes cellules de la crypte. Elle jouait avec "Traitrise", un ghost qui satisfaisait son obsession du rangement ritualisé. Des formes dénommées affectueusement "rats", qu'elle attifait de noms des membres de la police des rêves, étaient amoureusement attirées vers le bas. Elle les retournait, les manipulait puis les emboitait d'un mouvement jubilatoire, jusqu'à atteindre le point culminant, former une trame, une ligne parfaite, dont elle observait distraitement l'inéluctable annihilation en poursuivant son œuvre. Parfois son œil avide s'attardait sur un vide, espace indicible appelant silencieusement à être comblé par ces soins pour finalement disparaître en ineffable extase.

Le bruit de l'artefact zbasu la ramena soudain à la réalité, provoquant chez elle une tension inhabituelle. Son sang se glaça alors qu'elle observa l'invraisemblable : l'imprimante prédictive zbasu se mettre en fonction et cracher son improbable rapport sur les causalités. D'une main tremblante elle ramassa les cartes perforées à peine éjectées par l'imprimante puis s'élança dans le dédale de couloirs menant à la salle rouge.

En y entrant, elle évita soigneusement de croiser leurs regards et demanda immédiatement au technicien implanté :
« Où est-elle ? ».
Le visage déjà livide de ce dernier pâlit alors qu'il bégayait une réponse :
« elle a disparu, plus aucun capteurs mémoriels n'enregistrent sa présence, je tente d'invoquer.. ».
Elle lui coupa immédiatement la parole :
« Elle l'a donc fait, elle l'a osé, elle a traversé la porte ... ».
Elle ne put s'empêcher de frissonner lorsque la voix androgyne du valet noir cisela l'air de mots aux formes anguleuses, puis laissa le silence s'insinuer dans chaque recoin de la salle du conseil :
« Nous vous avions prévenu, il y a des limites que mêmes les puissances ne peuvent franchir ».
Un éclair de rage traversa la reine rouge, une farouche envie de balayer cette fratrie figée dans leurs modèles de pensées binaires, incapables de rêveries créatrices. Un fugace instant la tentation fut grande de basculer chez ..., mais elle se reprit déposant au vu de tous le rapport sur les causalités holistiques sachant pourtant que le pire était à venir.


A suivre...
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Liria

La peur lui tiraillait le ventre. l'As gris qui s'était emparé des cartes du rapport les retournait une par une, les étalant au centre de la table. Le jeu qui se dévoilait ainsi était sans appel. La précision mécanique et froide des gestes de l'As gris faisait un contre-point à l'effroi qu'elle sentait s'insinuer sous tous les pores de sa peau. Des entrelacs de droites arrondies, des courbes aux lignes brisées se jumelaient sous leurs yeux. Les lignes révélaient peu à peu un avenir causal nouveau, dévoilait...

La reine rouge frappa du point sur la table la table, brisant le délicat agencement de cartes :  « Il a changé ! Comment cela se peut-il ? ». Le Roi d'heure repris de sa voix d'infatuée corrigeant une élève dissipée :
« L'effet quantique zbasu est déterministe. la précision de la mesure d'un paramètre entraîne une incertitude sur les autres paramètres. C'est la raison du flou du passé, de son indétermination. Cela est intrinsèquement lié à notre mesure du futur. L'incertitude du passé garantit l'invariabilité de notre avenir. Celui-ci ne peut changer. »

La reine rouge fixa le roi d'heure des yeux forçant le silence. Qui pouvait imaginer le maelström d'émotions antagonistes qui menaçaient d'exploser sous ses traits impassibles. Laisser transparaître une infime parcelle en ce lieu lui serait fatal. Pourtant sa peur refluait peu à peu. Une horreur sereine la remplaçait, celle de la condamnée devant l'inévitable. Elle avait brouillé les cartes, réussi à focaliser leur attention sur cette impossibilité. Une impossibilité qui pourtant scellait son destin.

La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »


A suivre ....

Note de lecture :
Spoiler for Hiden:
Développement de l'idée : application des lois quantiques à l'univers du temps. La mesure précise du futur rend incertaines celle du passé. [ si l'on monte d'un niveau de perception, cette mesure est propre à l'ordinateur quantique qui doit calculer en permanence l'étape suivante (futur) du déroulement de la simulation]. C'est pour cela que le passé est incertain, qu'il change et est sans cesse réécrit. Intuitivement les puissances du monde ont compris cela  et maintiennent le statu quo. Ce statut qui garantit leur pouvoir car les grandes lignes du futur sont invariables. Ces grandes lignes définissant le futur doivent être vues comme des rapports de force. Le détail d'un individu n'est pas mesurable. Car si on applique ce même raisonnement, la mesure globale de l'avenir [rapports de forces] rend toute mesure au niveau local [individu] incertaine. Une puissance comme la reine rouge constitue une force globale du système, à contrario de la personne derrière peut changer sans que cela impacte le rôle de reine rouge.
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Liria

Suite :

... La sentence ne se fit pas attendre. Elle tomba aussitôt comme un couperet. Cette fois la voix de l'As Gris donna l'impression que chaque mot prononcé s'enflammait avant de suinter dans l'espace au-dessus de leur tête. « Le futur ne laisse aucun place à une reine rouge. »

Brutalement, dans un spasme de souffrance Xunno'i émerge à la conscience. En pleine confusion et sentiment d'urgence elle reprend, muscle après muscle, le contrôle de son corps. Un à un, elle traque, réinitialise, désactive les asservissements endommagés, les archétypes comportementaux pétrifiés de la reine rouge. Ses pupilles tentent d'accommoder. Son esprit embrasse alors la scène prenant la mesure de la situation. Des chaises crissent, des regards se croisent, de bustes s'inclinent légèrement, d'autres regards se dérobent à elle. Sous ses yeux les cartes du jeu sont redistribuées. Le pouvoir de la reine rouge se désagrège comme un château de cartes. Un réagencement du centre de décision s'opère par la recomposition des cartes maîtresses autours du nouveau centre de gravité : l'As Gris.

Une bouffé d'émotions menace soudain de l'emporter. Elle peine à assimiler entièrement la personnita de la reine rouge. Des boucles réflexes comportementales qu'elle n'arrive toujours pas à discriminer de ses émotions la plonge dans des états de confusions mentales. Le déclenchement du mode panic suivi de l'effondrement de la personnita est survenu dans le pire des lieux possibles. Ses rêves secrets se retrouvent exposés au cœur du dispositif le plus contrôlé de la crypte. Xunno'i concentre ses pensées sur une image anodine. Elle tente de relancer la strate externe de la personnita reine rouge. Il lui faut absolument continuer à masquer ses desseins à l'œil de zbasu. La routine provoque un tremblement incontrôlé de sa joue gauche. D'abord effrayée, Xunno'i respire à nouveau. Les autres cartes ont assimilé ce tic à une simple manifestation de la défaite de la reine rouge. Dans l'urgence elle finit par assembler une ligne élémentaire de pare-feu et reconstitue la façade émotionnelle de la personnita.

Xunno'i souffle mentalement. Elle Dispose enfin d'un court répit face aux démons de sécurité zbasu. Il lui faut croire que ses derniers instants de confusions seront mis sur le compte de la déroute de la reine rouge par les algorithmes d'audit. Au travers des filtres de pensées de la personnita élémentaire, Xunno'i tente frénétiquement de décortiquer les attitudes des membres du conseil : le contentement du roi d'heure qui croit son heure arrivée, l'agacement du valet noir au regard de la nouvelle position de l'As, l'attentisme de... Accablée, Xunno'i abandonne cette voie d'investigation sans issue. Angoissée à l'idée que son pare-feu lâche prise en ce lieu, elle essaye de raccorder dans l'urgence les boucles cognitives, de corriger les strates comportementales en déroutes de la reine rouge. En même temps elle explore fébrilement sa mémoire récente à la recherche des pièces manquantes du puzzle. Comment la situation a-t-elle ou dégénérer à ce point ? Mais ses pensées dérivent dangereusement vers le passé, vers une contré fleurie à la limite des frontières, loin de cette sombre et effrayante machinerie à broyer les âmes. Tandis qu'elle se démène avec acharnement à comprendre, des scènes affleurent à la surface de sa mémoire. Un doigt qui se tend à travers les brumes ; des yeux qui se regardent ; un sourire qui chantonne une promesse inavouée ; une pensée qui éclot, puis le doigt ramenant un papillon féerique qui s'envole, virevolte dans une poésie de couleurs. Des pans entiers de sa mémoire resurgissent, des images d'un rêve. Oh Illion, mais pourquoi as-tu traversé la porte ? A quoi rêves-tu là-bas ? Pourquoi le...

Soudain la reine rouge éclata d'un rire tonitruant. Cette hilarité provoqua une onde de confusion qui se propagea de carte en carte. L'éclat de rire chamboulait l'équilibre des forces de la salle rouge. Xonnu'i lâche un cri de souffrance muette lorsque la nouvelle boucle cognitive qu'elle vient de relancer mutile sa conscience. Une idée a resurgit du tréfonds de sa mémoire. La dernière pièce du puzzle c'est enfin assemblée. Xonnu'i libère la personnita restaurée et augmentée de cette connaissance. Rationnellement elle comprend le mécanisme d'effacement derrière la reine rouge, l'écrasement de ses affects propres par les processus cognitifs de la personnita. Mais son moi s'agrippe, sa conscience résiste farouchement aux boucles d'asservissement, à cette petite mort programmée. Elle veut être, elle veut voir... La reine rouge se cala contre le dossier du fauteuil, parcourant l'assemblée des présents. Elle observait avec délectation le doute et l'incertitude s'installer. Elle sentait la peur naître chez ceux qui avaient trop vite retourné leur carte, le soulagement des attentistes toujours en course, les questions informulées...

Le Dix de Der sentit son pouls s'accélérer. Il tourna son masque vers les membres de la fratrie, cherchant l'origine de cette sensation. Tous le fixaient, suivant en cela le regard enjoué de la reine rouge.

 « Qu'en est-il du dormeur ? »

Le Dix de Der resta un moment interloqué devant l'incongruité de la question. Ses implants analytiques classifiaient déjà toutes les informations sur le légendaire premier Khan. Son département était en charge la sécurité démonique de bunker du dormeur. Pourtant Il ignorait toujours la raison de sa mise en state, du figement des processus cognitifs du dormeur par les puissances. Le Dix de Der était pourtant convaincu d'une chose : le formidable dispositif de sécurité n'était pas dirigé vers une menace extérieure. Furieusement, il se mit à compulser les quelques lignes anodines de la biographique classifiée du premier Khan. Il redoutait de devoir prendre position dans une bataille de pouvoir dont les tenants lui échappaient :

Citation« Issu d'une contré à la limite des frontières, Le premier khan au nom poétique de ****** se distingua très tôt par sa formidable capacité à raconter l'histoire. Au sein même du palais de Vai'A'Tua sa verve fixait les mythes, insufflait la vie aux ******. Sa volonté de conter projetait l'imaginaire collectif vers un futur... »

La reine rouge enchaîna immédiatement sur sa valse de déstabilisation, elle savait qu'elle ne pouvait laisser les cartes pousser plus avant leurs réflexions. Son apparente assurance lui avait redonné un semblant de pouvoir. Le moment délicat approchait, Elle retourna de nouvelles cartes du rapport sur la table, craignant que ces courbes démentent ses affirmations :

« Les lignes causales ne sont même pas encore complètement stabilisées. Qu'est ce qui vous fait croire que votre pouvoir perdurerait ? L'inaltérabilité du futur est une constante de notre univers, du pouvoir des puissances et pourtant elle...une puissance vient d'infléchir sa direction, pourquoi s'arrêterait-elle à la reine rouge ? »

La reine rouge ménagea ses effets quelques instants, laissant le doute ronger ces cartes avides de pouvoir. Elle venait de frapper au cœur de leurs peurs primales

« Chaque instant est vital, on ne peut laisser le futur se figeait dans une équilibre qui nous serait défavorable. Nous ne pouvons même plus prendre le risque de le laisser redevenir immuable. Il faut stabilité des éléments du passé, rendre son incertitude à la mesure de l'avenir. »
La reine rouge pointa le Dix de Der : « Retirez les sécurités du bunker au dormeur, qu'il revienne à la vie et reprennent son œuvre d'écriture, de fixation du passé »

Xunno'i supporte avec stoïcisme l'écrasement des derniers éléments de sa personnalité. La dernière boucle d'asservissement achève le travail d'amputation de ses émotions, mutile avec la précision d'un scalpel ses rêves. Pourtant un sourire transparaît. Il flotte encore quelque temps enveloppant un pensée hérétique, un pensée laknée en ce lieu : le futur n'est plus immuable, l'incertitude règne à nouveau, il existe enfin une chance pour que ...

D'un mouvement froid et assuré d'automate, la reine rouge se releva et se dirigea vers la sortie. En arrivant devant la porte elle se retourna et lança à l'As Gris d'une voix et sèche sans appel : je veux un rapport et en temps réel de ce que fera Bon-Pha dès qu'elle repassera la porte, mais surtout du dormeur. Une étincelle d'émotion apparut cependant derrières ses pupilles alors qu'elle se dirigeait vers la plus secrète cellule de la crypte, reprendre son jeu favori, s'adonner clandestinement à son péché mignon « traîtrise ».
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Zatalyz

Le monde fluctuant des Rêves se déformait sous les pas de Bon-pha. Elle savait, tout au fond d'elle-même, que le temps se perdait dans sa relativité ici, mais le sentiment d'urgence qui l'étreignait la ralentissait à chaque pas. Connaître les règles ne suffisait pas à les contourner.

Elle s'exhorta au calme encore une fois, tentant d'oublier le temps qu'elle perdait. La présence des Automates était une bulle de rationalité qui lui permettait de se rattraper sans se perdre dans le Rêve. Dans cet espace où la moindre pensée pouvait prendre corps, se laisser aller à ses angoisses était la pire chose à faire. Le paysage autour changea à nouveau, le Bois de l'Éternel Attente devenant le Désert de l'Insatiable Désir. L'apparition des dunes sombres aux courbes voluptueuses déstabilisa Bon-pha, qui un instant oscilla sur l'abîme de ses Souvenirs. Mais c'était un territoire bien trop dangereux à arpenter à présent, surtout avec la compagnie qu'elle avait, et elle n'y trouverait rien d'utile... pas encore. Elle se força à faire un pas, avançant sans regarder le paysage, ignorant les créatures fantasques qui approchaient. Elles avaient joué autrefois dans ses contrées, faisant jaillir des sources par leurs éclats de rire, ou bien c'était les sources qui les faisait rire... Peu importait, elle se rapprochait. L'Arche Ultime était là.

Elle jeta un coup d'œil à sa garde, contrôlant leur position. L'hexagone qu'ils faisaient autour d'elle était une protection parfaite contre l'œil de la Crypte et les perturbations oniriques ; la perfection de la figure devait rester intacte jusqu'à ce qu'elle soit protégée par la Grotte des Réalité. Ce serait alors un moment délicat.

Ne pas penser à ça, avancer, pour ne pas susciter des cauchemars qui la retarderait encore, voir pire, vu la puissance qu'elle avait fait entrer dans le monde des Rêves... faire déborder les cauchemars en question dans le Khanat...

Ne pas penser à ça ! Ce n'était pas une tentacule sur le bord du chemin, juste un serpent endormi, ah non pardon, une sorte de liane... non, non, juste une ombre, un jeu de lumière... L'un des Automates sortit une gomme de sa poche et effaça l'ombre qui se tordait sur le sol. Il y avait des avantages à avoir les meilleurs outils de la Police des Rêves.

Des avantages, mais pas seulement, pensa Bon-pha tandis qu'ils franchissaient l'Arche Ultime. Elle sentit le regard des Automates sur elle, et garda le masque impassible, retenant son cœur de louper un battement. Encore quelques pas...

La Grotte des Réalités était là, enfin. Ses parois miroitantes reflétaient les pensées les plus intimes de Bon-pha... mais c'était là un des plus grands avantages de sa fonction, son masque et ses pensées n'avait pas besoin d'être caché de la Ville, étant leur exacte reflet. Tant que la Grotte ne reflétait que Bon-pha... Pris entre deux miroirs, les Automates commençaient à surchauffer mais pour le moment, continuaient de canaliser l'énergie.

Ce qu'elle s'apprêtait à faire était complètement fou... Mais elle ne laisserait pas la Reine Rouge gagner, détruire... Oui, il n'y avait qu'une solution possible.

Elle savait que sa présence au cœur du Rêve était des plus perturbatrice. Habituellement, lorsqu'il fallait se rendre ici pour corriger un Rêve Non Autorisé, elle était seule, et restait le minimum de temps. La présence des Automates amplifiait la Puissance qu'elle canalisait.

Elle marcha à pas lent vers le Puit des Âmes au centre de la Grotte. C'était la porte de sortie mais aussi la Source du Pouvoir. Tandis qu'elle s'approchait, elle sentait les ondes de probabilités fluctuer et transformer le Khanat. Sa peau frémissait sous l'énergie extraordinaire qui se dégageait de l'affrontement de forces opposées. C'était comme tenter de réunir zbasu et lakne. En fait, c'était un peu ça. Un coin de son esprit, relié par la Symbiose au reste de l'univers, entendait l'agitation dans la Crypte, la perturbation des lignes de destinées. Elle percevait aussi la souffrance des Automates dont les fonctions commençaient à lâcher sous l'assaut de l'énergie qui les traversaient.

Elle laissa froidement échapper une pensée qui virevolta dans l'esprit mécanique des Automates avant qu'ils ne soient dissous dans le maelström, leur destruction ajoutant un surplus de pouvoir à l'opération.

"Il ne peut y avoir aucun témoin."

Même pas la Ville. Pas pour cette fois. Elle serait seule à rentrer... ou ne rentrerait pas du tout.

À présent tout son corps et son âme n'était que douleur. Quelques secondes avant qu'elle ne se fasse effacer à son tour... Elle s'accrocha à l'écho des rires d'autrefois, à la fraîcheur d'un baiser, au trouble d'un mot. Il fallait qu'Elle se réveille, juste quelques instants, ou alors elle devrait détruire la Reine... les conséquences en seraient terribles. Mais juste quelques instants, pour une minuscule impulsion, presque rien dans le flux apocalyptique du moment, le souffle d'une aile de papillon qui passerait inaperçu dans la tornade de changement qu'elle imposait au Khanat... Un instant, elle crut l'entendre...

Il fallait en finir avant qu'il soit trop tard. Bonpha se laissa enfin basculer dans le Puit des Âmes, goûtant un instant à l'Oubli, à la Mort...

Elle se réveilla dans une position mal-commode, avachie sur un des bonsaï du Prieuré. Elle se hâta de se redresser, regardant avec attention si personne ne l'avait vu dans cette position. Après ce qu'elle venait de traverser, elle n'avait pas le cœur à effacer un témoin malencontreux. Heureusement le lieu était actuellement désert.

La Police ne mit pas longtemps à la retrouver. La présence familière la rassurait autant qu'elle l'angoissait. Avaient-ils perçus ces dernières pensées ? Gardant son masque impassible, sa stature hiératique, elle restait attentive au moindre indice. Mais, non... Rien. Ce n'était pas encore pour aujourd'hui qu'elle serait démise de ses fonctions.

Tandis qu'elle regagnait le Temple, un rapport lui parvint. Un sourire froid éclaira ses traits. Le Dormeur s'éveillait.

Et derrière le masque imperturbable de Bon-pha, Illion savourait les éléments qui venaient d'être ré-alignés. Le temps que les Puissances se concentrent et agissent sur la révolution enclenchée par leur petite danse, la phase suivante suivrait son cours sans que personne ne la voit, avant qu'il soit trop tard.

Parfois, ce boulot pouvait être tuant. Mais ça valait quand même le coup.
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Vaiatua

La fréquence du Bunker résonnait de voix atones.

« Procédure cryptique 097 enclenchée. Retrait du cathéter en cours »
« Procédure cryptique 027 programmée. Actualisation de la Symbiose du Sujet. »
« Application du patch correctif S6.74.20. »
« Procédure cryptique 041 amorcée. Extraction du Sujet en cours. »

Le contact de l'air aseptisé de la pièce fit ondoyer le fin duvet de la créature. La laissant s'habituer à son nouvel environnement sensoriel, plusieurs avant-bras se glissèrent sous son corps avec délicatesse et la sortirent progressivement de son caisson ovoïde avec une froide méticulosité. Des mains la manipulaient avec précaution, afin de l'installer dans une posture qui réclame le moins possible d'énergie à son fragile organisme.

« Phase 4 du protocole Veilleuse initiée. »

Les yeux de la créature s'entrouvrirent et ses pupilles se dilatèrent dans la pénombre de la salle. Ses membres ankylosés demeuraient immobiles dans une indicible mollesse mais son esprit se déployait, débarrassé de sa camisole chimique. Les sillons que les cycles avaient creusés dans sa chaire laissaient suinter le liquide nutritif dans lequel elle avait baignée. Ses yeux fouillaient à présent l'obscurité au dessus d'elle. Plusieurs êtres non symbiotiques l'observaient silencieusement. Leur physionomie lui était inconnue. Comme engourdie, sa pensée mit quelques secondes à s'élever au-dessus du flux d'information véhiculé par les symbiotiques du Khanat. Une suite logique s'imposa bientôt à la créature : « Automates de classe 1 assignés à la Crypte ». Une main finement articulée traversa son champ de vision pour venir éponger son front moite. La créature put contempler à loisir le chef d'œuvre biotechnologique que constituait cette forme de vie artificielle.

La créature forma mentalement une question, la laissant être assimilée par le flux avant d'analyser les occurrences dans les réponses générées. Le vai'a'tua était actuellement occupé. Le point de basculement du régime n'était pas encore atteint.

La luminosité ambiante s'accentua. Sur la fréquence du Bunker, une voix monocorde énonça : « Création d'un nouvel accès à la base de donnée cryptique. Identifiant : Dormeur. Veuillez entrer votre mot de passe. »
Quatre avant-bras articulés se glissèrent doucement sous le dos et la nuque de la créature, la maintenant en station assise tandis qu'un écran lui était présenté. Au prix d'un effort considérable, elle parvint à prendre le contrôle des muscles atrophiés de son bras droit, de son poignet, de sa main et de ses doigts afin de composer un code confidentiel.
« Nouvel accès généré. Statut invisible verrouillé. »

Le Dormeur sentit le flux se canaliser. Les niveaux d'autorisation se déverrouillaient les uns après les autres. L'analyse se faisait plus incisive au fil du processus d'assimilation des données. Les strates de sécurité complexes pour confiner le Bunker ne le surprirent pas. Il fit défiler les notes de service des administrations du Khanat. Confronter ses institutions gardiennes n'était pas à l'ordre du jour. Sa première mesure serait certes une mesure d'urgence mais ne précipiterait pas inutilement le point de basculement. La rédaction ne devait d'ailleurs jamais se muer en tâche précipitée. Il s'agissait d'une réalisation fondamentale. Son œil aguerri repéra aisément les récurrences signifiantes dans les myriades de données inventoriées. Il entrouvrit les lèvres et les humecta avant de prononcer ses premières paroles sur la fréquence du Bunker.

« Ordonnance de procédure d'interpellation du chaman répondant à l'identifiant de Bibliothécaire. Motif : Création non référencée d'une porte des rêves. Ordonnance de dépôt d'un recours après application de peine standardisée. Motif : Conscription du détenu par la Crypte. Invocation de l'accréditation suprême. Motif : Sécurité Impériale. Demande d'affectation du détenu au protocole Veilleuse. »

D'une légère modification de son faible tonus musculaire, le Dormeur signifia aux automates qui le soutenaient qu'il lui fallait reprendre du repos. L'étendant dans une posture plus économique pour son organisme, les avant-bras articulés se désolidarisèrent de son tronc, laissant les chaires molles s'avachir confortablement. La luminosité s'affaiblit peu à peu et la fréquence d'émission passa en subvocale. La Phase 5 du protocole Veilleuse venait d'entrer en vigueur. Plusieurs automates pénétrèrent dans des alcôves de stase, laissant leurs confrères, chargés de la maintenance, travailler en silence.

Les yeux clos, le Dormeur entama son premier cycle de sommeil. Lorsque l'activité électrique du cortex ralentit, les automates de maintenance entamèrent leur analyse des ondes delta. Chaque fluctuation était minutieusement mesurée et classifiée dans la base de donnée du Bunker. Le premier créateur renfermait un secret dont la portée était encore inconnue. Aucune étude n'avait encore permis d'appréhender la disparition des rêves dans l'évolution d'une espèce ratique. Mais bientôt, pour la première fois, un rêveur allait être intégré au protocole. Bien qu'ils ne connussent que l'indifférence, les automates de maintenance ressassaient cette nouvelle donnée en un bavardage fragmentaire dont la boucle absurde évoquait un lent processus d'assimilation.
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Vaiatua

Parvenu au niveau infrA de la ville, il ne fut pas mécontent de goûter à un semblant de quiétude. Bien sûr chaque Runzatra se suffisait de peu en la matière, programmé pour s'adapter parfaitement au mode de vie urbain. Tout juste prêta t-il attention aux enfants qui le dépassèrent en chahutant pour rejoindre la station la plus proche. L'esprit distrait, il ralentit machinalement sa cadence et quitta l'avenue principale pour s'enfoncer dans une poche d'ombre. Seule une discrète interface, intégrée dans la paroi monochrome de la ruelle, pouvait laisser suspecter la présence d'une unité cryptique en ces lieux. Muni de son cristal magnétique, il s'identifia et franchit le sas de sécurité. Une voix atone annonça : « Bienvenue Dix de Der. »

Le Responsable du programme Veilleuse pénétra le flux d'informations du Bunker pour annoncer sa présence au Dormeur. Se faisant, il s'était approché d'une console de Rev.Inc., au centre de la pièce. Le technicien qui y pianotait lui fit un bref rapport. L'écoutant d'une oreille, le Dix de Der guettait l'arrivée du Dormeur. Plusieurs fauteuils métalliques, à l'indice de réverbération anormalement élevé, formaient un arc de cercle devant lui. Dix connaissait bien leur fonctionnement. Il avait longtemps travaillé pour Rev.Inc. avant d'intégrer la salle rouge. C'était un travail régulier requérant peu d'initiatives. De jeunes implantés étaient souvent désignés pour ce type de poste qui développait les facultés d'analyse computationnelle tout en prohibant l'innovation.

La luminosité de la pièce faiblit imperceptiblement lorsqu'une créature drappée d'une ample toge fit son entrée. Comme Dix s'inclinait, la créature eut un geste qui le fit se redresser aussitôt. Les salutations n'étaient visiblement pas de mise. La voix androgyne du Fondateur n'eut pas besoin de se départir de son élocution posée pour faire autorité : « Que signifie cette attente ? »

Durant toutes ces années à veiller sur le Dormeur, Dix n'aurait pas pensé se retrouver à rendre des comptes au coeur de son propre service.
« Nous avons rencontré un contretemps. La Cour du Khan s'est emparée de l'affaire et tient conseil. Je crains que le Bibliothécaire ne vous soit pas livré à temps.
- La Cour du Khan ? »
Sans hausser le ton, la voix de la créature s'était teintée d'ironie. Dix s'empressa d'ajouter : « Ils sont manipulés par la Police des Rêves bien entendu...
- Il semble que cette chère Bonpha ait vu clair dans mon jeu. »
Le Dix de Der sentait peser sur lui le regard de la créature. Il lui fallait maintenant démontrer qu'il n'avait pas perdu le contrôle de la situation.
« Nous avons un agent qui attend nos ordres. Le Bibliothécaire est maintenu isolé des autres détenus mais nous réussirons à l'extraire par Rev.Inc.
- Non, une agression est exclue. C'est justement ce qu'espère Bonpha pour déployer sa propagande et me ralentir. Nous allons donc devoir mener nos travaux depuis l'enceinte de la Prison.
Le ton était sans appel. Pourtant le responsable du programme Veilleuse risqua une objection : « Mais dans votre condition l'extraction Rev.Inc. pourrait provoquer d'importants dommages...
- Vous savez ce qu'il vous reste à faire Dix de Der. »
Dix tressaillit et osa croiser le regard de la créature. Exigeait-elle de lui qu'il enfreigne l'Ordre Moral ?
« J'imagine que je pourrais me procurer...
- Je ne vous demande pas d'imaginer quoique ce soit, Dix de Der. Votre rôle se borne à mettre vos ressources à mon service. Obtenez-moi un analgésique efficace et nous procéderons à mon extraction. »

Le Dix de Der entra dans le sas sans répliquer. Le Fondateur n'avait sans doute pas cherché à lui manquer de respect. Il le considérait simplement comme un rouage cryptique prévisible, ce qui n'était pas dénué de sens. Une fois à l'extérieur du bâtiment il se rendit directement à la station. Un vaisseau était justement à quai. Dix embarqua et choisit sa destination : la Porte de Sovrok. Une légère vibration accompagna le décollage. Dix ressentit un malaise familier en songeant que la traversée de l'infrA ne lui procurerait plus la même quiétude désormais. Il décida qu'il n'en serait pas affecté. Après tout, il n'avait besoin d'aucune autre source d'épanouissement que de réaliser la volonté de la Ville.
Dernière édition: 01 Janvier 1970 à 01:00:00 par Guest

Liria

Histoires intégrés à Mediatéki dans la saga Poussière de Rêves.

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