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| L’aventure avait d’ailleurs commencé un peu plus difficilement que prévu. D’aussi loin que Beln se souvînt, la zone autour du Roc avait toujours été plus ou moins marécageuse. Le Tsari’e était peut-être un fleuve puissant en amont, mais il prenait ses aises dans le Delta, effaçant joyeusement la frontière entre des notions pourtant aussi antagonistes que terre ferme et eau libre. Ça n’avait pourtant pas empêché les ra de la région de reconnaître depuis longtemps plusieurs trajets permettant de rejoindre le Roc plus ou moins à pied sec. En tous cas, à ventre de monture sec, et donc à pied sec pour leurs cavalières si celles-ci ne laissaient pas trop leurs jambes traîner. Mais ça, c’était avant. Avant la Grande Marée qui avait inondé la région, submergé les galeries basses du Roc, et remodelé une bonne partie du paysage du Delta. Les guides locaux prétendaient d’ailleurs que la zone bougeait toujours et que c’était la raison pour laquelle aucun itinéraire stable n’avait encore été identifié. Beln avait tendance à les croire, car la plupart des caravanes auraient payé cher pour retrouver le confort relatif des précédentes traversées. Mais pour l’heure cela signifiait qu’elles avaient dû avancer en pataugeant plus ou moins profondément dans les eaux saumâtres. Et que toutes les montures avaient été réquisitionnées pour porter les explosifs, ceux-ci supportant encore moins bien que les ra le contact prolongé avec l’eau. C’est donc passablement trempé et fatigué que le groupe était finalement arrivé à destination à peine deux jeftu après l’inondation. | L’aventure avait d’ailleurs commencé un peu plus difficilement que prévu. D’aussi loin que Beln se souvînt, la zone autour du Roc avait toujours été plus ou moins marécageuse. Le Tsari’e était peut-être un fleuve puissant en amont, mais il prenait ses aises dans le Delta, effaçant joyeusement la frontière entre des notions pourtant aussi antagonistes que terre ferme et eau libre. Ça n’avait pourtant pas empêché les ra de la région de reconnaître depuis longtemps plusieurs trajets permettant de rejoindre le Roc plus ou moins à pied sec. En tous cas, à ventre de monture sec, et donc à pied sec pour leurs cavalières si celles-ci ne laissaient pas trop leurs jambes traîner. Mais ça, c’était avant. Avant la Grande Marée qui avait inondé la région, submergé les galeries basses du Roc, et remodelé une bonne partie du paysage du Delta. Les guides locaux prétendaient d’ailleurs que la zone bougeait toujours et que c’était la raison pour laquelle aucun itinéraire stable n’avait encore été identifié. Beln avait tendance à les croire, car la plupart des caravanes auraient payé cher pour retrouver le confort relatif des précédentes traversées. Mais pour l’heure cela signifiait qu’elles avaient dû avancer en pataugeant plus ou moins profondément dans les eaux saumâtres. Et que toutes les montures avaient été réquisitionnées pour porter les explosifs, ceux-ci supportant encore moins bien que les ra le contact prolongé avec l’eau. C’est donc passablement trempé et fatigué que le groupe était finalement arrivé à destination à peine deux jeftu après l’inondation. | ||
| - | Mais rien de tout cela n’avait entamé leur enthousiasme, | + | Mais rien de tout cela n’avait entamé leur enthousiasme, |
| Beln rejoignit son groupe en espérant que d’autres aient eu plus de succès ailleurs. À son grand plaisir, la logistique se révéla effectivement à peu près organisée. De toutes façons, Ekk et lui avaient l’habitude de se contenter de peu, et une bestiole tuée par une explosion avait le double avantage de ne pas être dangereuse pour les artificières et d’être déjà plus ou moins cuite. Il fallait parfois un peu parer certains morceaux vraiment cramés, mais c’était tout à fait comestible. Par contre, Ekk revint peu de temps après en pestant et en affublant des individus non identifiés d’un certain nombre de qualificatifs absolument pas flatteurs. | Beln rejoignit son groupe en espérant que d’autres aient eu plus de succès ailleurs. À son grand plaisir, la logistique se révéla effectivement à peu près organisée. De toutes façons, Ekk et lui avaient l’habitude de se contenter de peu, et une bestiole tuée par une explosion avait le double avantage de ne pas être dangereuse pour les artificières et d’être déjà plus ou moins cuite. Il fallait parfois un peu parer certains morceaux vraiment cramés, mais c’était tout à fait comestible. Par contre, Ekk revint peu de temps après en pestant et en affublant des individus non identifiés d’un certain nombre de qualificatifs absolument pas flatteurs. | ||
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| Ekk avait complètement oublié sa déconvenue administrative et fredonnait sans suite en avançant. Beln vérifiait qu’aucune monture ne s’égarait et humait à pleins poumons l’odeur de vase et de végétaux en décomposition si différente de l’atmosphère aseptisée de l’Infra. Et les étudiantes suivaient de leur mieux en révisant leurs assignations respectives. Il n’était pas évident d’identifier précisément, | Ekk avait complètement oublié sa déconvenue administrative et fredonnait sans suite en avançant. Beln vérifiait qu’aucune monture ne s’égarait et humait à pleins poumons l’odeur de vase et de végétaux en décomposition si différente de l’atmosphère aseptisée de l’Infra. Et les étudiantes suivaient de leur mieux en révisant leurs assignations respectives. Il n’était pas évident d’identifier précisément, | ||
| - | \\ « Nous toutes, aujourd’hui, | + | \\ « Nous toutes, aujourd’hui, |
| \\ Quand elle commença à se répéter, Beln intervint doucement. « La marée commence à reculer, on dirait. Il est temps d’y aller. » | \\ Quand elle commença à se répéter, Beln intervint doucement. « La marée commence à reculer, on dirait. Il est temps d’y aller. » | ||
| \\ Ekk lui lança un regard interloqué puis se retourna dans la direction de la haute mer. « Alors tout le monde à son poste ! Le Khanat nous regarde ! » | \\ Ekk lui lança un regard interloqué puis se retourna dans la direction de la haute mer. « Alors tout le monde à son poste ! Le Khanat nous regarde ! » | ||
| - | \\ Et ce fut le début de plusieurs heures de travail éreintant dans la boue, la vase, l’eau plus ou moins profonde et parfois quelques îlots de terre à peu près ferme. Il fallait positionner précisément les explosifs sur des perches plantées dans le sol, ou en les accrochant à des ballons qui devaient flotter au-dessus de positions rigoureusement calculées. À regret, Ekk avait reconnu qu’il serait impossible à leur équipe réduite de repousser la marée sur un large front, et elle s’était donc concentrée sur ce qu’elle considérait comme la zone la plus symbolique pour protéger le Roc aux Oiseaux. Cela constituait quand même un ruban de plusieurs centaines de mètres de long et toutes les ra avaient fort à faire pour tenir les délais. Entre outils cassés ou perdus dans la gadoue, montures en fuite après avoir croisé une bestiole trop étrange à leur goût, erreurs suite à une lecture de la carte à l’envers, voire questions indiscrètes d’un pêcheur de passage qu’il avait fallu éloigner sans trop le froisser ni attiser sa curiosité, Beln s’inquiétait qu’elles ne soient pas prêtes pour le retour de la marée. | + | \\ Et ce fut le début de plusieurs heures de travail éreintant dans la boue, la vase, l’eau plus ou moins profonde et parfois quelques îlots de terre à peu près ferme. Il fallait positionner précisément les explosifs sur des perches plantées dans le sol, ou en les accrochant à des ballons qui devaient flotter au-dessus de positions rigoureusement calculées. À regret, Ekk avait reconnu qu’il serait impossible à leur équipe réduite de repousser la marée sur un large front, et elle s’était donc concentrée sur ce qu’elle considérait comme la zone la plus symbolique pour protéger le Roc aux Oiseaux. Cela constituait quand même un ruban de plusieurs centaines de mètres de long et toutes les ra avaient fort à faire pour tenir les délais. Entre outils cassés ou perdus dans la gadoue, montures en fuite après avoir croisé une bestiole trop étrange à leur goût, erreurs suite à une lecture de la carte à l’envers, voire questions indiscrètes d’un pêcheur de passage qu’il avait fallu éloigner sans trop le froisser ni attiser sa curiosité, Beln s’inquiétait qu’elles ne soient pas prêtes pour le retour de la marée. |
| \\ « À nous deux la mer ! » | \\ « À nous deux la mer ! » | ||
| \\ On aurait pu faire mieux comme phrase historique, songea Beln. Puis les explosions enflammèrent le ciel. | \\ On aurait pu faire mieux comme phrase historique, songea Beln. Puis les explosions enflammèrent le ciel. | ||





