Je comprend mieux pleins de choses
CitationLe droit d'auteur ressort du code de la propriété intellectuelle et est défini comme possédant des attributs d'ordre patrimonial (Article L111-1 du Code de la propriété Intellectuelle). Par l'incorporation de cette notion de patrimonialité, le droit rattache donc celle-ci à l'ensemble des biens, charges et droits d'une personne appréciables en argent. C'est en cela qu'il ressort du capital. Il permet de créer un objet immatériel valorisable. Selon moi, cela définit clairement un capital lucratif. Il est logique que cela soit le cas, car il a été défini pour répondre aux nécessités d'une industrie qui avait besoin de sécuriser sa chaîne de production. Le but n'est donc pas de protéger l'auteur en lui conférant un droit en tant que créateur, mais de définir et garantir l'existence de sa création du point de vue du droit. On retrouve là une pratique fréquente dans les sociétés occidentales modernes, le capitalisme ne se souciant qu'à la marge de protéger les producteurs, il se consacre avant tout à préserver la production qui sera ensuite captée par la chaîne de transformation pour y acquérir de la valeur.
Le lien que tu fais entre droits patrimoniaux et capital est tout à fait juste. Ainsi que sur la protection de l'oeuvre, plus que la protection de l'auteur.
Sauf que l'article en question dit ceci : "Ce droit (cf. la propriété incorporelle) comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code."
Donc c'est sur que si on ne tient compte que de la fin de la phrase, on peut faire le raccourcis droit d'auteur = capitalisme et je pense que le lien est valide si l'on considère qu'il n'y a qu'une cause unique au capitalisme (le patrimoine)...
Pour le coup la phrase me parait explicite, le droit d'auteur possède des attributs d'ordre patrimoniaux, mais pas que. En ce qui me concerne ça fait une différence suffisante pour que ça ne soit pas qu'un "outil du capitale".
Sur le système de contrat je suis globalement d'accord, le système de contrats ne permet pas de sortir des inégalités structurelles, on pourrait d'ailleurs arguer que ça n'est pas sa fonction. Le fait est que ça fonctionne entre individus et structures éclairées (ou égales), mais c'est tout.
CitationEn outre, c'est par l'industrie que s'opère la reconnaissance du statut d'auteur. Jusque dans l'inconscient : si on admire un chanteur qui crée son label ou un acteur qui monte sa société de production, on n'accorde généralement aucun crédit aux auteurs auto-édités. Ce qui exclut par principe de reconnaître le talent de gens comme Marcel Proust, par exemple.
La je suis d'accord avec ton constat, mais je ne pense pas que le droit d'auteur soit en cause ou alors je ne comprends pas. De plus le talent (si le talent existe) de Marcel Proust EST reconnu alors ?
Enfin tu calques le fonctionnement d'une industrie (dont le but est de gagner de l'argent), sur un texte de loi (dont le but est le vivre ensemble).
Le but de ce texte de loi était justement de reconnaître mieux les artistes et leurs œuvres (à des fins financières, mais aussi morale, éthique et social) à l'époque.
CitationEn tant qu'écrivain, dès que je couche des mots sur le papier, la loi place mes créations sous le régime de la propriété intellectuelle, que je le veuille ou non, par défaut, dès l'instant où je créé. Je cite la loi : « du seul fait de sa création ». Je trouve le droit positif abusif en ce qu'il n'est pas là établi pour m'interdire de perpétrer un acte préjudiciable à un tiers et donc à la société, mais pour pour me contraindre à adhérer au système de valeur qu'il a défini. C'est en cela que je ne l'approuve pas : non seulement il m'enferme dans un rapport à mon œuvre qui ne me convient pas, en l'incorporant de force dans un rapport au monde de capital lucratif, mais en plus par la suite il ne prévoit aucun garde-fou pour me permettre de me défendre face aux industries qui exploiteront dans une quasi-exclusivité systémique cette production.
Alors là c'est parler comme un vrai bon libertarien, mon dieu la France te contraint à adhérer à un système de valeurs ! :p
Blague à part : l'enfermement c'est l'obligation lié à ton lieu de naissance (c'est heu... la vie ?), l'absence de garde-fou c'est la propriété inaliénable, imprescriptible et intemporel. Sérieusement ?
C'est pour ça que je demande des propositions concrètes, parce que j'ai beau faire, je comprend conceptuellement ton problème, mais pratiquement je ne le vois pas.
Si je te suis bien, ces industriels capitalistes que tu décris, tu es maintenant en train de dire que tu voudrais pouvoir leur faire concurrence. Sauf que pour faire ça, il faut se battre sur le même terrain et avec leurs règles : le capitalisme. Moi ça me fait pas envie.
Perso, j'espère qu'on se bat pour d'autres types de fonctionnements, en cela : on est pas en concurrence.
CitationÀ cela je ne peux opposer qu'un système basé sur le droit des contrats (les licences libres), de plus faible valeur juridique que la loi. De plus, cela repose sur une construction intellectuelle (le copyleft) qui est le résultat d'un retournement d'une définition légale contre elle-même, dont seuls des juristes experts peuvent comprendre l'articulation dans le détail. J'aurais été par moi-même incapable d'en poser les fondements et son emploi demeure encore aujourd'hui absolument inconcevable car incompréhensible pour une majorité de créatifs, en raison de la mauvaise appréhension de ses répercussions et des légitimes craintes nées de la remise en question de fondements de la société actuelle. En outre, le peu de jugements rendus sur la base de ces contrats fait qu'il n'existe aucune certitude qu'ils seront appliqués ainsi que nous le pensons. Le pouvoir judiciaire sera le seul à trancher, au bout du compte. Et il suffit de voir les quelques cas analysés par Calimaq pour se rendre compte que les délibérés correspondent assez rarement aux attentes des créatifs et partisans de la culture libre les plus enthousiastes et naïfs.
Ça c'est ta propre impuissance personnelle, j'en partage les constats.
CitationEn outre, demeure quoiqu'il arrive sous la convention de Berne le droit moral, qui me dépossède de façon paternaliste de mon réel droit d'auteur de faire absolument tout ce que je veux de ma création, en conférant à des ayants-droits la capacité de remettre en cause tout ce qui n'aura pas été formalisé selon le droit positif. Et quand bien même, de demander à la censure d'œuvres dérivées, même des dizaines d'années plus tard. Je renvoie par exemple à la pitoyable tentative de descendants de Victor Hugo de faire interdire au début des années 2000 une suite des « Misérables ».
Ce qui n'est pas formalisé peut être deviné/inventé. Si un auteur n'a pas autoriser ou interdit formellement un usage alors le droit présuppose un interdit. C'est sur ça que se basent les ayant-droits. Si l'auteur autorise un usage (dans le cadre des licences libres par exemple), les ayants-droits seront obligés de s'y conformer.
Perso je veux bien qu'on inverse le présupposé du droit ou encore qu'on oblige les gens à contacter les auteurs avant usage, ou autre chose ?
Dire que les ayants-droits font souvent n'imp' oui, dire que l'auteur est dépossédé par ses ayants-droits c'est heu... malhonnête ? L'auteur n'a rien d'autre à faire que de se décider et d'assumer sa décision.
Là-dessus, même chose que précédemment, c'est quoi le problème ? Prendre position et assumer c'est trop demander pour vivre ensemble ?
Encore une fois sans proposition concrète de changements, je ne vois pas quel autre paradigme serait plus souhaitable...
Ma propre lecture est qu'on découvre une nouvelle facette des auteurs par leurs ayants-droits (en considérant bien sur qu'à une certaine époque on était quand même moins informé ;o).
CitationJe précise au passage qu'il ne faut pas confondre le droit moral avec la responsabilité morale de ses écrits. Si je graffe « Mort aux Juifs » sur un mur, le droit moral n'aura rien à voir dans une logique condamnation pour l'appel à la haine raciale et au meurtre. Ce sera juste d'assumer le fait d'avoir enfreint des lois précises, et donc de tomber sous le coup d'une condamnation idoine. Si quelqu'un reprend un de mes écrits et y intègre des tels appels au meurtre ou à la haine, et m'en attribue la paternité, je ne pourrais pas être rendu responsable pénalement de ses modifications, sauf s'il prouvait que ces écrits modifiés sont bien de mon fait. Par contre, lui risquerait en plus des condamnations pour ces écrits, de se voir poursuivi pour m'avoir diffamé.
Tu as raison, mais le droit moral permet aussi de ne pas séparer l'oeuvre de l'auteur d'un point de vue éthique, moral, philosophique et conceptuel. Pour le coup c'est ma vision personnelle, mais je n'y trouve que des avantages
Ça induit que :
- L'auteur ne peut se dédouaner de ce que l'oeuvre produit sans lui (ce qui sert entre autre à invalider les artistes qui pensent que c'est aux lecteurs de faire le boulot de lecture d'une oeuvre, donc si personne y comprend rien ou qu'ils comprennent mal, c'est de la faute des lecteurs).
- L'auteur reste responsable de l'oeuvre, même après sa mort (cf. le cas de Lovecraft ou Polensky quand il mourra, si la situation sociale change l'oeuvre et l'auteur gardent leur lien ce qui permet de les resituer dans leurs époques avec tout ce que ça comporte).
- L'auteur a tout intérêt à réfléchir un minimum à ce qu'il produit (car il est est responsable in fine).
- L'art n'est pas neutre, car socialement marqué, mais aussi marqué par l'auteur (encore une fois, c'est une chose qu'il ne peut plus nier grâce au droit moral).
- La barrière émetteur/récepteur dont tu parles est directement la responsabilité de l'artiste.
- Il y a un affranchissement de la notion d'oeuvres qui soit "naturelles", les oeuvres sont liées à l'époque (la société, l'industrie, bref le "déjà là") et à l'auteur.
- Conséquence du point précédent : les oeuvres sont politique, mais elle ne peuvent être politique que si elles sont rattaché à une part de notre société (dont l'unité de base est l'humain). Si une oeuvre n'est rattaché à rien de pensant, comment pourrait-t-elle avoir un point de vue ? (ou alors on parle d'IA et c'est un tout autre débat
.
Tous les points ci-dessus permettent aussi une chose que peu d'outils arrivent à faire : déterminer ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas, qui si ça n'est pas une question finalement très importante, est une question qu'aucune théorie de l'art actuelle n'arrive à résoudre.
Bref que des avantages, je disais