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Les rumeurs de la taverne du Godet fendu, à Hoslet

La grosse bête

Comme un gros Pterod, tu vois, mais bien plus poilu ! Par les poils du démon Yhou'Dayv, j'en frémis encore. J'ai failli y laisser un bras en l'embrochant avec ma pique. Hé bein, tu le croiras si tu veux, mais les types du village d'à côté, ils m'ont presque lynché pour ça ! Alors que je venais de les libérer de ce monstre…
- Et tu disais que ça c'était passé où, déjà ?
- Pas loin de la Passe des Fils de Yôht, un peu plus haut dans la montagne.
- C'est vers les Crêtes d'Isbetz, ça, non ?
- Si tu le dis. En tout cas, il était poilu, on aurait dit un Grezban, mais bien plus gros ! Si j'avais pu lui arracher la peau, ma fortune était faite !

La Cour et le Khan


- Alors comme ça, il parait que tu est allé à la Cour ?
- Et ouais, être le champion de l'Arène n'ouvre pas que le lit des jolies filles !
- C'était comment ?
- Les jolies filles ? Et bien, il y en a une surtout, qui…
- Non, la Cour !
- Ho, ça ! Ben, franchement, un peu décevant. Niveau tape-à-l'oeil, y'a rien à dire, mais leur buffet avec des mini-portions, là… Faut pas s'étonner que les nobles soient tous maigrichons, s'ils ne mangent que ça.
- Me charrie pas, je vois passer les commandes du Palais, ils font venir des trucs du fin fond du Khanat, des machins qu'aucun de nous n'aura jamais les dins de se payer.
- Ptêt bien, mais garde tes sous, va. Ça peut être bon, mais aller chercher de la purée au fond d'un coquillage plus petit que mon pouce, j'appelle pas ça manger.
- Et les nobles ?
- Ben, c'est des nobles. T'en croises assez dans la rue, non ? Sauf que là, ils sont tous regroupés. Ça piaille plus qu'un nid de melcipni, des tas de jolis mots pour faire payer plus d'impôts aux honnêtes travailleurs que nous sommes.
- T'as déjà travaillé, toi ?
- Nan, mais c'est pas la question. Bref, ils sont là, tous bien habillés, avec des tissus qu'on dirait des arc-en-ciels : y'a des plumes, de la soie, des écailles, du cuir, des pierreries et dans toutes les couleurs. Ça cocotte le parfum aussi, comme pour dire “je suis trop riche pour me laver”. Ça m'a mis une migraine…
- C'était pas plutôt le vin, ça ?
- Ptêt aussi un peu. Pas mauvaise, la piquette, rien à dire là-dessus. Mais ils ne connaissent pas les boissons de guerrier, hein.
- Y'a que toi qui peut boire cette horreur que tu appelle “odevie”.
- Ben au moins, quand tu bois ça, tu sais que t'es encore en vie.
- Te reste plus qu'à espérer de le rester ! Et le Khan, tu l'as vu ?
- Ah, le Khan…
- Et ben ?
- Et ben, rien que pour ça, au début, je me suis dit “c'est chouette d'avoir pu venir”. Quand il est arrivé, avec les musiciens, les danseurs, et tout… Franchement, c'était beau. J'regrette de pas être poète, là, tu vois, parce que ça aurait pu m'inspirer. Mais bon, après un moment, j'ai commencé à me poser des questions.
- Comment ça ?
- Ben tu vois, quand j'y suis allé, c'était une fête, hein, pas une de ces réunions politiques, mais quand même, ça empêchait pas que pleins d'affaires sérieuses soient traitées. J'suis pas aussi bête qu'ils le croient tous, j'pourrais en dire sur ce que j'ai appris ce soir-là…
- Quel rapport avec le Khan ?
- Le Khan, il était là, et il disait rien. Un hochement de tête par là, un signe par ci, un petit mot à l'oreille d'un courtisan, mais rien de bien important. De toute la soirée, il a pas donné son avis une seule fois, pas raconté une seule blague. Je commençais à me demander s'ils avaient pas mis un automate à sa place. Mais c'est pas ça. En fait, c'est les nobles qui décident tout et le Khan, il est juste là pour signer à la fin.
- Rhôôô, tu blasphèmes là !
- Vraiment, c'est cette impression que ça m'a fait. Mais quand il est venu vers moi…
- Attends, il est venu te voir ?
- Mieux que ça, mon gars ! Il est venu, il m'a mis la main sur l'épaule, et il m'a dit qu'il avait jamais vu un combattant tel que moi, que c'était un honneur que je serve le Khanat. Et là, j'ai oublié toutes les bêtises que je t'ai dit avant. C'était pas juste ce qu'il m'a dit, hein : ça, n'importe quel gus de campagne m'en dit autant. Non, c'était sa présence, et le ton avec lequel il a dit ça… C'est comme si toute la Ville avait soudain parlé, directement à moi. L'impression que ça m'a fait… Ha, tu peux pas savoir ce que ça fait.
- Ha, c'est sûr, peu de chance qu'un petit commerçant comme moi soit invité ! Sacré veinard…

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fr/auteurs/anonyme/godet_fendu.txt · Dernière modification : 2021/12/03 19:18 de 127.0.0.1

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