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Porte-parole et starification

Zatalyz

Contexte
Si les mots-clés du titre vous parlent, passez directement à la phase "proposition". Sinon, je replace les éléments pour celles qui n'ont pas suivi la réflexion au très long cours sur le sujet.

Dans le cadre de la culture libre, nous essayons de déconstruire les processus hégémoniques. C'est à dire tout ce qui fait qu'à un moment, seule une personne, ou un groupe de personne, est écoutée et considérée. Cette déconstruction passe par les perpétuelles remises en questions sur tout et n'importe quoi, l'intérêt porté à des cultures de groupes "minoritaires", la déconstruction des mécanismes de domination des grosses industries culturelles (en particulier les anglo-saxonnes), mais aussi par la recherche de solutions de contournement à l'apparition de stars, gourous et autres individus focalisant l'attention.

Le phénomène de starification se base sur quelque chose d'assez sain : le besoin de trouver un modèle, d'avoir confiance dans une parole, et de ne pas se perdre au milieu des innombrables voix qui donnent leur avis. Si votre blogueur favori vous dit que tel film est bien, alors vous allez probablement choisir ce film plutôt que de passer de longues minutes à hésiter devant des affiches et des synopsis peu inspirants. Si tout le monde dit du bien de ce livre et de la personne qui l'a écrit, alors c'est probablement bien et vous allez passer un bon moment à le lire. C'est aussi une façon de déléguer ses choix, soit à un expert, soit à la "majorité". Et non, ce n'est pas sale : on ne peut pas tout gérer et c'est très souvent anodin.

Malheureusement, il y a des conséquences qui ne sont pas anodines, au delà de la délégation du choix. Il y a toujours un moment où on demande à l'expert de se prononcer en dehors de son champ de compétence ; et malheureusement, son avis sera alors écouté et relayé de la même façon que lorsqu'il sait de quoi il cause. De plus, les processus d'industrialisations ont bien compris l'intérêt des stars : cela coûte moins cher et génère plus de retombées de "faire" une star qui focalise les regards de milliers individus, plutôt que de donner de la visibilité à une centaine de personnes talentueuses. Ce qui veut dire qu'on va entendre une voix "vendeuse" plutôt que d'avoir accès à une variété d'avis, ce qui correspond parfaitement à une logique d'hégémonie culturelle.

Refuser complètement la starification n'est cependant pas une bonne idée non plus, justement parce que ça se base sur un besoin social très humain. Toute la difficulté est de trouver comment hacker ce besoin pour en limiter les dérives.

Proposition
La dérive principal tient au fait que la "star" est généralement un individu donné. Or un individu ne peux pas tout savoir et est forcément faillible sur certains aspects. De plus, la renommée est une forme de pouvoir. Les personnes qui baignent trop longtemps dedans ont du mal à céder leur place. Je le ressens déjà bien à mon faible niveau, et je le vois chez pleins d'individus que j'apprécie par ailleurs... mais qui ont tendance à monopoliser la parole dans l'espace publique.

Pour la communication sur internet, c'est assez facile, il suffit d'avoir un compte "Khaganat" qui publie (et qu'on relaie avec nos comptes individuels, si on en a envie). Notez que je ne l'ai pas mis en place partout, parce que les médias sociaux me gonflent. J'ai une solution technique à mettre en place ceci dit (mais je procrastine bien sur le sujet).

Par contre c'est plus délicat sur les interventions en présentiel, lors des JDLL et Capitoles, entre autre. YannK et moi le ressentons déjà, à force d'être un peu trop visibles ; YannK a préféré se mettre en retrait publiquement pour justement éviter de devenir de facto "le patriarche mâle blanc cisgenre qui cause pour Khaganat" (je simplifie un peu, mais y'a réellement de ça dans son retrait). De mon côté, il m'a fallu beaucoup d'effort pour arriver à intervenir en public et j'aime l'idée de montrer que quelqu'un genré féminin a aussi sa place. Pour le dire autrement : j'ai investi beaucoup pour arriver à ce rôle et le lâcher m'est donc plus difficile, alors même que je me rends compte de son effet délétère.

J'étais à me demander si je ne devrais pas porter des masques et pseudonymes variés pour continuer à causer sans que ce soit "moi" (option que je n'ai pas complètement éliminé, du moins pour les masques :P ) quand YannK m'a suggéré une bonne idée : et si les intervenantes "officielles" avaient toutes le même pseudonyme ?

L'idée serait alors que sur les programmes, à la présentation à la radio, ce ne soit plus "Zatalyz, fondatrice du projet" ou "Marcel, dictateur à vie", mais "La Voix du Khan, porte-parole de Khaganat". Et voilà, ça restera de toute éternité : notre porte-parole s'appellera "La Voix du Khan" et portera ce nom le temps de tenir son rôle (un week-end, une conférence, une vidéo...). Et la fois suivante, si quelqu'un à un stand dit "ha, vous êtes La Voix du Khan non ?" "Non, je l'ai été, mais aujourd'hui c'est juste Marcel. Cette fois, la Voix, c'est les gens là-bas : le premier a une conférence à 14h et le second anime un atelier à 16h ".  Et de refuser d'être autre chose que "La Voix du Khan" sur les programmes, etc...

Bien sûr, rien ne vous empêche d'animer des ateliers, faire des conférences, répondre à la radio, réaliser des vidéos en votre nom propre et pour causer de Khaganat. Mais si vous avez envie d'être "officiel, certifié, starifié" ou si vous sentez qu'on commence à vous coller de force dans ce genre de rôle, empruntez la personna "La Voix du Khan". Elle me semble être bien pour ça.

Vous pouvez aussi vous faire passer pour Pendorid, mais ça risque de vous causer des soucis pour cause de harcèlement sexuel...

Et on peut encore aller plus loin et s'amuser à trouver un masque (un vrai, en carton ou papier mâché) à la Voix du Khan :D

Cette proposition marchera si elle intéresse un peu plus que ma personne. Je sais que ça fait quelques manifestations que j'hésite à faire des conférences, entre autre à cause du fait qu'on lie un peu trop ma personne au projet, et endosser un nouvel avatar AFK me fera du bien, mais ça ne marchera que si je ne suis pas seule à trouver l'idée intéressante, sinon dans quelques temps, j'aurais le même souci :  "La Voix du Khan" sera associé à mon physique et personne n'osera l'utiliser sans mon accord... ce qui a peu d'intérêt.

En lojban, pour celles que ça intéresse, "La Voix du Khan" se dit "voksa la xan" (oui oui en bon lojban), ce qui peut toujours donner "Voksa Laxan" si on vous demande un nom-prénom :P

Pour d'autres choses...
Il me reste le souci de ma place trop "gourou" au sein du projet, mais là-dessus pour le moment je n'ai pas encore eu d'illumination. J'ai bien pensé venir participer sur Khanat ou Krypte avec un nouvel avatar (et un jour ça me prendra), malheureusement il est aussi utile pour le projet de savoir qui est coordinatrice, et il se trouve que pour le moment, oui, je suis une des personnes qui sait où est rangé la plupart des choses et qui fait quoi, et c'est pratique de savoir qu'en me demandant, je peux aiguiller. Malheureusement mon rôle dépasse celui de la coordination, et je n'aime vraiment pas certains aspects, comme vous avez pu régulièrement le constater. Là aussi, ça mériterait qu'on en cause. Je voulais bosser dessus lors de l'AFK, mais comme c'est reporté...

Un peu de lecture pour terminer
Ce message sur le forum fait suite à une discussion qu'on a eu il y a quelques jours sur le salon Khaganat, à propos de la hiérarchie (oui, j'ai un peu dérivé), qui avait conduit à partager le texte La tyrannie de l'absence de structure. Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte et sur ce sujet, ce qui peut alimenter d'autres discussions, et même des articles de blog... Je vous laisse lire ça tranquillement !

vv221

Un retour posté par PulkoMandy sur XMPP :

Citation
Mh... je me demande si ça va améliorer les choses ou seulement masquer le problème. Chez Haiku notre approche est plutôt l'inverse: mettre en avant les contributions et les contributrices. La première conférence de Haiku ou j'ai débarqué, je me suis retrouvé à improviser quelques slides pour présenter mon travail (devant un public relativement réduit, certes)

Peut-être qu'il faudra en venir à tirer au sort les désignées volontaires pour faire les présentations?

En ce qui me concerne en tout cas, je trouve plus facile de parler en mon nom seulement, que d'être porte parole d'un projet. Et la vision globale du projet, pour Haiku en tout cas, c'est au moins la somme des idées de chaque participant. Je ne pense pas pouvoir l'expliquer de façon cohérente (et c'est très bien comme ça, savoir que c'est plein de contradictions permet de faire des compromis)

J'ai bien peur que la meilleure solution à la starification, c'est bien que les stars prennent volontairement du recul, au moins un peu. Et donc refusent de faire toutes les conférences et tenir tous les stands tout le temps (toujours pareil, relayez vous!)

Pour le coup je pense que vous êtes assez nombreuses pour y arriver. Chez Haiku avec nos 3 développeurs francophones, c'est compliqué, on tourne vite entre les mêmes personnes :>

Zatalyz

Mettre en avant les contributions et contributrices se fait aussi. C'est l'un des objectifs du point hebdo, et de certains articles de blog (et ça pourrait être amélioré). Là-dessus ce n'est pas incompatible, au contraire : il me semble important de montrer que chacun a quelque chose à apporter, y compris quand ça parait mineur, afin d'encourager plus de monde participer à sa mesure.

Le souci est plus sur les personnes qui prennent "trop" de place. Ce n'est pas forcément une volonté ou une incapacité à déléguer, c'est juste des mécanismes qui se mettent en place facilement. Dans mon cas par exemple, ce n'est clairement pas une volonté (dans tout autre groupe, j'ai tendance à être la personne en arrière-plan qui fait plein de petits trucs que personne ne voit et qui est systématiquement oubliée, et ça me va), quand à déléguer, j'essaie chaque fois que possible mais... comme je vois les trucs à faire, que je sais les faire, que j'ai le temps de les faire, et que personne d'autre ne le fait, je finit par faire beaucoup de choses sur le projet.

CitationPeut-être qu'il faudra en venir à tirer au sort les désignées volontaires pour faire les présentations?
Non. Présenter en public, se mettre en avant, c'est difficile pour beaucoup de monde. Ça doit rester un choix individuel. Un choix qu'on peut vraiment motiver en tant que groupe, mais on ne peut pas imposer ça à quelqu'un. D'autant que les présentations se font suivant les goûts des personnes. On voit peu d'intérêt à refaire les mêmes conf années après années, vu que c'est le même public dans ces évènements. Ça rend d'autant plus difficile de s'approprier un discours pour le restituer. Par contre, j'avais envie, à un moment, de faire des vidéos en allant voir les divers membres de Khaganat, afin que plein de voix et de visages parlent des divers aspects. L'intérêt d'une vidéo c'est qu'on a le temps d'affiner, de monter, de couper, de préparer, etc, et le public est plus petit au moment où on cause. C'est une action qui me semblerait intéressante à la fois pour la com, mais aussi pour justement montrer la diversité au sein de Khaganat et donner la parole à des personnes qui n'osent pas facilement la prendre.

Ceci dit, ce projet va demander du temps... J'ai pas vraiment le matos vidéo et je ne me lancerais là-dedans que quand je me sentirais prête, si c'est moi qui porte le projet. L'idéal serait qu'on trouve un vidéaste (même apprenti) qui aurait envie de faire ça.

CitationEn ce qui me concerne en tout cas, je trouve plus facile de parler en mon nom seulement, que d'être porte parole d'un projet. [...] J'ai bien peur que la meilleure solution à la starification, c'est bien que les stars prennent volontairement du recul, au moins un peu.
En fait, ça va un peu ensemble (pour ça que je colle les deux citations ;) ). Il y a plein de bonnes raisons pour préférer avoir son identité plutôt qu'un prête-nom, et ça ne remet pas ça en cause. Si des personnes de Khaganat ont envie de faire une présentation, mais ne veulent pas avoir le statut "officiel de Khaganat", qu'elles le fassent en leur nom, c'est très bien ! Cela reviens à ce que tu disais plus haut. Pour moi c'est la phase bien en amont de la "star", celle où on cherche une légitimité, où on est conscient d'être un rouage, et c'est pas un souci d'être identifié comme "X, membre de...".

Le souci, c'est quand la starification se met en place, quand une personne commence à croire que ce qu'elle dit représente tout le projet d'une façon absolue, ou que le public le croit (ou pire, les deux :P ). Pour moi c'est le moment où, oui, les stars doivent prendre du recul. Mais c'est dommage de perdre des oratrices aguerries dans l'affaire. C'est pour ça que ça me semble intéressant que l'individualité se dissolve à ce moment dans une entité de groupe. Après tout, quitte à être pris pour l'officiel, autant assumer le statut pleinement en renonçant à son ego. De ce fait, cela permet de renoncer à une gloire personnelle (et les dérives associées) tout en ayant des éléments (nom, potentiellement un certain visuel) reconnaissables par le grand public.

Cela peut aussi être un masque confortable pour les personnes timides, aussi. Ne pas intervenir en tant que "soi" mais comme "avatar de..." ça évite de se mettre en avant personnellement et c'est confortable. Et que le groupe dise à cette personne "vas-y, tu peux être la Voix du Khan", cela donne aussi une légitimité personnelle forte quand on est pas sûr de soi.

Bref, dans certains cas, cela me semble remettre de l'équilibre : permettre aux timides de prendre la parole, réduire le pouvoir personnel des grandes gueules. Mais je précise bien "dans certains cas", le but n'est pas de faire une règle absolue et indérogeable. Je vois plus ça comme une aide...

CitationEt donc refusent de faire toutes les conférences et tenir tous les stands tout le temps (toujours pareil, relayez vous!). Pour le coup je pense que vous êtes assez nombreuses pour y arriver.
Voui, ça aussi. Sur les stands, ça marche, on est effectivement assez nombreux. Yann est retourné à 95% sur les stands Frama lors des derniers évènements, on a pu tourner avec les divers bénévoles, j'ai pu aller voir des conf (et donc être moins présente, tandis que des gens répondaient aux questions). Les stands ne sont pas forcément le lieu où le processus de starification est visible, ceci dit (mais ça fait du bien de tourner !).

Tel que je vois les choses :
- Il y a en effet nécessité à valoriser le travail de tout le monde, afin de montrer qu'il s'agit bien d'un travail collectif. J'avais laissé ça de côté dans mon premier message parce que ça me semble aller de soi, mais mieux vaut de l'explicite sur le sujet ;)
- Il y a aussi besoin d'accompagner les discrètes et timides à oser prendre la parole, tout le monde a quelque chose à dire. Là aussi, ça participe à cet aspect "voix collective".
- Les "stars" sont nécessaires, c'est ce qui est attendu à un moment dans le développement d'un projet, et ce sont souvent des gens qui sont bons pour la com. Si le projet prends de l'ampleur, ça finit toujours par arriver. Mais je préfère qu'on choisisse nos "stars" et surtout qu'elles ne soient pas des individus précis qui ensuite peuvent se servir de ce statut, mais une entité de groupe (ouais, ok, le principe est spécial).

Je pense important que quand quelqu'un prend de l'ampleur, sa mise en retrait ne veuille pas dire qu'il doit arrêter de contribuer (ce n'est pas le cas actuellement, mais si on trouve de bons communicants, ça pourrait l'être), mais qu'il doive le faire en étant conscient que son rôle évolue et qu'il ne peut pas le faire pour sa gloire personnelle. Pour moi, endosser la Voix du Khan, c'est un passage à faire quand on prend conscience qu'on commence à être trop sous les feux des projecteurs, avant que ça commence à nous faire perdre le sens des mesures. Et c'est aussi un enjeu collectif, de prendre conscience quand nous avons des vrais porte-parole qui arrivent dans le groupe, et de le marquer par une évolution du statut. Je crois que si quelqu'un venait faire 3 conférences à chaque évènement, toutes les interviews radio, que les gens commençaient à venir lui parler à lui en priorité pour parler partenariats et autre, et qu'avec tout ça, il refusait de reconnaître son statut VIP et tenait fortement à continuer à parler pour Khaganat en son nom propre... je lui mettrais probablement mon pied au derrière pour le dégager avant que ça devienne plus grave :P Ou, si ça ne posait de problème à personne, ce serait une raison qui me motiverait à quitter le projet.

C'est ça que je veux éviter en priorité : il me semble important de dire "ok, à ce stade, on arrive au moment où une star est en train de se construire ; on agit pour canaliser ça, soit parce que la personne décide de réellement se mettre en retrait et en espérant que d'autres s'emparent de la place, soit en transformant cette dynamique dans un sens qui va limiter la casse et probablement nous être utile".

Le souci aussi, si on se contente à chaque fois de se mettre en retrait, c'est qu'on perdra de la capacité à communiquer, ou qu'on risque aussi de se retrouver comme dans le texte en lien dans le premier message, avec des porte-paroles sans légitimité qui vont se révéler néfastes.

pulkomandy

Bien sûr quand je parlais de tirage au sort, c'est parmis les gens consentants, ça me semblait évident que ça n'a aucun intérêt de forcer quelqu'un à faire une conférence.

En fait il y a deux aspects: d'un côté, la communication externe, et là, effectivement, avoir un avatar quireprésente tout le projet est intéressant. Mais ça laisse de côté un autre problème dans la communication interne. La "starification" existe probablement de ce côté là aussi, avec des gens qui vont (volontairement ou pas) avoir plus de poids dans les décisions ou au moins dans les discussions, par leur ancienneté, leur implication plus ou moins importante, ou tout simplement le fait de donner leur avis sur tout alors qu'on leur a rien demandé (je précise que je ne vise personne en particulier).

Dans mon cas chez Haiku (oui je suis encore hors sujet!), c'est ce côté interne qui m'inquiète le plus. Justement parce que dans la communication externe, il est déjà relativement facile de trouver des contournements: tu as mentionné la communication en ligne, mais ça peut aussi être des communiqués de presse, une vidéo dans laquelle on choisit (collectivement) ce qu'on veut montrer, etc. Même quand on tient un stand, assez intuitivement onconstruit un discours commun pour présenter un projet (il suffit d'écouter la présentation des autres gens qui sont sur le stand, et de garder les bonnes idées en ajoutant quelques trucs).

Quand il s'agit de conférences, c'est déjà un peu plus compliqué. J'imagine que ça peut fonctionner pour un sujet du type "quoi de neuf depuis l'an dernier?", par exemple, et donc ce serait en supplément à d'autres sujets plus "personnels" qui sont au moins autant intéressants. Mais dans ce contexte, j'aurai plutôt pris la solution de faire une conférence avec plusieurs orateurs, permettant à chacune de s'exprimer sur le sujet qui lui importe le plus parmi tout ce qu'il y a à dire. Ce qui permettrait de mettre en valeur qu'il n'y a pas Une Voix du Khan, mais plusieurs. Cela dit, je ne sais pas à quel point ça correspond à l'organisation ici. Je sais que chez Haiku il y a relativement peu de choses sur lesquelles toute la communauté est d'accord, et c'est justement ça qui permet aux choses d'avancer. Personellement, je ne voudrais pas être la voix de Haiku, parce que ça aurait l'effet inverse: brouiller encore plus la confusion entre ma vision personnelle, et la vision globale du projet dont j'espère qu'elle est plus complexe et plus riche que ce qu'il y a juste dans ma tête.

Je ne suis donc pas convaincu qu'un avatar unique soit une solution pour montrer qu'une communication vient justement d'une entité collective. Ceci dit, je ne veux décourager personne, montrez-moi que j'ai tort!  :))

Zatalyz

Oui, l'aspect interne est plus compliqué, et la proposition de "Voix du Khan" n'y changera rien (pas besoin de ça en interne, ça n'aura pas de sens). Là dessus il y a pleins de choses qui s'entremêlent et c'est compliqué de dénouer l'écheveau, pour éviter que les personnes les plus anciennes et qui causent le plus se retrouvent à avoir plus de poids.

Pour cette partie, je vois certaine des dynamiques (mais probablement pas tout), et si j'arrive à en dénouer certaines, c'est loin d'être le cas pour tout.

Par exemple, le besoin de "leader". Dans tout groupe humain qui grossit et qui cherche à accomplir quelque chose, il apparaît. Déléguer à autrui la responsabilité et les choix est confortable (référence à toute la logique de la soumission volontaire), pas forcément néfaste non plus puisque déléguer là où on se sait non-compétent à quelqu'un qu'on juge compétent nous permet de nous concentrer sur les sujets où on est compétent. Dans une logique réellement anarchique, on sera tour à tour moteur et suiveur, suivant les domaines. C'est en partie ce qui est en place dans Khaganat : certaines personnes sont reconnues comme compétentes à la fois dans leur domaine mais aussi dans l'organisation de ce pôle de travail et c'est ce qu'on appelle chez nous les coordinatrices (faudrait d'ailleurs qu'on mette la page à jour). Ce statut de coordinatrice est assez organique : à un moment, le groupe "sait" que Lyne est l'une des personnes qui a compris la Lore (par exemple) et donc que c'est vers elle qu'il faut se tourner. Et il peut y avoir plusieurs coordinatrices sur un même pôle. Par exemple sur la partie sysadmin, actuellement je juge que les coordinatrices sont Deed et moi, avec une certaine égalité. On est clairement pas les plus compétents techniquement, mais on a la vision d'ensemble de tout ce qui touche au sysadmin de Khaganat. De facto, c'est de nous que vienne les impulsions pour faire évoluer l'infra et faire le job. Et on sait, dans le groupe de sysadmin, quelles sont les forces de chacun dans le groupe. Il y a une pseudo-hiérarchie, mais qui est mouvante et qui peut évoluer rapidement, sans que ce soit forcément très formalisé. Ce fonctionnement de "coordinatrices" n'est pas forcément perçu par tout le monde (on a tendance à laisser de côté les explications sur le fonctionnement, ce qui est probablement un tort, comme le remarquait Alcyone l'autre jour) mais il existe réellement et structure le travail.

Le statut de coordinateur étant une reconnaissance actocratique (on fait, on est) sans valeur symbolique associée, qui peut changer dès que le niveau de contribution change, il est exclu de potentiels enjeux de pouvoir. Pour le moment, on a toujours refusé de donner une formalisation plus sérieuse à ce genre de poste. On pourrait bien déclarer "Untel, senior lead designer" et autre titres fréquents dans l'industrie et le bullshit management, et ça aurait probablement du sens, mais je crois que refuser les titres ronflants aide à éviter de croire à un pouvoir associé.

On va même au delà de ça en désignant explicitement certaines personnes pour des rôles qui pourraient être prestigieux, puis en déformant le sens généralement admis pour ce rôle. Oui, Yann est "chef" : donc personne ne peut l'être à sa place, sauf à faire un putsch. Mais à quoi bon faire un putsch, quand on sait que chez nous, le "chef" est l'idiot utile qui ne prends pas les décisions et s'en arroge le mérite ? D'autant que Yann adore jouer ce rôle :D Via ce mot de "chef", on arrive à la fois à éviter l'émergence de quelqu'un qui demanderait cette reconnaissance réellement au sein du groupe, tout en démontant ce genre de fonctionnement hiérarchique.

On a aussi le Collège de l'association, qui comme les membres l'ont bien compris à présent, consiste à servir le reste du groupe (en se tapant la paperasserie et les machins officiels pas drôles) et n'est donc pas un rôle prestigieux non plus. Et enfin le Dictateur, qui est soumis au pouvoir du Collège et qui de toute façon ne peut agir que dans des circonstances assez restreintes.

Bref, pour démonter les enjeux de pouvoir, nous avons un certain nombre de mécanismes qui empêchent ou mettent des bâtons dans les roues à quelqu'un qui voudrait le pouvoir en tant que tel, qui voudrait gagner une influence sur les autres via un poste officiel. Et ça marche assez bien, jusqu'ici les quelques personnes qui ont pu passer sur le projet et qui auraient pu avoir ce profil se sont sauvées rapidement, ou ont évoluées. Il y aurait probablement d'autres choses à faire. Ça fait un bail que les personnes attirées par le projet sont toutes intéressées par le "faire ensemble" et l'écoute mutuelle, et ça je pense que c'est tout le travail fait sur l'ambiance du groupe, son fonctionnement, et l'image que ça donne extérieurement. Ça aussi, je pense que c'est un aspect important : avoir une majorité de gens qui ne veulent pas d'un grand chef (un vrai) aide à ne pas voir venir dans le projet les gens intéressés par leur gloire personnelle.

Par contre je bataille au long cours sur ce qui tient de la fabrique de gourou par le groupe lui-même. On en parle régulièrement, mais je ne suis toujours pas satisfaite. Je renvoie à mon article sur les dérives grégaires et la partie sur "l'adoration du leader" : on est dans une configuration qui favorise ce genre de choses. Khaganat est un projet touchant à des sujets qui peuvent être bousculants (c'est gros donc ça attaque la confiance en soi parce qu'on n'est jamais assez compétent pour tout faire, on aime remettre en question la doxa, etc) et comme l'impact potentiellement traumatisant est très accompagné, il y a une grande importance apportée au bien-être de chacun (effet complémentaire : un groupe où on est bien, presque trop !). On veille justement à éviter un certain nombre de dérives listés dans l'article, on en a parlé et on en reparlera régulièrement, et j'ai l'impression de radoter :P
Mais je trouve vraiment complexe de démonter ces mécanismes, qui se remettent en place régulièrement. Il y a un équilibre qui demande à être réajusté sans cesse. Toute mécanique permettant de stabiliser cet équilibre est bonne à prendre.


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